Questions directes à Jean-Jacques Mbungani

Lundi 18 avril, un SMS pour le moins sibyllin est tombé: « Thomas Luhaka est désigné ce jour, 18 avril 2011, nouveau secrétaire général du MLC en lieu et place de François Muamba par le Collège des fondateurs du MLC ». Agé de 43 ans, représentant au Benelux du Mouvement de Libération du Congo (MLC), Jean-Jacques Mbungani Mbanda, médecin de son état, a bien voulu répondre à quelques questions de Congo Indépendant. L’éviction de Muamba pourrait avoir des conséquences imprévisibles au plan de la cohésion au sein de cette formation politique qui est la première famille politique de l’opposition au niveau institutionnel.

Comment expliquez-vous le changement intervenu au niveau du secrétariat général du MLC?

Je voudrais d’abord présenter mes félicitations au nouveau secrétaire général Thomas Luhaka qui a été désigné par le Collège des fondateurs du MLC. Ceux-ci lui ont confié cette charge qu’il va assumer au cours des mois et années à venir en attendant l’organisation du congrès. Cette nouvelle marque une rupture par rapport à une certaine léthargie qui a élu domicile au sein de notre parti. Ce changement traduit la volonté des cadres du MLC de mettre en place une dynamique nouvelle en prévision des échéances électorales.

Vous avez parlé de « léthargie » au sein du MLC. Devrait-on interpréter le changement intervenu comme un « coup de force »?

Le mot « léthargie » ici a tout son sens. D’ailleurs c’est bien cette léthargie qui a incité 24 députés nationaux a adressé au secrétaire général sortant une correspondance dans laquelle ils ont formulé une série de griefs. C’est le cas notamment de l’absence du MLC sur le terrain politique à la veille des élections générales.

Quelle en était la conclusion?

Dans ce courrier, les expéditeurs demandaient à M. Muamba de remettre le parti en « ordre de bataille » en assurant sa visibilité au plan médiatique à l’instar d’autres formations politiques. Les 24 députés ont déploré le mutisme du MLC qui constitue pourtant le premier parti d’opposition au niveau institutionnel. C’est ce constat qui est à la base de la volonté d’insuffler une dynamique plus forte. Je tiens à rappeler que M. Thomas Luhaka a déjà assumé les fonctions de secrétaire exécutif du MLC. Il est tout à fait la personne la mieux indiquée pour relever ce défi en rétablissant la communication tant au plan interne qu’avec la base.

Ne redoutez-vous pas que ce changement qui intervient à plus ou moins quatre mois – osons l’espérer – de la tenue de l’élection présidentielle et des législatives se transforme en un pari risqué?

Je tiens à apaiser les membres et sympathisants du MLC: l’homme qui est désormais à la tête du secrétariat général est une personnalité de renom. Il connaît l’histoire et surtout l’origine du parti. Ancien président de l’Assemblée nationale, il jouit d’une audience au plan tant national qu’international. Avec l’aide de toutes les structures, je ne doute pas que le travail sera fait de manière positive.

Comment se porte-t-il le président du MLC Jean-Pierre Bemba dont la détention à la CPI dure depuis bientôt trois ans?

Jean-Pierre Bemba se porte très bien. Comme vous le savez, le procès ouvert, le 22 novembre dernier, se poursuit à La Haye. Je tiens à signaler que la semaine dernière, la Cour pénale internationale a publié un témoignage du procureur général de l’Etat centrafricain. Auditionné en tant que témoin, ce magistrat a clairement déclaré que le commandement des troupes centrafricaines relevait globalement du président d’alors Ange-Félix Patassé. Et ce, durant la période allant d’octobre 2002 à mars 2003. Ces propos viennent confirmer la thèse soutenue jusqu’ici par la défense de M. Bemba. Une thèse selon laquelle ce dernier n’a jamais fait partie de la chaîne de commandement des hommes déployés à Bangui.

