Questions directes à Olivier Kamitatu Etsu

Ancien ministre du Plan, Olivier Kamitatu Etsu, 52 ans, est le président national de l’ARC (Alliance pour le Renouveau du Congo) et porte-parole de la plateforme politique « G7 » qui regroupe sept formations politiques exclues, mi-septembre 2015, de la majorité présidentielle. Il a également en charge les Relations extérieures de ce regroupement politique.

Pour l’histoire, « Olivier » a été le secrétaire général du Mouvement de Libération du Congo (1999-2003) et président de l’Assemblée nationale (2003-2005) sous le régime de Transition « 1+4 ». En 2006, il a quitté le MLC et rejoint la majorité présidentielle. Dans une brève interview accordée à Congo Indépendant, mercredi 8 juin, il évoque ce qu’il faut attendre de la Conférence des « Forces politiques et sociales acquises au changement ».

Quel est, selon vous, la signification de cette rencontre?

C’est d’abord le rassemblement! C’est un mot qui pourrait vous paraître utopique lorsqu’on parle de l’opposition congolaise. Maintenant, c’est un vocable qui prend tout son sens à travers l’invitation qui a été adressée aux représentants des forces politiques et sociales acquises au changement par Etienne Tshisekedi. La réponse positive des personnalités qui sont ici constitue, à mon humble avis, une étape importante.

Revenons à la signification de la rencontre…

Nous ne sommes pas ici juste pour nous rencontrer dans le beau cadre du « Château du Lac ». Une telle réunion n’aura servi à rien s’il n’en sortait pas un plan d’action. Un plan d’action qui doit être commun pour mettre fin à la dispersion de nos efforts. Nous saluons les actions courageuses de « la Dynamique ». Aujourd’hui, la population s’est réveillée. Désormais, nous devons mener une action commune pour qu’elle soit efficace. Nous nous trouvons face à une dictature féroce qui ne ménage aucun effort. Elle a instrumentalisé la justice. L’organe de répression est actif. Vous pouvez constater avec moi que la CENI est totalement sous la coupe de Joseph Kabila et de ses partisans. C’est une vraie dictature féroce. Et face à une dictature féroce, nous devons être unis et non évoluer en ordre dispersé.

Vous avez parlé de « rassemblement ». Rassemblement autour de qui?

D’abord autour d’Etienne Tshisekedi. Sur ce point, il n’y a aucun doute qu’il est le doyen de l’opposition congolaise. Maintenant, les forces réunies autour de Tshisekedi doivent convenir d’un plan d’action. Il s’agit de définir des méthodes de travail et de nous structurer pour renforcer notre efficacité. Le chemin que nous devons parcourir ici à Genval tient en quelques mots: rassemblement, définition d’un plan d’action commun. Pour définir ce plan d’action, nous devons commencer par identifier les points de convergence. C’est à dire ce qui nous unit en tant que forces politiques et sociales acquises au changement. Nous allons évoquer, comme vous pouvez l’imaginer, les points de divergence ou les points à éclaircir. Après cette double démarche, nous devons nous structurer afin que notre action soit non seulement efficace mais aussi nationale et internationale.

A propos des « points de divergence », que répondez-vous à ceux qui allèguent que la rencontre de Genval n’aurait pour but que « d’entériner la candidature de ‘quelqu’un’ à l’élection présidentielle de 2016″….

C’est absolument faux! Ce serait mettre la charrue avant les bœufs et brûler les étapes. On n’en est pas là. Aujourd’hui, notre préoccupation majeure est de sauver le pays qui se dirige vers le chaos. Pour sauver le pays, nous avons besoin d’une « action forte » pour mettre la dictature à mal.

« Mettre la dictature en mal » en faisant quoi?

