Questions directes à Christopher Ngoyi Mutamba

Christopher Ngoyi Mutamba vient de séjourner en Belgique où il a subi un bilan complet de santé. « Tous les paramètres vitaux sont confiants », a-t-il déclaré. Défenseur des droits de l’Homme, il a été arrêté le 21 janvier 2015 à Kinshasa, en marge des manifestations des 19, 20 et 21 janvier qui avaient secoué la capitale. Bilan: une quarantaine de morts et plusieurs dizaines de blessés. Les Kinois avaient exprimé bruyamment leur opposition à un projet de loi subordonnant la tenue des élections au recensement de la population. C’est ici qu’est né le vocable « glissement » du calendrier électoral. Après plusieurs semaines passées dans un cachot secret à la direction générale de l’Agence nationale de renseignements (ANR), l’activiste est transféré à la prison centrale de Makala.

Le 10 février de cette même année, il est présenté au public, tel un malfrat, au cours d’une cérémonie organisée au cabinet du ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab. Le commissaire provincial adjoint de la police judiciaire, Remy Ekuka Lipopo, a égrené, à cette occasion, un chapelet des « charges » retenues à l’encontre de ce militant des droits humains. A savoir: incendie volontaire; destruction méchante; propagation de faux bruits; propagande subversive; incitation à la désobéissance civile; incitation à la violence; incitation à la haine raciale; incitation des militaires à commettre des actes contraires au devoir ou à la discipline; association de malfaiteurs; attentat et complot tendant à porter le massacre, la dévastation ou le pillage et atteinte à la sécurité intérieure l’Etat. Ouf! A Bruxelles, des médias de la diaspora congolaise de Belgique ont profité de cette toute première sortie de « Christopher » du pays pour lui demander de dire (enfin) sa part de vérité. « La prison centrale de Makala constitue une plaie pour la société congolaise », a déclaré Ngoyi Mutamba. Interview.

Vous avez été hospitalisé plusieurs fois durant votre détention. Comment allez-vous?

Je tiens tout d’abord à remercier tous ceux qui se sont battus pour réclamer ma libération. Je pense notamment à l’association « Congo Lobbying » ainsi qu’à toutes les organisations de défense des droits de l’Homme et tant d’autres que je ne peux énumérer ici. Je n’oublie pas les actions menées par des Congolais de la diaspora. Mes remerciements s’adressent également à des acteurs de la communauté internationale. Pour répondre à votre question, je suis venu en Belgique tout simplement pour faire un check-up. Aux dernières nouvelles, je crois que le danger est passé. Aujourd’hui, tous les paramètres vitaux sont confiants. Les médecins m’ont dit que je pouvais reprendre une vie normale.

Revenons à la journée fatidique du 21 janvier 2015. Quelles sont les circonstances exactes de votre arrestation?

Chaque fois que j’évoque cette expérience malheureuse, j’ai l’impression de remuer le couteau dans la plaie. Il est néanmoins important que l’opinion sache ce qui s’est passé. Le 21 janvier 2015, le peuple congolais était dans la rue. Je tiens à souligner que le peuple congolais avait parfaitement le droit de manifester. En face, il y avait une force répressive. Quelle est la cause de mon arrestation? Plusieurs mois auparavant, nous nous étions déployés sur le terrain pour sensibiliser la population avec un programme pédagogique intitulé « Peuple congolais, réveilles-toi, l’heure a sonné! ». Le but était d’éveiller la conscience de la population. Nous avions détecté que Monsieur Kabila était en train d’articuler des mécanismes en créant l’ONIP (Office national d’identification de la population) qui devait procéder au recensement de la population. Pendant ce temps, un projet de loi était soumis au vote du Parlement. Ce texte conditionnait la tenue des élections à l’achèvement des opérations de recensement. Nous avons constaté, par ailleurs, que l’ONIP était dirigé par des cadres du parti présidentiel. Nous avons compris, dès lors, que les élections n’allaient pas avoir lieu dans les délais constitutionnels. Conformément à l’article 5 de la Constitution qui stipule notamment que « la souveraineté nationale appartient au peuple », nous nous sommes dit que la non-tenue des élections signifie que le mandataire a confisqué le mandat qui lui a été confié par le peuple souverain. Voilà pourquoi, nous avons alerté le « souverain primaire » afin qu’il se mette debout pour dénoncer le fait que nous étions en train de « glisser ». C’est le point de départ du vocable « glissement ».

