Programme du gouvernement Ilunga 1er: Un petit air de « déjà entendu »

Nommé Premier ministre le 20 mai dernier par le président Felix Tshisekedi Tshilombo – sur proposition de l’ex-président « Joseph Kabila » -, Sylvestre Ilunga Ilunkamba a attendu le mardi 3 septembre pour pouvoir présenter le programme du gouvernement qu’il va diriger. Ce n’est pas de sa faute. Les membres du nouvel exécutif n’ont été nommés que le 29 août soit 214 jours après l’investiture de l’actuel chef de l’Etat. Signe d’une « cohabitation » qui s’annonce « impitoyable » entre les « partenaires » autoproclamés de l’improbable coalition CACH- FCC. Mardi, des députés dissimulaient à peine un certain agacement  d’avoir reçu, quarante-huit heures auparavant, un texte comportant des passages différents de celui présenté par le nouveau chef du gouvernement. Au total, le « Premier » n’a fait aucune annonce originale.  

Dans une « déclaration solennelle » publiée le 29 juillet dernier, Jean-Marc Kabund-A-Kabund (coordonnateur du CACH) et Néhémie Mwilanya Wilondja (coordonnateur du FCC) annonçaient la constitution d’une « coalition politique » pour « gouverner ensemble ». Le texte fait état de l’adoption d’un « programme commun » de gouvernement.

Le Congo-Kinshasa vit depuis plusieurs décennies une « crise d’Etat ». Les citoyens n’ont pas confiance en la capacité de leurs gouvernants de leur garantir la paix et la sécurité. Encore moins un minimum de bien-être. En cause, des promesses non-tenues. Les mêmes citoyens n’ont pas non plus confiance à la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Il en est de même de l’appareil judiciaire et de la Cour constitutionnelle. Les citoyens sont enfin scandalisés par les inégalités qui s’illustrent par le grand train de vie que mène une minorité de compatriotes évoluant dans les institutions politico-administratives du pays.

Palais du Peuple

On imagine que les Congolais vivant dans les 26 provinces du pays avaient, mardi 3 septembre, les oreilles tendues vers l’hémicycle de l’Assemblée nationale afin d’entendre un « message d’espoir » contenu dans le speech du successeur de Bruno Tshibala. Hélas, le « rendez-vous » n’a pas eu lieu.

Que peut-on retenir en guise de « priorités » dans le programme présenté par le « Premier » Ilunga Ilunkamba? Hormis l’instauration d’un budget-programme au niveau des ministères, la mise en œuvre progressive de la gratuité de l’enseignement de base dans les écoles publiques, la création d’une juridiction spéciale chargée de la répression de la corruption et le rapatriement prochain des restes du maréchal Mobutu Sese Seko et l’ex-Premier ministre Moïse Tshombe, Sylvestre Ilunga n’a annoncé aucune réforme majeure. Ce dernier n’a fait qu’égrener un chapelet de bonnes intentions. Du bla-bla-bla…

Secteur politique, défense et sécurité? « Eradiquer totalement les germes d’insécurité à travers le territoire national, notamment en s’attaquant militairement à tous les groupes armés (…)« , « lutter contre l’insécurité et le banditisme sous toutes leurs formes », peut-on lire notamment. Ou encore: « combattre l’intolérance, le divisionnisme et le tribalisme (…)« . Que vient faire le vocable « divisionnisme » au Congo-Kinshasa? Renforcement de l’autorité de l’Etat? « Revisiter le plan de réforme de la police, réformer les services de renseignements, dépolitiser l’administration du territoire ». Promotion de l’Etat de droit? « Faire de la justice l’épine dorsale de notre gouvernance » et « garantir une justice équitable à tous les citoyens ». Redynamisation de la diplomatie? « Promouvoir une diplomatie de développement ». Un slogan éculé. Diversification de l’économie? « Faire de l’agriculture le fer de lance de notre autosuffisance alimentaire et notre bouclier contre l’importation des produits de première nécessité ».

Devant les 352 députés présents, Sylvestre Ilunga a pris l’engagement d’assainir les finances publiques non pas en réduisant le train de vie de l’Etat mais en dépensant dans les « limites autorisées ».

