Questions directes à José Endundo Bononge

Pharmacien de formation, ancien ministre des Travaux publics et de l’Environnement, conservation de la nature et tourisme, José Endundo Bononge est le président national du PDC (Parti démocrate-chrétien) et vice-président du G7 chargé des relations avec les partis politiques et les organisations de la société civile.

Le G7 est une Coalition de sept partis politiques: ACO, ARC, MSDD, MSR, PDC, UNADEF et UNAFEC. Réunion de l’opposition à Bruxelles, « Dialogue politique national inclusif », marche du 26 mai, arrêt de la Cour constitutionnelle du 11 mai etc. Ce sont les sujets évoqués dans l’interview.

Comment allez-vous?

Je vais bien.

On ne peut pas dire autant de votre parti, le PDC, qui a connu quelques « tribulations » après l’exclusion de la Majorité des partis formant le G7…

Le vrai PDC est là et bien là…. et personne n’en doute et même pas les auteurs de ce vol public qui sera puni un jour.

Voulez-vous dire qu’il y a un « faux PDC »?

Depuis notre départ de la MP, on a vu des gens manifester en brandissant des drapeaux du Parti. C’est juste pour s’acoquiner avec la Majorité présidentielle qui les ignore superbement. Ces personnes savent très bien le désaveu qui les attend. Nous, par contre, avons le regard tourné vers l’avenir.

Vendredi 27 mai, Félix Tshisekedi, secrétaire national de l’UDPS chargé des Relations extérieures, a annoncé, lors d’une conférence de presse animée par Bruno Tshibala, secrétaire général adjoint de ce parti, que les représentants du G7, de la Dynamique de l’opposition et de l’UDPS devaient se réunir « très bientôt » à Bruxelles. On peut imaginer que votre présence à Bruxelles rentre dans ce cadre…

Effectivement! Face à l’arrogance de la majorité, nous considérons comme priorité absolue le rassemblement de l’Opposition et pas seulement des plateformes que vous citez. Si nous sommes ici – pratiquement tous -, c’est pour dire que nous nous préparons aux grands enjeux qui viennent. L’UDPS a annoncé cette rencontre, cela veut dire que nous allons examiner ensemble comment mettre en place un partenariat entre toutes les forces de l’opposition et prendre des mesures qui permettent d’aboutir à des élections. Nous voulons, comme tout le monde le sait, l’alternance à la tête du pays.

Allez-vous annoncer votre participation au « dialogue politique »?

Je crois que tous les partis politiques se trouvent en face de cet appel au dialogue. Il y a des formations politiques qui tiennent à participer à ce forum. Il y a des plateformes comme la nôtre qui estiment que le dialogue est toujours possible à condition de savoir pour quoi faire et avec quel cadrage et quel leadership. Si c’est pour baliser le chemin qui conduit vers des élections apaisées et démocratiques et dans une grande transparence, pourquoi pas? Nous sommes ici pour essayer de rassembler et d’unifier notre vision par rapport non seulement à ce dialogue mais aussi par rapport à l’avenir du Congo.

Le G7 pose-t-il des préalables avant toute participation à ce colloque?

Bien-sûr!

Lesquels?

Nous avons fait savoir que nous entendons en aucun cas aller dans un dialogue qui serait une sorte de « Concertations nationales bis ». Nous sommes disposés à participer à ces assises dans le respect de la Constitution et de l’alternance démocratique. Il va sans dire que les élections doivent se dérouler dans les délais constitutionnels. De même, il faut éviter fondamentalement toute modification de la Constitution. Agir autrement, ne pourrait que nous entraîner dans le chaos.

Allez-vous exiger des « signaux de décrispation » à l’instar de l’UDPS?

Je peux vous assurer qu’aucun dialogue n’est possible sans une décrispation effective de l’environnement politique. C’est clair! Comment pourrait-on engager des discussions pendant que des membres de nos partis, des activistes de la société civile sont embastillés? On ne peut pas souhaiter le dialogue d’un côté et de l’autre réduire les espaces de liberté, procéder à des arrestations arbitraires. Clairement, il faut un minimum d’apaisement avant d’aborder ces pourparlers.