Accusé principal dans la plainte déposée auprès de la CPI par l’Etat centrafricain, Ange-Felix Patassé est décédé récemment au Cameroun. Que va-t-il se passer maintenant quand on sait que le procureur Luis Moreno-Ocampo prétendait qu’il n’a jamais trouvé des « preuves » pour engager des poursuites contre l’ex-chef d’Etat centrafricain?

Lors du démarrage du procès en novembre, le conseil de M. Bemba avait clairement demandé à la CPI d’inviter devant la barre les principaux protagonistes des événements survenus en Centrafrique. A savoir, Ange-Félix Patassé et son successeur François Bozizé. La mort du premier cité doit servir de « matière à réflexion » pour les juges de cette juridiction internationale. En se basant sur la disparition de M. Patassé, les propos précités du procureur près la CPI au sujet de M. Patassé et le contenu plus que discutable des témoignages à charge, il apparaît que la culpabilité de Jean-Pierre Bemba est loin d’être établi. Vous l’avez sans doute appris que « le témoin n°73 » a clairement avoué qu’il a été « rémunéré » pour servir de témoin. Et que son cas n’est pas unique en son genre. Selon lui, les témoins avaient reçu la promesse de « gagner de l’argent » à l’issue du procès.

Jean-Pierre Bemba sera-t-il candidat à l’élection présidentielle?

C’est une question qui se pose. Je préfère, pour ma part, m’abstenir d’y répondre en attendant que le nouveau secrétaire général du parti envoie des « signaux clairs » sur la question. Il reste qu’au moment où je vous parle, Jean-Pierre Bemba jouit pleinement de ses droits civils et politiques. Rien ne l’empêche donc de présenter sa candidature à l’élection présidentielle. L’opportunité de cette candidature fera l’objet d’un examen au niveau du bureau politique du parti.

Quelle est la position du MLC au sujet de l’idée de désignation d’un « candidat unique » de l’opposition à l’élection présidentielle?

La position du MLC est claire. A savoir que l’opposition doit s’organiser afin de s’aligner derrière un seul candidat lors du scrutin présidentiel. Les forces politiques de l’opposition ne peuvent en aucun avoir peur du scrutin à un seul tour. Bien au contraire, elles doivent continuer le dialogue qui a cours actuellement. Je note que le président de l’Union de la nation congolaise, Vital Kamerhe, a mené des contacts avec différents acteurs politiques. Le président de l’UDPS, Etienne Tshisekedi wa Mulumba a, de son coté, rencontré tous les représentants des partis de l’opposition. Coordonnateur de l’Union pour la Nation, M. Clément Kanku, travaille dans le même sens. Je peux vous assurer que la « Dynamique Tshisekedi Président » est bien accueillie au sein de l’opposition.

L’éviction de François Muamba du poste de secrétaire général du MLC ne risque-t-elle pas de provoquer un schisme au sein du MLC comme c’est fut le cas après le départ d’Olivier Kamitatu?

Je ne le pense pas.

Selon certaines indiscrétions, il est reproché à François Muamba d’avoir tenté de « renverser » Bemba de la présidence du MLC. Qu’en dites-vous?

Comme je l’ai dit précédemment, tout a commencé avec le courrier adressé à M. Muamba par vingt-quatre élus du MLC lui demandant de redynamiser l’action du parti. Ce document, qui a servi de détonateur, a été diversement interprété. Pour une partie des membres, cette démarche a pour but de mettre « en difficulté » le président national du MLC, actuellement en détention alors que celui-ci a besoin non seulement de la cohésion au sein du parti mais surtout d’être poursuivi et jugé à La Haye en qualité de président du MLC. Se fondant sur les dispositions statutaires, d’autres membres ont estimé qu’il y avait « vacance de fait » à la Présidence du MLC. Aussi, revenait-il au secrétaire général de combler ce « vide » en assumant l’intérim. Cette dualité d’interprétation a provoqué quelques divergences. Au cours d’un meeting organisé récemment à Kinshasa, des membres du parti ont exigé la démission de François Muamba.

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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