RDC: Recadrer les enjeux

De la nécessité de préserver la cohésion et l’unité nationale

Mwamba Tshibangu

Mwamba Tshibangu

En RDC, il y a ces derniers mois une agitation politique toute particulière. Elle se singularise par sa virulence contre le chef de l’État actuel, Antoine Félix Tshilombo Tshisekedi et par son aspect de catégorisation ethnique et non idéologique. Le fait est d’autant grave que le pays est en proie à une instabilité chronique à l’Est qui risque à tout moment de faire imploser la maison commune. La seule façon de ne pas baisser pavillon en offrant une main à ceux qui ont d’autres visées sur le pays est de se montrer non seulement unis mais déterminés à préserver la cohésion et l’unité nationale.

Partis politiques métamorphosés!

Le climat d’incandescence et de révolte qui prévaut, sous sa forme actuelle, bien des mois après les élections politiques suscite des inquiétudes. En effet, les clivages ethniques se sont formés et continuent à s’enraciner. On dirait que le principal enjeu n’est plus strictement politique et encore moins, lié aux tripatouillages électorales. Il est devenu ouvertement tribal. La nature des partis politiques, qui par essence sont ouverts à tous leurs partisans essaimés sur toute l’étendue de la république et adhérant à leurs idéologies, a été métamorphosée.

On voit s’ériger des blocs arbitraires au détriment de nombreux partisans qui avaient milité ou militent encore, de bonne foi, pour défendre ou soutenir certaines causes. Ce confinement des enjeux politiques taillé sur mesure est dangereux. Il est politiquement inadéquat et inefficient d’autant plus que ceux qui s’adonnent à l’agitation à outrance ne semblent pas avoir conscience que les cartes sur l’échiquier politique ne sont plus les mêmes. Les choses évoluent au jour le jour. Ainsi, ceux qui sont au pouvoir posent des actes de gouvernance et avancent en dépit des tumultes. Pendant ce temps, les agitateurs, eux, embrayent toutes les marches et façonnent des moules homogènes sur des bases non-conformes à la sociologie politique comme si les partis politiques en RDC sont essentiellement à connotation tribale. Il est à se demander où peut conduire une telle dynamique.

L’équation: Martin Fayulu ou rien, produira-t-elle des effets?

Toute l’agitation se fait au nom de Martin Fayulu dont il faudra, à ce point, épingler la vision politique. Ses stratèges ne feraient-ils pas mieux d’entrevoir la problématique du « contentieux électoral » non plus en termes de pure contestation sur base de l’équation: c’est Fayulu ou rien et aller outre cette question considérant que la politique est dynamique et évolutive? À bien voir les choses, la voie suivie actuellement ne semble pas avoir d’issue, à moins d’un miracle à la congolaise. De même, les critiques acerbes ou des insultes proférés contre Félix peuvent le froisser et même le blesser, mais politiquement, ils n’aboutiraient à rien de concret. A contrario, sur le plan social, ils aiguisent des antagonismes à saveur tribale, ce qui n’avantage point l’idéal de la reconstruction du pays avec l’apport de tous.

Une voie alternative

Pourquoi ne pas envisager une autre façon d’agir en prenant en ligne de mire les échéances à venir, car la configuration électorale ne sera plus la même d’ici la fin de cette législature. De façon responsable, il y a lieu de talonner le gouvernement sur des dossiers épineux tels que la situation de Minembwe ou sur des cas de tueries à Beni et dans d’autres régions en dépit des promesses faites et des engagements pris sur le terrain etc. Il faudrait également veiller attentivement aux gestes et faits des alliés actuels de la CACH, pour qu’ils ne tricotent pas la constitution. La CENI est à reformer totalement. Or, Nangaa est pour l’instant inamovible alors que le cycle électoral n’est pas terminé. Les juges de la cour constitutionnelle ont besoin d’une cure de jouvence. Le ministère de la justice a des dossiers très importants à éplucher pour rendre justice à de nombreuses victimes des violations flagrantes du régime sanguinaire et dictatorial de Kabila. Voilà autant de dossiers que Fayulu pourrait prendre entre ses mains et se montrer le porte étendard de revendications populaires. Dans cette perspective, ses actions seront tournées vers l’avenir plutôt que vers un passé récent non porteur des solutions. En agissant de la sorte, il maintiendrait son aura non seulement auprès de ses nombreux supporters, mais auprès de tout Congolais soucieux du bien-être collectif et du bon fonctionnement d’un État de droit.

Viser l’homme qui ombrage tout au lieu de l’encenser!

La gouvernance actuelle a encore un long trajet pour convaincre et pour résoudre les nombreux problèmes qui affligent le pays à tous les niveaux. En principe, on ne devrait pas accepter l’écart entre les paroles et les actes de la part de nos gouvernants. Cependant, il y aurait fort risque à continuer à critiquer l’un et à encenser l’autre. Les Congolais sont comme tétanisés par la prétendue puissance de Kabila. Son ombre voltige partout. On le croit omnipotent et capable d’enclencher l’acte de destitution contre Félix pour des prétendues violations de ceci ou de cela, comme si du coup il s’est purifié de ses nombreux abus tant sur le plan financier que celui de la non-respectabilité des règles démocratiques et des droits humains. S’il représente un danger pour la démocratie ou pour la stabilité du pays, c’est lui qu’on devrait viser le premier et chercher à le neutraliser et non le contraire.

Tout compte fait, au-delà des enjeux politiques épineux ou compromettants soient-ils, le peuple congolais a tout intérêt à préserver, dans les faits et dans la pratique quotidienne, son unité si chère à Lumumba et à tous ceux et à toutes celles qui ont donné de leur vie pour que vive à jamais une nation forte au cœur de l’Afrique.

 

Par Mwamba Tshibangu

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