Revenons aux circonstances de votre arrestation…

J’étais sur le terrain avec d’autres activistes de la société civile pour vulgariser cette campagne d’éveil. Le pouvoir a compris que sa stratégie du glissement était mise à nu et que le peuple s’est levé pour la bloquer. Il fallait donc neutraliser les initiateurs de ces actions. Il faut dire que les manifestations des 19 et 20 janvier ont donné lieu à plusieurs cas de violation des droits humains. Des sources sûres nous ont fait état des « pressions » voire des brimades exercées sur des victimes admises dans les hôpitaux. Toutes les morgues étaient gardées par les forces de l’ordre. Le matin du 21 mai 2015, nous nous sommes rendus à l’hôpital général Mama Yemo. Avant d’y aller nous avons demandé à quelques députés de nous accompagner afin de faire le monitoring. Nous voulions profiter de leurs immunités parlementaires. C’est bien cette démarche qui a provoqué l’ire du pouvoir. Les éléments de la force publique présents à Mama Yemo avaient quasiment planifié notre exécution. Aussitôt après notre départ de cet établissement hospitalier, il y a eu une fusillade. On a dénombré plusieurs blessés dont des membres du personnel médical. Dans la soirée du 21 mai, j’avais prévu une réunion avec des défenseurs des droits de l’Homme dans un hôtel à Matonge. C’est au cours de cette rencontre que j’ai été interpellé, sans mandat, et emmené à la direction générale de l’ANR. Chemin faisant, j’ai entendu les agents qui me convoyaient s’entretenir au téléphone avec quelqu’un qui devait être leur supérieur hiérarchique. Celui-ci voulait savoir si des témoins avaient assisté à mon « enlèvement ». Ils ont répondu par l’affirmative. Cet élément a bouleversé leur « programme ». C’est ainsi que j’ai été conduit à la direction générale de l’ANR. Une grande réunion s’est tenue tout au long de cette nuit.

Qu’en est-il de vos conditions de détention?

J’ai été enfermé dans une cellule où se trouvaient plusieurs détenus. J’ai la conviction que mon élimination physique était l’objectif poursuivi par ceux qui avaient ordonné mon enlèvement. Avant de m’installer dans cette cellule, on a pris soin de conditionner mes codétenus afin qu’ils me passent à tabac. Lorsque ceux-ci ont appris que j’étais Christopher Ngoyi, l’activiste des droits humains, ils m’ont demandé ce que je faisais à l’ANR. Je leur ai confié que j’ai été enlevé. J’ai entendu un des détenus dire: « Si le pouvoir commence à arrêter des défenseurs des droits humains ce que la situation devient désespérante… ». On m’a fait partir de cette cellule pour m’enfermer dans un autre lieu toujours dans la commune de la Gombe. J’ai été placé en isolément. Je n’avais le droit d’échanger un mot avec d’autres détenus. J’ai constaté cependant que la situation carcérale était très mauvaise.

Vous avez été accusé de menées terroristes lors d’une cérémonie organisée au ministère de l’Intérieur. L’accusation a-t-elle pu étayer ces allégations?