RÉACTIONS

Christelle Vuanga

Quelques parlementaires ont fini par quitter la séance plénière après avoir découvert une « supercherie ». A savoir que le texte qui leur a été distribué, quarante-huit heures auparavant, n’était pas le même que celui présenté par le nouveau « Premier ». Une situation qui les empêche d’interroger le chef du gouvernement en toute connaissance de cause. Ils ont demandé un délai de 48 heures conformément au règlement intérieur.

Plusieurs députés n’ont pas manqué de critiquer ce programme de gouvernement. C’est le cas notamment de Christelle Vuanga. Selon elle, la majorité a fait modifier certaines pages du programme pendant que le Premier ministre lisait son discours. « Ils savaient que nous avons déjà des critiques vis-à-vis du document que nous avons reçu précédemment ». D’après cette jeune députée, la demande d’un délai réglementaire de 48 heures pour analyser le texte présenté a été rejetée. « Ils ont rejeté notre demande de prendre du recul pour mieux analyser le nouveau document. Ils mettent leur majorité au service du mal », a-t-elle confié.

Pour le MS-G7 Bienvenue Apalata, le programme présenté contient « plusieurs bonnes intentions qui en réalité ne constituent pas un programme de gouvernement ». Le député de déplorer l’absence d’une estimation chiffrée. Et de glisser: « Comment pourrais-je, en ma qualité de parlementaire, contrôler ou critiquer ce programme? Je n’ai pas de repères ».

Eliezer Ntambwe

L’ancien journaliste Eliezer Ntambwe n’est pas allé par quatre chemins en affirmant que « le Premier ministre nous a roulés ». Et ce en donnant lecture d’un texte différent de celui qui a été distribué aux parlementaires. Selon lui, les députés entendent faire usage de motions « pour recadrer les choses ».

« DU DÉJÀ ENTENDUS »

La grande majorité des annonces faites par Sylvestre Ilunga dégage « un petit air de déjà entendu ». C’est le cas notamment des réformes en matière sécuritaire et de la force publique.

Dans l’Accord-cadre signé le 24 février 2013 à Addis Abeba, en Ethiopie, par onze Etats africains dont le Congo-Kinshasa, ce dernier avait pris l’engagement de mener des réformes dans l’armée, la police et les « services ». L’Etat congolais s’étaient engagé également à consolider l’autorité de l’Etat à l’Est, de promouvoir les services sociaux de base et la réconciliation nationale, la tolérance et la démocratisation. Aucun changement n’est intervenu dans ces secteurs sous la Présidence du « Grand prêtre » « Joseph Kabila ».

Des observateurs restent sceptiques en ce qui concerne la capacité de l’armée congolaise à éradiquer les groupes armés tant nationaux qu’étrangers qui pullulent au Nord-Est.

Depuis le régime de Transition « 1+4 » à ce jour, les FARDC ont été « infiltrées » par des éléments étrangers à la « loyauté vacillante », faussement appelés « Banyamulenge ». Ces individus sortis de nulle part ont profité des « mixages » et autres « brassages ».

Corneille Nangaa Yobeluo, président de la CENI  (AFP)

De l’avis général, l’armée congolaise devrait être « épurée » de cette espèce de « cinquième colonne », avant toute chose. L’appareil judiciaire et la Cour constitutionnelle devraient subir également de profonds changements. La coalition CACH-FCC est la seule à croire qu’il est opportun de poursuivre le cycle électoral avec la très chahutée Commission électorale nationale indépendante dans sa configuration.

Optimiste, le président Felix Tshisekedi a récemment exclu toute idée d’échec du gouvernement Ilunga Ilunkamba. Au motif qu’ « il va y avoir des objectifs à court et moyen terme qui seront fixés à chaque ministre, une sorte d’évaluation de leur rendement ».

L’histoire ne dit pas si le nouveau gouvernement serait en possession de moyens conséquents pour réaliser ces « objectifs à court et moyen terme », selon le triptyque « mission, moyens, résultats ».

 

Baudouin Amba Wetshi

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