RDC: mutinerie au sein de la MP à l’hôtel du fleuve de Kinshasa

Ils n’en reviennent pas! Des députés de la majorité présidentielle s’étranglent au bout de leur portable. Ils parlent de « coup d’Etat constitutionnel », de « pillage de la loi électorale ».

Ce jeudi 23 novembre, les députés de la majorité présidentielle avaient rendez-vous à 16 heures tapantes à l’Hôtel du fleuve, quartier de la Gombe, à Kinshasa.

Mot d’ordre: présentation de la réforme de la loi électorale.

Hôte du jour : Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale, aux commandes de la majorité présidentielle. A ses côtés, Emmanuel Ramazani Shadari, vice-Premier et ministre de l’Intérieur. Rien de bien surprenant dans ce casting qui s’étoffe d’un troisième larron qui lui, n’était pas vraiment attendu à pareille fête: Corneille Nangaa, le président d’une Commission électorale nationale (qui se prétend toujours) indépendante.

Première bronca des députés de la majorité qui voient d’un mauvais œil la présence de Nangaa. « Il n’a rien à faire là. Quand le vice-président est à Kinkagati, (Norbert Basengezi, lui aussi présent à l’hôtel du fleuve, par ailleurs) c’est déjà le tollé, imaginez ce que ça va être quand on saura que, ce jour, c’était le président de la CENI qui était parmi nous », explique un des députés de la majorité présidentielle. « Sa présence à cette réunion démontre bien qu’il ne roule que pour le président. Il est à la solde de Kabila », explique un élu du Sud-Kivu.

Mais le ton demeure encore assez feutré, selon divers témoignages. Une atmosphère qui va complètement s’électriser quand Aubin Minaku va entrer dans le détail de la proposition de réforme de la loi électorale. « En gros, c’est très simple, tous les élus de la majorité présidentielle vont devoir rejoindre le PPRD s’ils veulent conserver leur siège. On se saborde, on fait allégeance à Kabila ou on meurt », explique un élu de Kinshasa. « C’est une honte. Ils ont placé des seuils d’éligibilité tellement élevés qu’ils vont tuer la démocratie pour asseoir définitivement le pouvoir d’une famille politique et, donc, d’un homme ».

« UNE PRISE D’OTAGES »

« Imbuvable. On ne peut accepter une telle loi. C’est une prise d’otage », tonne un autre élu qui se souvient qu’« en 2011, la majorité présidentielle avait déjà tenté de changer les règles du jeu en pleine partie en tentant de faire passer le principe de l’apparentement. Ils se sont déjà cassé les dents. Nous n’allons pas aider les pilleurs à modifier la loi électorale parce qu’ils ont pillé le pays ».

Des orateurs, c’est le ministre de l’Intérieur qui se fait le moins « dézinguer » par les élus. L’apparition de Nangaa à cette réunion, qui s’est éternisée quatre heures, a fini de le décrédibiliser même aux yeux des élus de la majorité présidentielle. « Ce type ne peut plus prétendre à son poste. C’est une honte », clame l’élu de Kinshasa.

Minaku, lui, est au centre du tir nourri. « Ce gars est un petit homme de loi aux aspirations débordantes. Il croit qu’on ne comprend pas son jeu. Il se rêve en dauphin et futur monarque. Avec une telle loi, il peut tout espérer. Mais on ne lui fera pas ce cadeau. Kabila se trompe s’il espère que nous serons dociles comme des moutons qu’on mène à l’abattoir. Voter une telle loi, c’est signer un chèque en blanc au pouvoir en place, c’est donner au peuple toutes les raisons de déclencher un mouvement de colère qui est déjà sur le point d’exploser ».

 

Hubert Leclercq, in afrique.lalibre.be, 23.11.2017
© Congoindépendant 2003-2017

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