Selon vous, la marche du 26 mai a-t-elle été un succès?

Un succès indéniable alors qu’il s’agissait d’une manifestation quasiment improvisée. Nous rentrons dans une phase où il y aura chaque jour soit une marche soit une grève ou journée ville morte. La gestion du pays pourrait devenir problématique.

La marche a eu lieu. Et après?

Après, les gens se rassemblent. Ils analysent la situation à la lumière des paramètres du jour. Chacun se rend compte que le rapport de force a changé et que l’on se dirige vers l’ingouvernabilité du pays. Après notre réunion de Bruxelles, l’équation va considérablement évoluer… Le pouvoir – et certainement celui-ci – n’est pas éternel. Ceux qui sont autour de Joseph Kabila et qui ont vu le départ du maréchal Mobutu et dont quelques uns étaient dans le dernier gouvernement de Likulia savent l’évanescence des choses

Certains observateurs reprochent à la police nationale de lancer de manière intempestive du gaz lacrymogène. Qu’en dites-vous?

Je viens de Lubumbashi et j’ai moi-même participé aux manifestations de soutien à Moïse Katumbi. Notre police n’est pas formée pour les manifestations de masse et une bavure est du domaine de la probabilité. La réaction de la police finira par nous conduire vers des événements graves de nature à impliquer la responsabilité des uns et des autres et pouvant relever de la compétence de la Cour pénale internationale. On devrait y réfléchir dans le cercle des sécurocrates du pays

On a vu le cas de l’ancien gouverneur Moïse Katumbi qui a des ennuis politico-judiciaires…

Comment voulez-vous que le G7 tolère l’arrestation de Moïse Katumbi alors que cette plateforme l’a désigné comme son candidat à l’élection présidentielle de 2016? Katumbi est accusé d’avoir « recruté » six cent mercenaires. Nous attendons toujours qu’on nous les présente… Quant à la population, elle n’est vraiment pas dupe et parle de coup monté et… manqué.

Vous étiez à Lubumbashi lors des auditions de Katumbi au parquet général. Comment va-t-il?

Il se remet des événements que nous avons vécus. A Lubumbashi, j’ai pu voir le fossé qui sépare la population d’une part, la justice et la police d’autre part. Cette situation ne pourrait aboutir qu’à une tragédie. L’ancien gouverneur a été agressé physiquement. On espère qu’il se porte de mieux en mieux.

Etes-vous en train de dire qu’un policier a tenté délibérément de causer un dommage physique à Katumbi?

Absolument! J’ai vu un policier soulever une grosse pierre avant de la lancer sur le pare-brise du minibus dans lequel se trouvait l’ancien gouverneur… La population était là pour l’accompagner au parquet général. L’homme jouit d’une popularité indiscutable.

Le parquet général de Lubumbashi a-t-il pu « confondre » l’accusé Katumbi en administrant les éléments matériels en sa possession?

Nous avons passé trois jours au chef-lieu du Haut Katanga. J’étais présent à chaque audition. Les magistrats du parquet général ont dit clairement: « il n’y a rien dans ce dossier ». On se demande bien sur quelle base on pourrait condamner Moïse Katumbi.

La vacuité du « dossier judiciaire » n’a pas empêché le parquet général de la République d’inculper l’accusé en émettant un « mandat d’arrêt provisoire » en son encontre…

Un mandat d’arrêt assorti concomitamment d’une autorisation de sortie

Comment l’expliquez-vous?

C’est au pouvoir – et à la justice – à nous fournir l’explication.

Le pouvoir a peut-être voulu dire « bon débarras »…

On le dit mais si c’est ça le calcul, on peut deviner la manière dont l’histoire va se terminer

C’est-à-dire?

La population n’acceptera pas ça. Aujourd’hui, on a un comportement mémoriel. Il y a des choses qu’on ne peut pas effacer de nos mémoires. Nous possédons des éléments comparatifs. Nous avons vécu les conditions dans lesquelles Mobutu Sese Seko a quitté le pouvoir en mai 1997. On verra bien comment le président Kabila va partir. Une chose paraît sûre: la population ne veut plus de lui. Et s’accrocher au pouvoir ne peut que compromettre l’avenir

Dans une interview accordée au magazine « Jeune Afrique » en juillet 2015, Tryphon Kin-Kiey Mulumba, ministre chargé des Relations avec le Parlement, a déclaré notamment ces quelques mots : « (…) tout se fera avec Kabila parce que c’est lui le président de la République. Tout se fera donc par lui et rien ne sera sans lui ni contre lui. (…) ». Votre commentaire?

