Sama Lukonde « Premier »: 100 jours pour convaincre!

Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge. C’est le nom du nouveau Premier ministre du Congo-Kinshasa. Il est âgé de 43 ans. La nomination de cet ingénieur-chimiste et informaticien a pris de court, lundi 15 février, tous les « boursicoteurs politiques » qui règnent dans les réseaux sociaux. Certains de ces spéculateurs s’étaient découvert des « dons prophétiques » en prédisant l’avènement de Vital Kamerhe « de la prison à la primature ». Dimanche 14, d’autres présentaient encore le député national Claudel Lubaya comme le remplaçant de Sylvestre Ilunga Ilunkamba. La preuve est faite qu’un journaliste ou un analyste est tout sauf un prophète. Le journalisme consiste à rapporter – et à analyser – non pas des rumeurs mais des faits et des opinions. L’investiture de la nouvelle équipe gouvernementale aura lieu lors de la session parlementaire qui démarre le 15 mars prochain. Une question taraude les esprits: le futur gouvernement aura-t-il les moyens pour relever les défis sécuritaires et socio-économiques?

« Je tenais à avoir la vision du chef de l’Etat. Vision qui s’inscrit dans l’union [nationale]« . C’est la toute première déclaration faite, lundi 15 février, par le nouveau « Premier » Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge (JMSLK). C’était à l’issue d’un entretien de plus d’une heure avec le président Felix Tshisekedi Tshilombo.

S’adressant brièvement à la presse, le nouveau chef du gouvernement a confié que le chef de l’Etat a entendu les « préoccupations » exprimées par des segments de la population congolaise lors des consultations organisées du 2 au 18 novembre derniers. On rappelle que le 23 octobre, Felix Tshisekedi avait fait état de « divergences » abyssales au sein de la coalition Fcc-Cach. Ces consultations avaient pour but de « refonder l’action gouvernementale ».

Selon le Premier ministre Sama Lukonde, la sécurité des personnes et des biens (particulièrement à l’Est et dans le Katanga), la Justice, la Santé, l’Education seront au centre des priorités du prochain exécutif. Sans oublier des questions touchant au développement économique et social.

On le sait (c’est nous qui le soulignons), le Congo-Kinshasa n’a plus d’industrie manufacturière. La production agricole atteint à peine 0,6%. L’environnement des affaires, elle, n’a connu, à ce jour, aucune embellie. En cause, la corruption et les tracasseries administratives à travers une multitude de taxes. On espère que la nouvelle carte nationale d’identité sera inclue dans les priorités du futur gouvernement. Il est temps de mettre fin à la confusion ambiante entre les nationaux et les étrangers.

« DOTER L’ETAT DES MOYENS DE SA POLITIQUE »

Le Premier ministre congolais, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge

Lucide, le successeur de Sylvestre Ilunga Ilunkamba est apparu conscient qu’aucun résultat ne pourrait découler d’une mission dépourvue de moyens. « Toutes ces questions demandent que l’Etat se dote des moyens de sa politique par des recettes provenant des biens et services », a-t-il déclaré. Et d’ajouter: « Nous allons appliquer avec le gouvernement les pratiques de bonne gouvernance à outrance ». Ce qui implique, a-t-il dit, la rigueur et la lutte contre la fraude. Il s’agit, selon lui, « de répondre à l’appel du chef de l’Etat ».

D’après le nouveau « Premier », le Président de la République et lui ont pu évoquer des réformes institutionnelles à mettre en œuvre. « Le pays en a besoin », a-t-il précisé en ciblant notamment le secteur fiscal, la loi électorale et la digitalisation du pays. Comme pour rassurer l’opinion, il a précisé que le gouvernement va « accomplir ces réformes sous le contrôle bienveillant du Parlement ».

