Affaire Héritier Watanabe: Le droit et la morale

La République très très démocratique du Congo, Etat laïc sur papier, va-t-elle se transformer en une « République chrétienne »? L’affaire Watanabe met en lumière le vent du « moralisme » qui souffle sur la société zaïro-congolaise. Un moralisme teinté d’hypocrisie.

Le Tout-Kinshasa politico-médiatique ne parle que de ça. « Ça », c’est la vidéo qui circule sur les réseaux sociaux dans laquelle on voit le chanteur kinois Bondongo Kabeya, alias « Héritier Watanabe » en plein ébats amoureux avec une dame. La séquence est qualifiée « d’immorale ». L’artiste est accusé d’avoir diffusé cet élément vidéo en toute connaissance de cause. Il semble que l’homme aurait l’habitude d’user de cette pratique à la veille du lancement d’un CD.

Selon mon ami qui sait tout sur tout et presque tout sur rien, « Héritier » a été appréhendé le samedi 16 novembre par des « poulets » dépêchés par le boss de la police kinoise, le très hypocrite Sylvano Kasongo. Il était attendu à la prison centrale de Makala. « En cours de route, le téléphone d’un des flics retentit. Mitundu mikweyi. L’ordre est donné de ramener Watanabe chez lui », dit mon ami. Qui était l’appelant? Mystère et boule de gomme!

D’après mon ami qui sait décidément tout sur tout, « Héritier » serait ami à un fils de « Fatshi Béton ». Mon ami est réputé pour sa « langue de vipère ». Selon lui, c’est le « dircab » Vital Kamerhe, alias « VK », qui aurait « exhorté » « Sylvano » à remettre le musicien en liberté. « Les juristes de Fatshi se sont arrachés les cheveux, en vain, pour trouver l’article du code pénal congolais qui érige en infraction les faits reprochés au sieur Watanabe », me susurre-t-il.

Que reproche-t-on à notre cher artiste Bondongo dit Héritier, ai-je demandé à mon ami. Dogmatique et imbu de son savoir comme toujours, l’ami me demande de m’asseoir et de l’écouter sans l’interrompre. Après avoir avalé une rasade d’eau, il se mit à me donner tout un cours d’introduction au droit.

Il raconte: « Le Congo démocratique est un Etat laïc. Ce n’est pas moi qui le dit mais plutôt l’article premier de la loi suprême qui régit le pays. Il n’est pas rare de voir les plus hauts dirigeants du pays organiser des cérémonies religieuses pour demander que le Seigneur fasse pleuvoir ses ‘maweja’ (bénédictions en Tshiluba) sur ce pays pourtant gâté par la providence ».

Mon ami de rappeler l’étrange cérémonie de « délivrance » organisée le 1er novembre par le patron des flics kinois, le très ventru Sylvano Kasongo. On a vu le pasteur de l’église de sommeil, pardon, l’église de réveil Kabundi Walesa invoquer le ciel, devant des « poulets » agenouillés dans une attitude d’adoration, afin de les « délivrer » de « l’esprit de bavure ».

Voyant que je commençais à m’esclaffer, l’ami prend un ton sérieux en m’interdisant de rire. Il poursuit: « Au cours du mois d’octobre, on a dénombré trois meurtres commis par des policiers en l’espace de trois jours. Le très incompétent Sylvano Kasongo n’a pas trouvé mieux que la prière pour inculquer l’esprit de professionnalisme à ses policiers qui n’excellent que dans l’art d’appuyer sur la gâchette ».

Impatient, je l’ai prié de revenir sur le sujet. L’ami se lance: « Le droit n’est pas à confondre avec la morale. Le droit énonce des règles de conduite pour faire régner l’ordre et la justice dans la société. La violation de ces règles est assortie d’une punition. La morale, elle, énonce des devoirs de l’être humain tant vis-vis de lui-même que de ses semblables. Ici, la sanction se situe au niveau de la conscience du fautif ». Il ajoute: « L’infraction est constituée de trois éléments: le texte légal qui érige le fait en cause en infraction, l’acte matériel et l’intention de violer sciemment la loi ».

Après ce « cours », l’ami se veut plus concret.  Il dit la peine qu’il éprouve à trouver l’infraction commise par les deux « tourtereaux ». « Est-ce l’acte sexuel commis entre deux adultes? Est-ce la diffusion de leurs ébats amoureux? », s’interroge-t-il.  « Rien ne prouve jusqu’ici que l’artiste Watanabe est l’auteur de la diffusion de cette vidéo. Il bénéficie de la présomption d’innocence », souligne mon ami avant de conclure: « Je condamne le contenu de cette vidéo qui est de nature à dérouter les jeunes qui prenaient Héritier pour un modèle de référence. Par contre, j’ai été ahuri d’entendre des journalistes kinois s’époumoner en qualifiant Watanabe d’immoral. D’autres ne se sont pas gênés de dire à haute voix que la place de ce chanteur est à Makala pour cause d’immoralité. On est où là? La République très très démocratique du Congo va-t-elle devenir la République chrétienne du Congo? »

 

Jean-Robert Yuka ea Djema

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