Qui a « suicidé » le général Delphin Kahimbi?

Il était, avec Kalev Mutond, ancien administrateur général de l’Agence nationale de renseignements (ANR), les deux « principaux dépositaires » des secrets d’Etat sous le régime despotique de « Joseph Kabila ». « Il », c’est le général Delphin Kahimbi. Issu de la nébuleuse Maï Maï, le patron en titre du Service de renseignements militaires (ex-Demiap), est mort dans la matinée du vendredi 28 février. Le jour même où il devait faire l’objet d’une nouvelle audition au Conseil national de sécurité (CNS). Certains caciques de la mouvance kabiliste pérorent sur l’ « assassinat » et crient « vengeance ». A qui profite le crime? Seul un  rapport d’autopsie pourra fixer l’opinion sur les circonstances exactes du décès. Il semble bien que Kahimbi aurait reçu, la veille, un « visiteur du soir ». Qui? Le général John Numbi Banza? C’est, en tous cas, le nom qui est cité. Sans malice, ce « crime » profite sans conteste à l’ex-président « Joseph Kabila ».

« Delphin Kahimbi est mort ». Cette nouvelle aux allures de plaisanterie de mauvais goût a commencé à circuler, vendredi 28 févier, sur les réseaux sociaux, aux alentours de 12h30, heure de Kinshasa.

On savait qu’après son interpellation le jeudi 20 février au moment où il allait prendre un vol à destination de Johannesburg, en Afrique du Sud, le général Delphin Kahimbi, a été auditionné au moins deux fois au Conseil national de sécurité. On savait également que le patron du Service de renseignements militaires devait être entendu à nouveau le vendredi 28.

Selon des sources concordantes, Kahimbi serait quasiment passé aux aveux lors des précédentes auditions. Il aurait fait des « allusions claires » sur l’existence d’un complot visant à attenter à la vie du président Felix Tshisekedi.

Ancien milicien Maï Maï, l’homme aurait, par ailleurs, admis ses accointances avec certains groupes armés qui sèment la terreur à l’Est. Pire, le patron de Renseignements militaires aurait admis que ses services « écoutaient » l’actuel chef de l’Etat. Et qu’il se rendait en Afrique du Sud pour acheter un équipement d’écoute. Il est trop tôt pour accuser « Joseph Kabila » d’être le « maître d’ouvrage » d’une conspiration dirigée contre son successeur.

« KABILA », « PUR PRODUIT MADE IN INFLUENCE ÉTRANGÈRE »

La sénatrice Francine Muyumba

Irritée par l’interpellation de Kalev Mutond et de Delphin Kahimbi, la sénatrice FCC Francine Muyumba, présidente de la Commission des Relations extérieures à la chambre haute est descendue prudemment dans l’arène en empruntant une citation du tout premier président américain Georges Washington. Sur son compte Twitter, on peut lire: « L’influence étrangère est l’un des plus funestes ennemis ». Une manière indirecte et sans bravoure de clamer son « souverainisme » tout en reprochant à l’actuel ambassadeur américain ses « interférences » dans les affaires congolo-congolaises.

Il importe d’ouvrir la parenthèse à ce stade pour relever, sans faire l’apologie de la dépendance, qu’avant de devenir le héraut autoproclamé du « nationalisme-souverainisme », « Joseph Kabila » a été un « pur produit made in influence étrangère ». Dès son accession au pouvoir le 26 janvier 2001, le successeur de Mzee a été adoubé par le monde occidental. Washington, Paris et Bruxelles sont les premières capitales visitées. Le même monde occidental le porta à bout de bras jusqu’aux élections de 2006.

Ces consultations politiques furent financées à 90% par les « impérialistes ». Les « contrats chinois » signés en 2009 ont été l’élément déclencheur de la rupture lente mais sûre, scellée en 2016. Trois raisons: l’autoritarisme du régime, la répression des manifestations pacifiques et la volonté de « Kabila » de s’accrocher au pouvoir en violation du prescrit constitutionnel. Fermons la parenthèse.

Depuis l’annonce du décès du général Kahimbi, on assiste à un « trop plein » de versions.

DEUX VERSIONS ANTINOMIQUES

Selon l’épouse Kahimbi prénommée Brenda, citée par Baudouin Kamanda wa Kamanda Muzembe, le correspondant de RFI à Kinshasa, son mari « est mort à son domicile » vendredi matin à Kinshasa. Il a été victime d’une crise cardiaque. « Le temps de m’absenter de la pièce, je l’ai trouvé affaler. Toutes les tentatives de le réanimer sont restées vaines », a-t-elle dit. A en croire l’épouse Kahimbi, son mari ne se sentait pas bien. Il aurait expiré à son arrivée à l’hôpital du Cinquantenaire.