J’ai été surpris d’entendre un officier de la police judiciaire égrener un chapelet d’accusations mises à ma charge. J’ai compris que le pouvoir voulait se servir de ma situation pour lancer un message pour intimider la population. Je ne me sentais nullement concerné par ces chefs d’accusation. Je suis resté serein. Une seule pensée me venait à l’esprit. Celle de demander à la population de poursuivre les actions commencées. D’ailleurs, les enquêteurs n’ont pas été en mesure de démontrer la matérialité des faits. C’est ainsi que le pouvoir a tenté de me faire juger dans le cadre d’un procès à huis clos. Alors que la Constitution consacre la publicité des débats au niveau des cours et tribunaux. J’ai refusé de comparaître tant que le public et la presse ne seront pas présents dans la salle.

Avez-vous été torturé à l’ANR?

La torture n’est pas seulement physique. Elle peut être morale voire même intellectuelle. Le fait de me priver la liberté d’aller et de venir ou d’empêcher les membres de ma famille d’entrer en contact avec moi, c’est une forme de torture. Il en est de même des perquisitions opérées à mon domicile en violation des règles prévues par la loi. Je pourrais citer également le fait d’être consigné dans une cellule où je ne peux pas bouger ni adresser la parole aux autres détenus. Autres tortures: ne pas savoir ce qui se passe à l’extérieur ou être placé en isolement total. C’est également le fait de ne pas manger une nourriture saine et surtout d’être obligé de consommer ce qu’on vous impose. Ce sont là des actes de torture qui vont au-delà de ce que nous dénonçons en tant que défenseurs des droits de l’Homme.

Quelles étaient les conditions carcérales à l’ANR et à Makala?

Les conditions carcérales étaient très humiliantes. Lorsqu’on m’a emmené dans une sorte d’isoloir, on m’a introduit dans une cellule. Avant de m’y introduire, les agents ont discuté entre eux. Ils voulaient savoir où ils devaient m’enfermer. En fait, c’est la troisième fois que j’étais emmené à l’ANR. La première fois c’était en 2000 du temps de Laurent-Désiré Kabila.

Pour des faits analogues?

C’était toujours dans le cadre de mes activités de défenseur des droits humains. La deuxième fois remonte au mois de mars 2009 avec Floribert Chebeya. [Ndlr: Les défenseurs des droits humains avaient organisé un sit-in devant le Palais du peuple pour protester contre le « coup » porté contre la démocratie par l’éviction du président de l’Assemblée nationale d’alors, Vital Kamerhe. Celui-ci avait dit son « trouble » après l’entrée des troupes rwandaises sur le sol congolais dans le cadre de la fameuse opération conjointe « Umoja Wetu » pour « traquer » les miliciens des FDLR avec les FARDC]. Nous avons passé quelques heures avec Chebeya à l’ANR avant d’être transférés à la direction des renseignements généraux et des services spéciaux de la police à Kin-Mazière. On m’avait dit qu’à l’ANR, je me sentirai un peu plus à l’aise du fait que celui qui m’avait arrêté ne savait pas le nombre de jours que j’allais passer avec eux. C’était le contraire. Dès que je suis arrivé, il a été décidé de m’installer dans une cellule dite « VIP ». Après discussion, il m’a été décidé de m’enfermer dans la cellule n°1. L’endroit est adjacent aux toilettes et plongé dans une obscurité totale. L’odeur était insupportable. Pire, il n’y avait pas de couchette. Je me suis endormi immédiatement à même le sol. Je m’étais préparé.

Vous êtes par la suite transféré à Makala…

Après ma présentation devant les médias au ministère de l’Intérieur, j’ai été transféré à la prison centrale de Makala en transitant par le parquet général de Matete où j’ai été enfermé dans une cellule d’une saleté insoutenable. Ici aussi, il n’y avait pas de couchette. J’y ai passé deux jours. C’est une humiliation. J’étais placé dans une sorte de cage. Tout le monde qui venait me visiter devait me parler à travers des barreaux. C’est le cas notamment de mes enfants. Il n’y avait ni chaise ni couchette. De Matete, je suis transféré au « Pavillon 7 » de la prison de Makala. Il s’agit d’une salle qui compte beaucoup de détenus. J’ai dû payer pour obtenir un matelas.