D’abord en transcendant les ambitions personnelles. On n’est pas venu ici pour parler des individus mais bien de l’intérêt supérieur du pays. Pour se mobiliser, on n’a pas besoin de crier que nous avons une ambition de « sauveteur ». Il n’y a pas de messie! Il n’y a pas d’homme providentiel! Il y a une nation qui souffre et des forces politiques et sociales qui doivent se rassembler. D’abord autour d’un plan d’action qui peut être incarné par une multitude de leaders qui ont chacun leur charisme, leur capacité et leur personnalité. Dès lors que la population se mettra en marche et que le discours politique sera cohérent et que nous parlerons d’une seule voix sur les questions ci-après: le respect de la Constitution, la libération des prisonniers politiques et des activistes de la société civile, la levée des mesures de fermeture des médias proches de l’opposition, la liberté d’expression, la liberté de manifestation, la fin du dédoublement des partis politiques. Quand nous aurons dressé tous ces points, quelles sont les échéances importantes contenues dans la Constitution? Il y a une seule: l’élection présidentielle. Ce scrutin doit être convoqué le 20 septembre prochain. Joseph Kabila ne sera plus président le 19 décembre. Si nous sommes d’accord sur tous ces points, la question suivante est de savoir ce que nous allons faire ensemble. Devons-nous participer au « dialogue »?

Justement, les forces politiques et sociales réunies à Genval vont-elles lever l’option de participer au « dialogue politique national inclusif »?

Ce sujet fait partie des points que nous devons éclaircir ici. Un dialogue, pourquoi pas? Nous n’allons certainement pas prendre part au « dialogue de Joseph Kabila ».

Etes-vous prêts à participer au « Dialogue », sans poser des préalables?

Les préalables. Quand on a failli dans l’accomplissement d’une mission, il faut adopter un profil bas et reconnaître son échec. Tout échec implique la détermination des responsabilités. Quand on est honnête avec soi-même, on ne peut que se déporter en faisant un pas de côté.

Revenons aux prisonniers politiques et d’opinion…

Nous exigeons la libération des prisonniers. Est-ce un préalable? Pour nous, c’est bien le cas. Ce n’est même pas un objet de discussion. C’est une évidence. On peut citer: Jean-Claude Muyambo, Christopher Ngoyi Mutamba, Eugène Diomi Ndongala. Sans omettre les jeunes gens de la Lucha et Filimbi détenus à Goma et à Kinshasa. C’est le cas notamment de Fred Bauma et Yves Makwambala. Nous voulons la libération des prisonniers politiques. Nous voulons la libération des activistes de la société civile. Nous voulons l’abandon des poursuites judiciaires et surtout la fin de l’instrumentalisation des institutions. Des institutions qui sont aujourd’hui dirigées par Joseph Kabila et toute une clique qui ne pensent qu’à perpétuer un pouvoir pour continuer à se mettre plein les poches. Nous allons remettre en question les contrats qui ont été signés en 2015 et en 2016. Nous savons très bien que des milliards de dollars sont passés de main en main entre des repreneurs et une famille qui dirige la République démocratique du Congo au détriment du destin de 80 millions de nos concitoyens.

Lors de la marche organisée PPRD le 4 juin dernier, le secrétaire général du PPRD Henri Mova Sakanyi a lancé l’idée d’organisation d’un référendum constitutionnel. Qu’en pensez-vous?

Le vrai référendum n’est autre que l’élection présidentielle. Si vous avez de moyens d’organiser un référendum, laissez de côté ce plébiscite pour se concentrer sur la consultation politique qui est constitutionnelle. A savoir: l’élection présidentielle. Une élection qui doit se tenir dans les délais prescrits par la Constitution. Et ce pour la simple raison que 85% du peuple congolais en a décidé ainsi lors du référendum constitutionnel organisé en 2005. Qui est Mova pour mettre maintenant à mal la Loi fondamentale adoptée par 85% du peuple congolais? Est-ce le désir de conserver le pouvoir pour satisfaire une ambition personnelle au détriment du destin de toute une nation? La volonté est claire de conduire le pays dans le chaos. Aujourd’hui, Mova Sakanyi oublie que Joseph Kabila a été élu avec 48% de voix, soit 1 Congolais sur deux. Il faut un peu d’humilité quand on s’appelle Mova Sakanyi et se rappeler que 85% des Congolais ont demandé, avant cela, que le Président de la République ait deux mandats. Pas plus. Cette option participe à la République que nous voulons construire dans le respect de l’alternance démocratique. Organisons d’abord l’élection présidentielle dans de bonnes conditions de transparence et après nous verrons

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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