Lors des « consultations présidentielles », plusieurs participants avaient plaidé pour le « dégraissage » de la taille de l’Exécutif. Interrogé à ce sujet, le nouveau Premier ministre a confirmé cette exigence. Selon lui, le futur gouvernement sera composé de moins de membres (ministres et vice-ministres) que l’équipe sortante. Les futurs membres du gouvernement, a-t-il poursuivi, feront l’objet d’une sorte « d’enquête de moralité ». Les futures « excellences » devraient donc « montrer patte blanche ».

DU « G7 » AU CACH

Ancien député national (2006) et ministre de la Jeunesse et Sports dans le gouvernement Matata Ponyo, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge a déjà inscrit son nom dans un acte non-dénué de courage politique et de sens de l’intérêt général.

Co-fondateur avec Dany Banza Maloba du parti « ACO » (L’Avenir du Congo), il fait partie des signataires d’une lettre datée du 5 mars 2015 qui leur a valu l’exclusion de la mouvance kabiliste dite « majorité présidentielle ». C’est la naissance du « G7 ». Outre l’ACO, celui-ci regroupait, le MSR de Yves Mobando Yogo, l’ARC de Bruno Lapika, le Parti démocrate-chrétien (PDC) de José Endundo, l’Union nationale des fédéralistes du Congo (Unafec) d’Antoine Gabriel Kyungu wa-ku-Mwanza, l’Union nationale des démocrates fédéralistes (Unadef) de Charles Mwando Nsimba et le Mouvement solidarité pour la démocratie et le développement (MSDD) de Christophe Lutundula Apala Pen’Apala.

Ces sept personnalités avaient commis le « crime de lèse-président » en attirant l’attention de « Joseph Kabila », alors chef de l’Etat – dont le deuxième mandat devait expirer le 19 décembre 2016 -, sur « le rejet des velléités de révision voire de changement de Constitution par la grande majorité de la communauté nationale (…)« .

MISSION, MOYENS, RESULTATS

Moïse Katumbi Chapwe

On rappelle qu’en décembre 2014, Moïse Katumbi Chapwe avait lancé sa célébrissime métaphore du « troisième faux penalty ». Le gouverneur du Katanga invitait implicitement la population à barrer la route à l’ambition inconstitutionnelle de « Kabila » de briguer un troisième mandat. « Moïse » va démissionner de ses fonctions en septembre 2015 en même temps que les autres personnalités étiquetées « G7 ». Lors de la présidentielle du 30 décembre 2018, l’ACO s’est rallié au Cach du duo Fatshi-Kamerhe.

On rappelle également qu’après l’investiture de Felix Tshisekedi à la tête de l’Etat, Sama Lukonde fut nommé administrateur directeur général de la Gécamines. C’était sans compter avec le bras de fer Fcc-Cach. JMSLK attendra près d’une année avant que le ministre du Portefeuille, étiqueté Fcc, daigne enfin exécuter le décret présidentiel.

Le Premier ministre « JMSLK » pourra-t-il relever les défis cités précédemment? Pourquoi pas? Il devrait réunir au moins trois conditions. Primo: faire preuve de loyauté (et non de servilité) à l’égard du chef de l’Etat. Secundo: choisir de bons collaborateurs. « Mon premier souci est la formation de mon cabinet. Je sais l’importance d’une bonne équipe et du travail en équipe », écrivait l’ancien Premier ministre français Raymond Barre. (L’expérience du pouvoir, éditions Fayard, 2007). Ancien Premier ministre belge, Jean-Luc Dehaene ne disait pas autre chose: « Je continue à penser que de bons collaborateurs peuvent faire, d’un ministre médiocre, un bon ministre ». (Il y a une vie après le 16, éditions Labor, 2002). Enfin: élaborer une loi de finances rectificative pour doter le gouvernement des moyens de sa politique. Et ce au nom du sacro-saint triptyque Mission, Moyens, Résultats.

« JMSLK » a 100 jours pour convaincre!

 

Baudouin Amba Wetshi

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