A qui avez-vous payé?

J’ai payé auprès de « l’organisation » qui gère la prison. Ce sont des prisonniers qui gèrent ce genre de choses sous l’autorité du directeur de la prison. La prison centrale de Makala est un monde à part. Les conditions carcérales dans ce pénitencier dépendent des capacités financières du prisonnier. Il m’a fallu réunir beaucoup de moyens.

Voulez-vous dire que l’Etat congolais ne s’occupe pas de ses prisonniers?

En fait, tous les prisonniers sont astreints à un repas invariable appelé « Vunguré ». Un plat très mal préparé à base de maïs, du manioc et de haricots. Le tout arrosé d’un peu d’huile. Outre la carie dentaire, cette nourriture provoque la constipation. On voit des prisonniers perdre du poids après un ou deux mois. Heureusement que la Croix rouge est là pour prendre soin des détenus qui pèsent moins de 50 kilos. La Croix rouge soumet ceux-ci à un régime spécial afin qu’ils récupèrent les kilos perdus. Il est de notoriété publique que la Croix rouge gère le Pavillon 7. C’est le pavillon médical et de nutrition. N’eut été l’intervention de la Croix rouge, on aurait dénombré beaucoup de cas de décès. Les conditions de détention à Makala sont très mauvaises. Cette prison constitue une plaie pour notre société. La société a prévu la justice pour sanctionner ceux qui contreviennent aux règles qui régissent la vie collective. La prison est censée être le lieu de correction avant la réinsertion du délinquant dans la société. La prison de Makala, elle, crée des marginaux. Lorsque les gens quittent ce lieu, ils nourrissent une haine à l’égard de la société. Ils n’ont qu’une idée en tête: se venger. La prison centrale de Makala n’a plus sa vocation de lieu de rééducation.

Nous sommes aujourd’hui le 6 décembre 2016. Vous vous êtes battu pour faire échec au « glissement ». L’élection présidentielle et les législatives prévues au mois de novembre n’ont pas eu lieu. Quel est votre sentiment?

C’est une frustration pour la société civile dans son ensemble. La Constitution congolaise a prévu que le Président de la République a droit à deux mandats. Le président Joseph Kabila a exercé ses deux mandats. A la fin de chaque législature, il incombait à la Commission électorale nationale indépendante de convoquer le scrutin pour permettre à la démocratie de fonctionner normalement. A maintes reprises, la CENI a démontré qu’elle n’a jamais été ni neutre ni indépendante. Il fallait la réformer. Elle n’a pas convoqué le corps électoral à la date du 19 septembre. Les élections devaient avoir pourtant lieu le 27 novembre. Nous sommes frustrés parce que le « souverain primaire », le mandant, est évité. Le personnel politique a engagé le pari de gérer le pays sans mandat. C’est le cas notamment du président Kabila. Pour le peuple, l’actuel chef de l’Etat est à la tête du pays depuis quinze ans. Il y a eu une dictature. Le peuple congolais pensait pouvoir « respirer » et retrouver ses repères en 2016. Au lieu de la paix, on lui a amené la guerre. Notre pays s’appelle la République démocratique du Congo. Le peuple congolais espérait qu’à la fin de son second et dernier mandat, le Président en exercice allait procéder à la passation du pouvoir avec le nouveau Président élu. Depuis 2015, nous avons eu le sentiment que rien ne sera simple. Aujourd’hui, le peuple congolais considère le bilan de Joseph Kabila comme calamiteux. Il en souffre dans sa chair. Ce peuple espérait que la fin du mandat de Monsieur Kabila devait conduire à un changement de ses conditions. Comment réagira-t-il? C’est la question que je me pose.

