Vous avez dit « bon fonctionnement des institutions »?

Le président Felix Tshisekedi Tshilombo a reçu, lundi 13 janvier 2020, les présidents des deux chambres du Parlement en l’occurrence Jeanine Mabunda Lieko et Alexis Thambwe Mwamba, tous les deux sont étiquetés Fcc (Front commun pour le Congo), la mouvance kabiliste.

Cette rencontre à trois n’est prévue par aucun texte. Encore moins par les usages. Elle intervient un mois après le discours sur l’état de la nation prononcé, le 14 décembre 2019, par le Président de la République. Des observateurs ont attendu en vain que le chef de l’Etat dressa un « état des lieux » du pays. Dans quel état a-t-il trouvé la nation congolaise?

Revenons au sujet principal. Qui a pris l’initiative de cette réunion tripartite? L’histoire ne le dit pas. De quoi ont pu parler les trois plus hautes personnalités de l’Etat congolais?

Selon une dépêche de l’Agence congolaise de presse, « plusieurs questions liées au bon fonctionnement des institutions » et « la situation sécuritaire à l’Est » étaient au centre de cet entretien. Vraiment?

S’adressant à la presse, Jeanine Mabunda a voulu « dédramatiser » la portée de cette audience en soulignant qu’il est « tout à fait normal » que les chefs des institutions se réunissent au début de l’année. Et ce pour évoquer des questions touchant au fonctionnement des provinces, des institutions nationales et des entreprises du portefeuille de l’Etat. Sans omettre les « textes en vigueur » et les préoccupations de la population. Les mots sont lâchés! Alexis Thambwe, lui, s’est limité à rapporter que le Président de la République avait entamé les discussions sur la situation sécuritaire.

N’en déplaise à « Mama Mabunda », ce « colloque » paraît inhabituel. Sauf erreur, tout au long des dix-huit années de pouvoir autocratique de « Joseph Kabila », nul n’a souvenance d’une concertation de ce genre entre les « chefs des institutions ».

Dans son allocution sur l’état de la nation, le chef de l’Etat avait lancé plusieurs « réflexions » dont l’une n’a pas manqué d’enchanter le « clan kabiliste ». Il s’agit de la révision des articles de la Constitution relatifs à la nationalité congolaise ainsi qu’au nombre de tour à l’élection présidentielle. 

Cette « brèche » ouverte a, sans doute, été accueillie comme une aubaine par l’ex-président « Kabila » qui rêve de reconquérir le pouvoir suprême. On se demande bien ce que cet homme – qui considère le Congo-Kinshasa comme un « butin » – peut faire aujourd’hui qu’il n’a pu faire hier durant ses dix-huit années au sommet de l’Etat. 

C’est un secret de Polichinelle de dire que « Kabila » et sa mouvance caressent l’espoir d’arracher, grâce à leur « majorité parlementaire », l’institutionnalisation du suffrage indirect pour l’élection du Président de la République. Le premier magistrat du pays pourrait ainsi être élu, au second degré, par les membres des deux chambres. 

A travers les propos tenus par la présidente de l’Assemblée nationale, la tentation est forte de subodorer que les trois allocutaires ne se sont pas limité à aborder les sujets relatifs à la sécurité des personnes et des biens. L’idée d’une modification de la loi fondamentale a, sans aucun doute, été la motivation principale de la visite des deux présidents de chambres.

Dans l’exposé des motifs de la Constitution en vigueur, promulguée le 18 février 2006, les constituants ont épinglé sept « préoccupations majeures » ayant présidé à l’organisation des institutions de la République. A savoir: assurer le fonctionnement harmonieux des institutions de l’Etat, éviter les conflits, instaurer un Etat de droit, contrer toute tentative de dérive dictatoriale, garantir la bonne gouvernance, lutter contre l’impunité et assurer l’alternance démocratique.

On espère que Felix Tshisekedi, Jeanine Mabunda et Alexis Thambwe se sont élevés à la hauteur des hommes d’Etat pour constater ce que le Congolais lambda ne cesse de déplorer. A savoir que, depuis douze mois, l’Etat congolais ne fonctionne pas de manière harmonieuse. Les conflits motivés par des intérêts particuliers sont légion.

On espère également que les trois responsables politiques ont pu constater que la coalition Fcc-Cach s’est muée en un boulet au pied. L’Etat en tant que pouvoir politique est en panne. Il n’est plus un pouvoir de décision, d’impulsion et de coordination. 

Douze mois après l’investiture de Felix Tshisekedi à la tête de l’Etat, l’ancien opposant parait bien incapable de matérialiser ses promesses: instaurer l’Etat de droit, lutter contre la corruption, l’impunité et les antivaleurs.

Le « changement » claironné jadis n’est plus qu’un slogan creux. Les riches sont de plus en plus riches. Les pauvres, de plus en plus pauvres. L’Etat est assimilé à un « bien personnel ». 

« Felix » et ses interlocuteurs – mandatés manifestement par « l’autorité morale » du Fcc -,  ne tarderont pas à s’apercevoir que tout pouvoir politique qui ne donne pas priorité à tout ce qui touche à l’homme (sécurité, éducation, santé, emploi, eau courante, électricité, transports, infrastructures) n’a pas d’avenir…

Baudouin Amba Wetshi

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