« Programme de 100 jours »: « V.K » et sa « ligne de défense » casse-gueule

Lundi 25 mai. C’est la date de la tenue de la prochaine audience du Tribunal de grande instance (TGI) de Kinshasa/Gombe dans l’affaire relative au détournement présumé d’une cinquantaine de millions de dollar destinés à la construction de 1.500 maisons préfabriquées dans le cadre du programme de 100 jours initié par le président Felix Tshisekedi dès mars 2019. Les avocats de la défense – des prévenus Vital Kamerhe, Jeannot Muhima Ndoole et Jammal Samih – ont demandé ce délai afin de pouvoir compulser toutes les pièces du dossier. Histoire, disent-ils, d’affronter l’Accusation « à armes égales ». Dénégation, victimisation, suffisance. Ces trois mots semblent résumer la ligne de défense très risquée de »V.K » lors de la première audience qui a porté sur la procédure et l’identification des prévenus.

Jammal Samih patron de la société Samibo

Annoncée à 09h00, l’audience foraine du Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe n’a démarré que vers 11h. Les trois prévenus « emblématiques » du jour sont là: Vital Kamerhe, directeur de cabinet, encore en titre, du président Felix Tshisekedi Tshilombo, Jeannot Muhima Ndoole, conseiller à la Présidence chargé de l’import-export, Jammal Samih patron de la société Samibo.

Surprise. En dépit des charges qui pèsent sur lui, le conseiller Jeannot Muhima n’a jamais fait l’objet d’un mandat d’arrêt provisoire, le très redouté « MAP ». Pourquoi? Mystère! Il est venu comparaître à la prison de Makala en « homme libre », vêtu de costume et cravate.

Détenu depuis le 8 avril, « Vital » a totalisé, lundi, trente-trois jours d’embastillement. Pour l’occasion, le « dircab » a décidé de s’afficher en uniforme « jaune bleu » – du moins la chemise – des pensionnaires de ce lieu carcéral. Dramatisation?

Crâne rasé, « VK » arbore un collier de barbe poivre sel de quelques semaines et un chapelet autour de son cou. L’homme d’affaires Samih porte la même chose. Tous les deux avaient des masques de protection. Muhima, mêmement.

Ce procès est en soi un événement. C’est la première fois qu’une personnalité de ce rang, proche du chef du l’Etat, ait à rendre compte devant la justice du pays. Rien d’étonnant que les Congolais se livrent à une surenchère dans les « analyses » et autres supputations.

« COUPE-FEU »

Pour les uns, Kamerhe ne serait qu’un « fusible » destiné à « couper le feu » qui menacerait, selon eux, son patron et allié. Pour d’autres, les « ennuis judiciaires » du président de l’UNC (Union pour la nation congolaise) ne seraient ni plus ni moins qu’un « crime parfait » en prévision de l’horizon de 2023. A qui profite le crime? Poser la question, c’est y répondre. D’autres encore, croient mordicus que l’Administration Trump « serait aux manettes ». Au motif que « Vital » a « osé » faire des transactions avec le Libanais Jammal Samih, suspecté de financer le terrorisme.

Quid de la première audience qui a eu lieu lundi 11 mai?

Comme il fallait s’y attendre, tous les regards étaient braqués sur Kamerhe. Celui-ci a surpris – plutôt désagréablement – plus d’un observateur autant par ses dénégations, sa suffisance que sa volonté de jouer la carte de la « victimisation ». Dénégations, victimisation, suffisance. Ces trois mots résument la ligne de défense très risquée adoptée par le dircab.

Dénégations. Directeur du cabinet présidentiel depuis fin janvier 2019, « V.K » prétend n’avoir jamais vu le conseiller Jeannot Muhima qui est pourtant censé travailler sous sa direction. « C’est la première fois que je le vois », s’est-il exclamé en réponse à une question du juge-président. Jammal Samih? Non plus! « J’ai l’habitude de rencontrer plein de gens », balbutia-t-il.

Vital Kamerhe, Directeur de cabinet

« ON SE FOCALISE SUR KAMERHE »

Victimisation. « Je n’étais pas le seul superviseur du Programme de 100 jours. D’ailleurs, la coordination était assurée par Nicolas Kazadi, l’ambassadeur itinérant du chef de l’Etat ». C’est toujours « Vital » qui parle. Pour lui, « on se focalise sur Kamerhe » alors qu’il n’était pas seul dans la gestion de ce dossier.

Suffisance. Après avoir rappelé qu’il était un « intellectuel », Kamerhe a semblé irrité de devoir donner l’identité de ses parents. A quelques courtes questions, il répond par une petite envolée lyrique. Il a expliqué, geste à l’appui, pourquoi le cabinet présidentiel a pris ses responsabilités, du mois mars à septembre 2019. « Nous avions un Premier ministre issu d’une Assemblée qui venait d’être balayée par une nouvelle Assemblée », dit-il. Et de poursuivre: « Le Président devait-il croiser les bras durant sept mois à ne rien faire? » Questions: l’ancien président de l’assemblée nationale pouvait-il ignorer que le Président de la République, politiquement irresponsable, ne peut pas poser des actes de gestion? Pouvait-il ignorer également qu’en vertu du principe de continuité de l’Etat, un gouvernement « en affaires courantes » peut prendre des décisions immédiates en cas d’urgence?

Le moins qu’on puisse est que « VK » semble minimiser les faits mis notamment à sa charge. Que reproche-t-on à ce beau monde?

Après son investiture à la tête de l’Etat le 24 janvier 2019, le nouveau chef de l’Etat a lancé, dès le mois de mars, un « Programme urgent de 100 jours ».

En date du 20 juin 2019, le directeur du cabinet présidentiel écrit, « sur instruction du Président de la République », au directeur général de la Direction générale de contrôle des marchés publics. Objet: obtenir son « avis de non objection » à la conclusion d’un marché de gré à gré pour l’érection de 3.000 maisons préfabriquées pour militaires et policiers.

MALVERSATIONS & BLANCHIMENT

Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public a retenu à charge de Kamerhe et de Samih le détournement d’une somme de $ 48.841.148 destinée au financement de 1.500 maisons préfabriquées dans le cadre du projet de logements sociaux.

Dans un autre registre, le ministère public poursuit le « dircab » et le conseiller Muhima pour le détournement d’un montant de $ 1.154.800, remis à ce dernier afin de dédouaner des containers des maisons préfabriqués en Tanzanie. Selon ce conseiller, c’est sa « hiérarchie » qui l’avait chargé de cette mission. « Votre hiérarchie, c’est qui? », répliqua le juge-président. « C’est le directeur de cabinet », répondit-il.

D’ici jeudi 14 mai au plus tard, le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe va répondre à la requête introduite par les avocats de de Samih et de Kamerhe en vue d’obtenir la liberté provisoire pour les deux prévenus. Affaire à suivre.

Tout au long de la soirée de lundi, nombreux étaient des observateurs et autres chroniqueurs qui ironisaient sur la « fragilité » de la « ligne de défense » adoptée par « Vital » du fait que l’affaire en instruction porte non seulement sur des cas de malversations mais aussi de « blanchiment » des capitaux. Des accusations gravissimes.

Lundi soir, personne n’osait parier sur l’efficacité autant que la crédibilité de la « stratégie de défense » de Vital Kamerhe qualifiée de « casse-gueule ».

Des questions fusent: « Comment peut-il prétendre qu’il n’a jamais vu un conseiller à la Présidence à qui il a pourtant confié la mission d’aller dédouaner des marchandises en Tanzanie? Comment peut-il prétendre qu’il n’a jamais rencontré Jammal Samih avec qui il a conclu un marché de près de 50 millions de dollar? »

 

Baudouin Amba Wetshi

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