Que pensez-vous de la mission de bons offices que « Joseph Kabila » a confié aux évêques catholiques?

D’abord, c’est une mission difficile! Ensuite, le temps presse. Mon souhait est que les vies humaines soient préservées.

Il faut donc une « solution consensuelle »…

Absolument! Il faut une solution consensuelle. Cela ne voudrait pas dire qu’il faut fouler aux pieds le prescrit constitutionnel.

C’est déjà le cas…

Au risque de me répéter, j’estime que la mission des évêques est très difficile. Le problème réside au manque de sincérité de la part du camp du président Kabila. En clair, je ne suis pas sûr de l’aboutissement heureux de cette mission. Les évêques doivent se presser. Ils doivent également donner un signal à la population congolaise avant le 19 décembre.

Quel genre de « signal »?

Le meilleur signal serait l’annonce par le président Kabila qu’il ne va pas se représenter et qu’il s’engage à respecter les droits de l’Homme. L’autre signal c’est bien la libération des prisonniers politiques. Je peux citer notamment: Jean-Claude Muyambo Kyassa, Eugène Diomi Ndongala, Eric Kikunda. La liste est loin d’être exhaustive. J’ai passé plusieurs mois en prison. Je connais la souffrance des prisonniers. La période que nous traversons devrait être le moment par excellence pour que les Congolais se réconcilient avec eux-mêmes. Beaucoup de nos compatriotes sont obligés de vivre en exil. Je vois pas mal de situations qui auraient dû être analysées avec sagesse. C’est le moment d’envoyer un signal positif au peuple. C’est le moment pour les acteurs politiques de taire leurs divergences. Lorsque nous parlons de « décrispation », il s’agit de prendre des mesures qui génèrent une certaine détente psychologique.

Depuis 1990, les membres de la société civile ont pris l’habitude de participer au pouvoir au lieu de se cantonner dans son rôle de contre-pouvoir. Que répondez-vous à ceux qui trouvent « malsain » que la société civile participe au gouvernement?

Je n’ai pas du tout cette appréhension. Bien au contraire. La société civile comprend l’ensemble de la population. La politique est une thématique de la société civile. Les partis politiques sont des associations comme d’autres.

La société civile est perçue comme un « chien de garde », le fameux « watch dog » …

J’affirme sans me gêner que l’Etat est une émanation de la société civile. L’Etat est une personne morale créée par la volonté du souverain primaire pour résoudre les problèmes collectifs. On m’a déjà posé la question de savoir pourquoi il y a des membres de la société civile tant du côté du pouvoir que de l’opposition. Ma réponse est simple: la société civile est partout. Elle est partout où elle peut apporter sa contribution dans la marche des affaires publiques. La société civile est attachée au « paradigme dialogique ». C’est-à-dire qu’il faut dialoguer. Du choc des idées jaillit la lumière.

Il reste 13 jours avant la date fatidique du 19 décembre. En tant qu’activiste de la société civile, que proposez-vous comme synergie entre les Congolais de l’intérieur et ceux qui vivent à l’étranger?

A ce jour, personne ne peut présager les actions qui seront menées au pays. Une chose paraît sûre: le peuple congolais est déterminé à faire valoir sa souveraineté. Le peuple congolais est laminé par la misère. Aussi, considère-t-il que la fin du second et dernier mandat du président Kabila est une occasion pour remettre le pays sur le rail. Lorsqu’on exerce le pouvoir durant deux législatures, on finit par générer un « système ». Le système généré par le président Kabila n’a plus rien à proposer aux Congolais. Ce système est miné de l’intérieur par la corruption et la lutte de positionnement. Il est miné de l’intérieur par le népotisme. C’est un système fondé sur le clientélisme. A titre d’exemple, les entreprises publiques sont dirigées par des individus dont le seul mérite est leur appartenance à un parti politique

 

Propos recueillis par Cheik Fita Dibwe et Baudouin Amba Wetshi

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