RDC: faut-il croire que le pays est réellement sous la coupe d’un individu?

Mwamba Tshibangu

Mwamba Tshibangu

Ce qui se passe au pays de Lumumba après les élections mérite une sérieuse réflexion. La tenue des scrutins a produit les résultats qui sont connus. Qu’il y ait eu par la suite une frange de la population qui les conteste, ceci n’est pas étrange. C’est un scénario qui est désormais habituel un peu partout en Afrique. Les Africains, sans pour autant généraliser, devraient prendre leur mal en patience espérant le plus tôt possible une évolution permettant d’appliquer, sans complaisance ni tricherie, les règles démocratiques.

Si le tableau en matière démocratique est peu reluisant, malgré des avancées dans certains pays, le cas des dernières élections générales organisées en RDC révèle une mystification sans commune mesure de Kabila, s’il faut en croire aux commentaires qui circulent sur les réseaux sociaux et à l’opinion de certains analystes.

Par sa dictature féroce et ses nombreuses forfaitures, il s’est maintenu au pouvoir plus qu’il ne le fallait; tout cela est notoire. Cependant, faut-il dans le contexte actuel de l’après Kabila, déduire que le pays est sous sa coupe? Une certaine croyance semble s’installer dans le chef de quelques-uns faisant passer Kabila pour un « Genius » de la politique; à la limite, pour un être aux capacités suprêmes et aux combines indestructibles. Sur base de la toile d’araignée qu’il a tissée avant de quitter le pouvoir, on semble volontairement ou non, lui attribuer des pouvoirs incommensurables. Il est dépeint comme un fin stratège, comme un manipulateur. Il serait l’architecte ou le prince qui plie tout le monde sous sa volonté. Ses affidés lui obéissent à l’œil. Les rencontres de Kingakati en disent long sur ce chapitre. L’armée et les services de sécurité seraient dans sa poche.

Mythe ou réalité, cette superposition architecturale des actes a le péché de ne pas tenir compte du fait qu’en bout de ligne, son influence sur la scène politique ira en diminuant n’ayant plus le rôle moteur qu’il occupait avant. S’enfermer dans cette logique, c’est croire que ses manœuvres ou ses pièges éventuels ne puissent être, d’une façon ou d’une autre, déjoués. Le portrait qui s’en dégage est celui d’un maître absolu qui contrôle toute la situation. De surcroît, ses gens placés à divers endroits lui resteront à jamais fidèles.

Dans la foulée, on oublie une réalité simple: Kabila n’est pas infaillible. Pour preuve, il n’a pu régner comme il le voulait grâce notamment à la forte pression interne et externe. Prévenir le danger ou tout dérapage, si telle est l’intention de ceux qui le magnifient, ne serait pas une mauvaise chose. Suggérer des solutions pour se sortir éventuellement des pièges tendus est très louable et patriotiquement utile.

Toutefois, toute proportion gardée, la puissance faramineuse qu’on lui accole laisse perplexe. Au-delà de la complexité des enjeux, l’équation est toute simple. En laissant le pouvoir, Kabila est redevenu un sujet comme tous les autres. Il est tenu à se conformer aux lois et au bon vouloir commun. Dès lors, il apparaît opportun de dénoncer tout comportement de sa part qui est non conforme aux dispositions législatives ou qui va dans le sens d’escamoter les règles ordinaires ou d’imposer certains faits et actes par la force.

Le changement de gouvernance tant décrié ne pourrait se manifester si les gens ne croient pas aux instruments juridiques que le pays dispose. L’application de la loi ne peut dépendre d’un seul individu. L’exemple des États-Unis est indicatif à ce propos. Trump, tout président qu’il est, se bute à d’énormes difficultés parce que des personnes courageuses lui imposent les prescrits des lois qui lui ont fait reculer devant plusieurs de ses décisions.

C’est-à-dire, qu’au-delà de tout ce qu’on peut s’imaginer ou insinuer – à tort ou à raison –, si les gens commencent à croire qu’il est possible, même souhaitable, qu’on applique l’État de droit pour pouvoir changer la société congolaise, celle-ci changera. Et si elle change, Kabila n’aura plus le même pouvoir qu’on semble lui accréditer. Combien de dictateurs et d’anciens, soi-disant hommes forts, n’ont-ils pas connu des sorts bien tristes les réduisant à néant?

Au lieu de magnifier sa super puissance ou croire aux gens du FCC qui veulent maintenir le statu quo grâce à une « majorité » fictive, il faudra plutôt réclamer l’instauration effective d’un État de droit. La population devra miser sur cette carte pour contraindre tout le monde au respect des lois. C’est en ayant cet esprit que l’on peut réduire sa capacité de nuisance à défaut de le coincer, car il y a beaucoup de dossiers à leur charge.

Kabila avait toute une armée à sa disposition. Il pouvait rester et s’imposer par la force, s’il croyait qu’il en avait les moyens et la capacité. Il ne l’a pas fait. Il a démontré ses limites et son incapacité. Il faudra plutôt battre le fer dans cette direction pour lui démontrer qu’il ne peut tout faire selon son bon vouloir. Que le peuple congolais ne se laissera pas entraîner dans des combines ou autres manœuvres anticonstitutionnelles. Bien au contraire. Peuple Lamuka!

 

Par Mwamba Tshibangu

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