Dans la soirée de vendredi 28, un élément audio a été partagé sur les réseaux sociaux. Qui parle? C’est une jeune fille qui est présentée comme étant un des enfants du défunt. Selon cette demoiselle, son père a été trouvé « pendu » dans la chambre. Les draps de lit auraient servi de « corde ». « Hier [jeudi] soir, il nous a dit qu’il devait répondre vendredi à une convocation. (…). Le Président l’avait suspendu. Il n’était plus général. Il nous a demandé de partir. Il est resté seul et s’est pendu ». Quelle est finalement la cause du décès? Crise cardiaque ou suicide par pendaison? Qui dit vrai?

RÉACTIONS

Sur son compte Twitter @ida_sawyer, l’Américaine Ida Sawyer, directrice adjointe de la division Afrique de l’ONG « Human Right Watch » (HRW) écrit: « La mort du général Kahimbi, le lendemain de sa suspension, représente une occasion manquée pour les victimes + familles qui attendent justice. Il est désormais important que les autorités ouvrent une enquête crédible sur les circonstances de sa mort + rendre publique les résultats ».

Felix Kabange Numbi

Adorateur de « Kabila » devant l’Eternel, l’ex-ministre Felix Kabange Numbi estime, pour sa part, que « la disparition brutale du général Delphin Kahimbi met en mal l’équilibre fragile de nos institutions ».

Dans un bel exemple de mauvaise foi teintée de diversion, l’ex-ministre Joseph Kokonyangi, réputé pour son incapacité à peser le poids des mots, est resté égal à lui-même. « Notre ami ne s’est pas suicidé. C’est un assassinat. Il a été assassiné à cause de ses affinités avec notre autorité morale ». Le locuteur ne s’est pas arrêté là. « Malheur aux auteurs de cet ignoble assassinat. Le FCC vengera la mort du général Hakimbi. Si certains croient que c’est de la blague, ils seront surpris ».

« DÉPOSITAIRE » DES SECRETS D’ÉTAT

Le général Kahimbi n’était pas n’importe qui. Natif du Sud-Kivu, issu de la très nébuleuse Maï Maï, l’homme faisait partie de ceux qu’on pourrait appeler les « dépositaires » des secrets d’Etat les mieux gardés du régime de « Joseph Kabila ». Celui-ci lui avait confié le commandement des troupes FARDC au Nord-Kivu.

C’est Kahimbi qui dirigeait les troupes chargées de « combattre » les « rebelles » pro-rwandais du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda notamment à Kiwandja, Rutshuru et Mushake. Les forces loyalistes furent hachés menu. Des stocks d’armes et de l’argent en espèces seront abandonnés à l’ennemi. Il va sans dire que le défunt général savaient beaucoup sur la connivence existant entre « Kabila » et l’actuel maître de Kigali.

Selon des sources, Delphin Kahimbi et son collègue Kalev Mutond de l’ANR avaient monté de toutes pièces plusieurs groupes armés. C’est le cas notamment de: Maï Mai Kifuafua, Maï Maï Raia Mutomboki, Maï Maï Lafontaine et Maï Maï Nyatura.

Patron du Service de renseignements militaires, Kahimbi était réputé pour sa cruauté. Il fut l’un des exécuteurs des « basses œuvres » du « raïs ». Bref, un tortionnaire. L’avocat Firmin Yangambi et le colonel John Tshibangu pourraient en témoigner. La famille de l’ex-banquier Jean-Jacques Lumumba a littéralement été « traquée » par les sbires de l’ex-Demiap.

ET MAINTENANT!

La mort de Delphin Kahimbi est un événement aux conséquences difficiles à évaluer à l’instant. Une certitude: l’avenir de la coalition FCC-CACH ne tient plus qu’à un fil. Il ne manque plus qu’une étincelle pour allumer la « mèche » de la dynamite. Kokonyangi a prévenu. Il faut espérer que les « durs des durs » de la mouvance kabiliste autant que ceux de la très remuante « Base » de l’UDPS vont se tenir tranquille jusqu’à la publication du rapport d’autopsie sur les circonstances exactes du décès de cet officier supérieur.

Tout ceci ne donne pas la réponse à une question: Qui est le dernier visiteur qui s’est rendu, dans la soirée de jeudi 27 février, au domicile du général Delphin Kahimbi? Tous les soupçons sont dirigés vers le général John Numbi Banza. Procès d’intention? 

Après la mort de son ancien bras droit, « Kabila », passé maître dans la dissimulation, devrait, en apparence, avoir les nerfs à vif. « L’ex-président Kabila se sait désormais dans le viseur de l’Administration Trump. Pour lui, Felix n’est plus qu’une marionnette entre les mains de l’ambassadeur Mike Hammer. Entre Felix Tshisekedi et Joseph Kabila, la méfiance est désormais de rigueur, commente un observateur. Kabila et Felix savent que le premier qui appuiera sur le bouton nucléaire entraînera le suicide collectif… ». Le climat socio-politique devient morbide.

 

Baudouin Amba Wetshi

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