Si Kin-Kiey est devenu une sorte de prophète, tant mieux pour lui. En tout cas cela ne l’avait pas empêché de traverser le fleuve dans une situation d’extrême urgence pour cinq ans d’exil pour lui et pour d’autres comme moi. C’est une phrase terrible: tout par lui et rien sans lui? Qu’est-ce à dire? Les fosses communes avec lui? Chebeya par lui? Les massacres de Beni avec lui ou par lui??? C’est bien triste! Quelle tragédie pour les dirigeants avec ces collaborateurs qui voient d’abord leurs intérêts avant ceux de leur chef… En attendant on insulte l’avenir.

Kabila contrôle les moyens coercitifs de l’Etat…

Talleyrand disait: « On peut tout faire avec la baïonnette, sauf s’asseoir dessus… »

Quelle est votre lecture de l’arrêt constitutionnel du 11 mai  2016? D’aucuns soutiennent que cette Cour a péché par une certaine ambiguïté. Est-ce votre avis?

Puisque son confort de Président est de rester au pouvoir et qu’on lui donne le pouvoir de s’en accommoder indéfiniment…pourquoi se précipiterait-il à organiser l’élection présidentielle? En ce qui concerne, la passation du pouvoir doit avoir lieu le 20 décembre 2016.

Et si rien ne se passait à cette date?

La RDC aura perdu dix ans et l’Histoire bannira les quinze ans de pouvoir de Joseph Kabila. Tout passera par pertes et profits et ceux qui aujourd’hui chantent « Kabila désir » diront qu’ils avaient été abusés. Mais 80 millions de Congolais se demanderont définitivement pourquoi un seul homme a voulu ainsi narguer 80 millions d’autres? Ce sera une situation dramatique. Dans ce cas de figure, le président Kabila détiendra un pouvoir illégitime autant qu’illégal. Il faut craindre qu’on assiste à « la mère de toutes les confrontations ». Après le 20 décembre, les Congolais ne reconnaîtront plus Joseph Kabila comme président de la République.

Que faire pour éviter le « chaos » que des analystes prédisent, à tort ou raison, pour le Congo-Kinshasa? « Joseph Kabila » devrait-il faire une annonce solennelle qu’il n’entend pas briguer un troisième mandat?

Une telle annonce ne suffira probablement plus. Souvenez-vous du président Mobutu: les USA lui avaient fait cette proposition. Elle avait été rejetée puis les choses s’étaient dégradées au point où le maréchal quitta Gbadolite dans un vieil Antonov alors que crépitaient les mitrailleuses de militaires impayés

S’il vous était donné de rencontrer « Joseph Kabila », que lui diriez-vous?

Eh bien rien d’autre que ce que je lui ai dit devant Aubin Minaku {Ndlr: le président de l’Assemblée nationale et secrétaire général de la majorité} quelques jours avant notre séparation: « Monsieur le Président, nous avons travaillé ensemble durant quelques années. Vous avez l’occasion de sortir par la grande porte et peut-être de revenir plus tard. Aujourd’hui, votre obstination, encouragée par ceux qui vous entourent, vous conduit à l’impasse et dans le chaos. Il suffira d’un dérapage quelconque pour que tout l’actif que vous avez réalisé dans ce pays disparaisse et pour qu’on ne retienne que la tragédie dans laquelle vous aurez plongé le pays. Vous et votre entourage aurez à rendre compte. Je vous parle en me fiant à l’expérience que j’ai vécue personnellement avec le maréchal Mobutu. De lui, les Congolais retiennent au moins qu’il a préservé l’unité nationale. De vous ils ne retiendront que la volonté de rester coûte que coûte et à n’importe quel prix au pouvoir. Quelle sortie! Quel gâchis! »

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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