Une histoire de gangs

Gaston Mutamba Lukusa

Ce vendredi matin du 5 février 2021, Kinshasa fut sous émotion. Des coups de feu avaient retenti. Ce fut la panique. Il faut faire attention quand on tire, même en l’air, à Kinshasa. Trop souvent, il y a des morts à cause des balles perdues. Enfer et damnation!

On tiraillait dans la commune de Barumbu au quartier Funa. Des jeunes armés de machettes et de bâtons lançaient des pierres sur une bande rivale. Ils étaient soutenus par leurs parents. Les tirailleurs étaient des soldats du Camp Mbaki du quartier Molokayi. C’était une expédition punitive de leurs enfants, des kuluna, contre une bande rivale. Ce qui ne devait pas arriver, arriva! La population se terra des heures durant dans les maisons. Elle commença à redouter les pillages des biens. Toute action appelle réaction. C’est la troisième loi de Newton ou Principe des actions réciproques. La police est venue voir ce qui se passait. Elle fut la cible des kuluna et de leurs parents. Stupeur et tremblements!

On enregistra des dégâts matériels et humains. Le commandant de la police fut blessé à l’œil. Ceci expliquant cela, trois soldats furent mis aux arrêts, en attendant leur jugement. Bref passons!

D’après mon ami qui sait ce qui se passe dans tous les coins et recoins de Kinshasa, les kuluna sont souvent âgés entre 12 et 25 ans. Ils vivent en famille. Leurs parents sont au courant de leurs méfaits. Ils en sont complices et en vivent. Ils opèrent en groupes de 10 à 30 personnes. Le chef du groupe est souvent appelé général ou maréchal. Les délinquants sont armés de machettes, de couteaux avec lesquels, ils volent, blessent ou coupent de préférence les bras de leurs victimes. Ils trucident parfois. Ils se droguent et taquinent la bouteille. D’après mon ami qui sait tout, les affrontements sont réguliers entre les kuluna de différents quartiers. Ils se livrent à de véritables batailles rangées. Ils ne craignent ni la police ni les militaires. Il suffit d’un regard trop insistant, il suffit qu’un kuluna circule dans le quartier d’une bande rivale, il suffit qu’un jeune courtise la fille d’un autre territoire pour que tout dégénère. Enfer et damnation!

Souvent, armés de machettes, de couteaux, de bâtons et même de cailloux, ils s’attaquent à de paisibles citoyens. En plein jour, ils arrachent et volent tout ce qui a de la valeur. En cas de résistance, ils mutilent. Comble de l’horreur, ils étripèrent un soir une femme enceinte. Stupeur et tremblements!

En réaction, en novembre 2013, le gouvernement décréta l’opération LIKOFI. La police s’illustra par l’assassinat de plusieurs délinquants. De véritables escadrons de la mort furent lâchés. La police sema la terreur. Il y eut des disparitions forcées. La peur changea de camp à la grande joie de la population. Des organisations de défense des droits de l’homme ainsi que de protection de l’enfance s’en mêlèrent. Elles protestèrent. L’opération fut abandonnée. Ces jours-ci, près d’un millier de kuluna arrêtés ont été envoyés aux travaux de champs dans les installations du Service national situées dans la province du Haut-Lomami.

 

GML

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %