Un témoin gênant nommé « la Monusco »

A UN mission in DR Congo (Monusco) armoured personnel carrier on patrol on November 5, 2013 in the eastern North Kivu region. US will seek an end to UN peacekeeping missions in Africa that do not bring long-term peace. PHOTO | AFP

A l’occasion de la commémoration du 70ème anniversaire de l’existence de l’Organisation des Nations Unies, le ministre de l’Intérieur, le PPRD Evariste Boshab, a déclaré notamment que le moment est venu pour la Mission onusienne au Congo de laisser les institutions congolaises « s’assumer elles-mêmes ». C’était le vendredi 23 octobre dernier.

Selon Boshab, l’armée congolaise (FARDC) a acquis une « maturité certaine ». Une maturité qui est loin de se vérifier sur le terrain au regard des tueries quasi-quotidiennes qui se poursuivent dans les territoires de Beni et de Lubero, au Nord Kivu. Des crimes attribués à des prétendus rebelles ougandais de l’ADF.

Au moment où ces lignes sont écrites, la société civile de Goma dénonce la vague d’insécurité qui règne sur les routes Rutshuru-Kanyabayonga et Butembo-Beni. Où est passé l’Etat?

Ce n’est pas la première fois qu’une personnalité congolaise invite à mots feutrés la mission onusienne au Congo à faire ses valises pour laisser les Congolais, devenus mûrs, à s’occuper de la gestion de leurs affaires.

Le gouvernement congolais et les responsables onusiens ont entamé, il y a six mois, un « dialogue stratégique » au sujet justement du retrait progressif des forces de l’Onu au Congo-Kinshasa, en exécution la résolution 2211 du Conseil de sécurité.

CRISE DE CONFIANCE

Installée dans l’ex-Zaïre depuis 1999, soit deux années après la prise du pouvoir par les pseudo-libérateurs de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo), la Mission de l’Onu au Congo (Monuc, rebaptisée Monusco) – en dépit de ses lacunes – inspire plus confiance à la population que la force publique. A savoir: l’ANR (Agence nationale de renseignements), police nationale, Garde républicaine, ex-Demiap. Ces grands corps de l’Etat sont au service exclusif du « clan kabiliste ». Rien d’étonnant que la grande majorité de la population ne se reconnaisse guère aux gouvernants en place dont les priorités sont aux antipodes des véritables problèmes de gens.

Lors de la découverte de la fosse commune à Maluku, des habitants sont allés prévenir des agents de la Monusco en lieu et place des autorités judiciaires ou policières.

Face à un pouvoir sectaire, inefficace et liberticide, la Monusco est devenue le véritable garant de la paix civile et de l’intérêt général. La Mission onusienne supplée ainsi aux carences des pouvoirs publics. Outre la sécurité des personnes et des biens, la Monusco est toujours la première à manifester sa compassion à l’égard des citoyens congolais en détresse. On l’a vu notamment lors des expulsions massives des ex-Zaïrois du Congo-Brazzaville ou de l’Angola.

Point n’est besoin de souligner que les représentants des forces politiques et sociales brimés par les séides du régime cherchent généralement leur « salut » ou refuge auprès de la Monusco. Celle-ci est devenue un témoin gênant face à un « Joseph Kabila » aveuglé par sa folle ambition de briguer un troisième mandat. L’homme multiplie des artifices – dont le fameux « dialogue politique » – pour contourner les verrous constitutionnels qui le frappent d’inéligibilité en 2016.

« LA GUERRE »

Dans l’édition n° 2859 du magazine « Jeune Afrique » datée du 25 octobre au 31 octobre 2015, Marwane Ben Yahmed, un des directeurs exécutifs de cette publication, a signé un commentaire intitulé: « Comment éviter le pire? ». Vous avez deviné qu’il s’agit d’« éviter le pire » au Congo démocratique. « Ailleurs, note ce confrère, la perspective d’élections peut ressembler à une promesse. Ici, elle suggère plutôt troubles et tensions ».

A quelques treize mois de la fin du second et dernier mandat du président sortant « Joseph Kabila », le Congo se trouve à la veille d’un grand affrontement. Et ce par la volonté d’un homme: « Joseph Kabila ». La perspective d’une alternance démocratique en novembre 2016 est perçue par celui-ci comme une question de vie ou de mort. L’homme paraît décidé à enjamber des cadavres pour préserver ses intérêts politiques et ses privilèges.

Lors d’une réunion qui s’est tenue début octobre dans sa ferme privée à Kingakati, « Joseph Kabila » a surpris plus d’un observateur en déclarant qu’il est « prêt pour les élections ». Propos surréalistes. Lors de cette même réunion, le Président sortant n’a pas hésité à inviter ses troupes « à préparer la guerre » et… le « dialogue politique ». On signale un déploiement inhabituel des troupes à Lubumbashi.

Secrétaire général du parti présidentiel, le Parti du peuple pour la reconstruction et… la démocratie (PPRD), Henri Mova Sakanyi qui semble incapable de peser le poids des mots n’a pas dit autre chose: « (…). Le contraire du dialogue, c’est la guerre ». (Voir J.A. n°2859). Qui doit faire la guerre à qui? Pourquoi? Il est clair que « Joseph Kabila » et les « durs » de son régime ont engagé le pari de faire couler le sang congolais dans le seul but de conserver le pouvoir pour le pouvoir.

La présence de la « communauté internationale » au Congo-Kinshasa a un effet dissuasif face à un tyranneau qui rêve du départ de celle-ci pour écraser les contre-pouvoirs et imposer sa « loi » à l’image de ce qui se passe au Rwanda de Paul Kagame. La Monusco est un « mal nécessaire » pour la jeune démocratie congolaise autant qu’un témoin gênant pour le dictateur « Joseph Kabila » et ses thuriféraires aux abois…

 

Baudouin Amba Wetshi

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