Quand sieur Nyarugabo se trompe d’époque

A Kinshasa, l’Assemblée nationale vient de clore le débat sur l’affaire Minembwe. Minembwe est cette localité située dans le Territoire de Fizi, dans la province du Sud-Kivu. Et que quelques politiciens kinois d’origine rwandaise – profitant de leur influence – ont tenté d’élever au rang de commune. Une commune mono-ethnique qui ne dit pas son nom.

Lors de leurs interventions le 19 et 27 octobre, les députés nationaux ont démontré que cette entité n’était pas « éligible » faute d’une population minimale de 20.000 âmes. Par ce motif, elle n’avait pas obtenu « l’avis conforme » de l’assemblée provinciale.

Les députés ont démontré également que c’est suite à des manœuvres frauduleuses que Minembwe a été insérée dans la liste des « agglomérations » à ériger en ville ou commune. Ils ont démontré enfin que l’actuel ministre de la Décentralisation et réformes institutionnelles, Azarias Ruberwa, s’est rendu « coupable » de « tricherie » et de « conflit d’intérêts ».

Lors des débats du lundi 19 et mardi 27 octobre, les « honorables » avaient « rangé », leurs clivages idéologiques, au demeurant légitimes, pour ne s’appesantir que sur l’intérêt national comme l’énonce notamment le troisième alinéa de l’article 63 de la Constitution: « Toute autorité nationale, provinciale, provinciale, locale et coutumière ont le devoir de sauvegarder l’unité de la République et l’intégrité de son territoire, sous peine de haute trahison ».

Il est désormais clair que l’intégrité du territoire national est menacée par des forces centrifuges manipulées depuis certains pays voisins en général et le Rwanda de Paul Kagame en particulier. Celui-ci agit principalement à travers deux hommes liges. A savoir: Azarias Ruberwa et Moïse Nyarugabo.

Mardi 27, des députés ont exigé la démission du ministre Ruberwa. Ceux qui avaient suivi la retransmission de la plénière n’avaient pas manqué de constater un Nyarugabo qui s’agitait sur son siège.

Jeudi 29, sieur Nyarugabo a mis en ligne une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux. Dans celle-ci, il profère des menaces précises. Il menace non seulement le député national Muhindo Nzangi, l’initiateur de l’interpellation de Ruberwa, mais aussi le peuple congolais tout entier. « Nous n’avons que deux choix: nous allons vivre comme des frères ou nous allons mourir ensemble comme des idiots. C’est à eux de choisir », vocifère-t-il.

Au nom de quel principe, Moïse Nyarugabo se croit-il en droit de tenir des propos comminatoires à l’endroit d’un membre de la Représentation nationale congolaise? Au nom de quel principe ose-t-il menacer le peuple congolais en général et les habitants du Sud-Kivu en particulier?

Pour sieur Nyarugabo, les parlementaires qui ont tiré la sonnette d’alarme face au danger qui menace l’intégrité du territoire national ont joué la carte du « populisme » afin de « gagner un peu de popularité ». Il n’a cité aucun nom. On peut gager qu’il pense notamment à Eve Bazaïba qui avait déclaré qu’après avoir obtenu la nationalité, les Banyarwanda dits « banyamulenge » exigent la terre. Que vont-ils demander demain? L’autodétermination et l’indépendance? « Nous risquons d’avoir un Lesotho en RDC », s’était-elle exclamée.

Depuis son apparition dans le microcosme politique congolais, il y a deux décennies, sieur Ruberwa Azarias n’a jamais fait mystère de l’objet de sa « mission ». Dans plusieurs interviews, il n’a dans sa bouche qu’un sujet: la défense des intérêts des membres de sa « communauté » dite « Banyamulenge ». La seule tribu qui n’a jamais été répertoriée au Congo-Kinshasa par l’ancienne puissance coloniale belge.

Lorsqu’on parcourt l’article 6 de la toute première Constitution rédigée par des législateurs congolais en 1964, on peut lire: « Il existe une seule nationalité congolaise. Elle est attribuée, à la date du 30 juin 1960, à toute personne dont un des ascendants est ou a été membre d’une tribu ou d’une partie de tribu, établie sur le territoire du Congo avant le 18 octobre 1908 ».

Pour les besoins de la cause, le premier alinéa de l’article 14 de la « Constitution de transition », rédigée sous le diktat des anciens belligérants (gouvernement de Kinshasa, MLC, RCD-Goma, RCD K/ML, RCD-N) – après le fameux dialogue inter-congolais et promulguée le 4 avril 2003, stipule ce qui suit: « Tous les groupes ethniques et nationalités (sic!) dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo à l’indépendance, doivent bénéficier de l’égalité des droits et de la protection aux termes de la loi en tant que citoyens ».

Vous avez bien entendu. Ici, on ne parle plus de tribu mais des « ethnies » et des « nationalités ». Le mot tribu a été sciemment éludé par les belligérants – on devine lesquels – pour la simple raison que chaque groupe tribal est localisé dans un espace territorial bien déterminé. A titre d’exemple, le Sud-Kivu, est habité par les tribus suivantes: Bashi, Bembe, Fuliiro, Nyindu, Vira, Havu, Rega.

En 1964, les Belges Jean-Claude Willame et Benoît Verhaegen signalaient qu’au « Kivu central », on notait la présence à Kabare et Kalehe de « petits groupes tribaux banyarwanda ». Selon eux, il s’agissait « des hamites provenant en majeure partie des populations réfugiées du Rwanda ». (voir Les provinces du Congo, structure et fonctionnement, Nord-Kivu, Institut de recherche économiques et sociales – Université de Lovanium, pp. 32, 33, 35 et 85).

Sieurs Nyarugabo et Ruberwa se trompent d’époque. Ils se croient encore à l’époque où le Congo-Zaïre était un « royaume divisé ». Un royaume qui ne pouvait que périr face aux appétits hégémoniques de certains voisins.

Sans cette « division » qui découlait de la « fatigue » de la longue transition démocratique de 1990-1997 et du bras de fer Mobutu-Tshisekedi, les troupes rwando-ougandaises, camouflées sous la bannière « AFDL », n’auraient jamais accompli leur « promenade de santé » d’Uvira à Kinshasa.

Aujourd’hui, redevenus fiers leur identité nationale, les Congolais ont pris conscience de l’erreur fatale à ne plus jamais commettre dont celle d’embrasser sur la bouche le premier « libérateur » venu.

Le Congo-Kinshasa reste un pays où il fera toujours bon vivre pour nationaux et étrangers. Hospitalier vis-à-vis des étrangers qui respectent ses lois, le Congo sera sans rémission à l’égard de ceux qui abusent de son hospitalité en finançant des bandes armées…

 

Baudouin Amba Wetshi

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