Ces morts mystérieuses: Mukuntu, Katumba, Samba, Futa, Alamba…

Mukuntu Kiyana Timothée

Tout-puissant auditeur général des Forces armées de la RDC, proche parmi les proches de « Joseph Kabila », le lieutenant général Timothée Mukuntu Kiyana est décédé, jeudi 14 janvier, en Afrique du Sud où il était évacué pour recevoir des soins. Depuis l’apparition du Coronavirus en mars 2020, le Covid-19 a bon dos. Cette pandémie « monopolise » désormais tous les décès. Le Tout-Kinshasa s’interroge sur ces « morts mystérieuses » dans l’entourage de « Joseph Kabila ». A l’instar de Guillaume Samba Kaputo, Philippe Futa, Augustin Katumba, Charles Alamba, Yav Nawej et Pierre Lumbi, le lieutenant-général Timothée Mukuntu emporte dans sa tombe des « secrets d’Etat ». On peut citer notamment l’assassinat du colonel Mamadou Ndala et le double homicide des experts onusiens à Bunkonde au Kasaï.

« Tous les vrais grands hommes aiment à se laisser tyranniser par un être faible ». C’est Honoré de Balzac qui l’a dit. Le même Balzac qui a dit également que « Tout pouvoir est une conspiration permanente ».

Ce « papier » n’est nullement motivé par la volonté de « cracher » sur un cadavre ou de « tirer sur le corbillard ». Bien au contraire. Il s’agit de rappeler à la mémoire collective tous ces fils du pays décédés dans des conditions mystérieuses.

Au cours d’une cérémonie organisée, samedi 23 janvier, à la Cour de cassation, le président Felix Tshisekedi Tshilombo a fait décorer feu lieutenant général Timothée Mukuntu Kiyana au grade de « Grand Cordon » des « héros nationaux Kabila-Lumumba ». Le chef de l’Etat a, par ailleurs, promu le défunt, général d’armée des Fardc. Cette manifestation a été rehaussée de la présence du gotha politico-militaire. Les adeptes de la « philosophie » ne manqueront pas d’y voir la « vanité » de la vie humaine.

La nouvelle du décès de l’auditeur général Mukuntu a fait l’effet d’une bombe. C’est un communiqué de l’ambassade de la RDC au pays de Mandela qui a fait savoir cette tragique nouvelle. C’était le jeudi 14 janvier. « Homme des dossiers sensibles », ce haut magistrat militaire a servi – aux côtés du procureur Charles Alamba Mungako – non seulement sous la Présidence de Mzee Kabila mais aussi de celle de l’ex-président « Joseph Kabila ».

Le 7 février 2020, le président Felix Tshisekedi a décidé de « titulariser » « Tim » Mukuntu, comme l’appelaient ses proches, à la fonction d’auditeur général près la Haute cour militaire. Le promu était, à ce titre, l’animateur principal du ministère public, du côté de la justice militaire. C’est lui qui détenait le pouvoir de mettre l’action publique en mouvement.

La poignée de mains entre « Kabila » et le colonel Mamadou Ndala

Incrédule, l’auteur de ces lignes n’avait pas manqué de « reprouver » la reconduction de ce haut magistrat. Et ce dans la mesure où cette décision était de nature à conforter ceux qui soutenaient que Felix Tshisekedi ne détenait que l’apparence du pouvoir. Et que l’effectivité de l’impérium était toujours exercée par l’ex-raïs. L’éviction de Flory Kabange Numbi du poste de procureur général de la République a quelque peu rasséréné les sceptiques.

L’ASSASSINAT DE MAMADOU NDALA

Revenons à Mukuntu Kiyana. Docteur en droit, professeur à l’université de Kinshasa, « Tim » faisait partie de ces « professeurs » qui gravitaient et autour de Mzee Kabila avant de passer au service de son successeur. Durant deux décennies, ce magistrat va accomplir tout son parcours dans l’appareil répressif qui a permis d’asseoir le pouvoir de « Joseph ». C’est le cas notamment de la défunte Cour d’ordre militaire et le Conseil national de Sécurité. Celui-ci était dirigé à l’époque par Guillaume Samba Kaputo.

Dès l’annonce du décès de Mukuntu Kiyana, les rumeurs les plus folles ont envahi les réseaux sociaux. « Depuis l’apparition du Coronavirus, la cause de la quasi-totalité des décès est attribuée au Covid-19 », ricanaient des internautes. D’autres, moins passionnés, d’ajouter: « Mukuntu était l’homme des dossiers ultrasensibles. Il n’avait pas que des amis… ». Seul le rapport rédigé par un médecin légiste pourrait mettre fin à la controverse.

Il reste qu’au cours de ces dix dernières années, l’auditeur général Mukuntu s’est vu confier plusieurs dossiers « chers » à « Kabila ». Nous allons effleurer trois.

Le 2 janvier 2014, l’opinion tant congolaise qu’internationale apprend avec stupeur que le colonel Mamadou Moustapha Ndala a été tué dans la localité de Matembo, à une dizaine de kilomètres de Beni-Ville. Le véhicule de commandement dans lequel se trouvait « Mamadou » fut pulvérisé par un obus. Ministre de la Communication et des médias d’alors, Lambert Mende Omalanga s’est empressé d’attribuer cet attentat aux insaisissables rebelles ougandais dits « ADF-Nalu ». Aucune enquête n’était ouverte jusque-là.

Le 3 janvier, Timothée Mukuntu, alors 1er avocat général à l’auditorat général, atterrit sur le lieu du crime. C’est lui – et non la police judiciaire – qui accomplit les « devoirs d’enquête ». Certains « témoins » n’ont pas hésité à pointer un doigt accusateur sur Muhindo Akili, alias Mundos, un officier proche à « Joseph Kabila ». Une parodie de procès sera organisée sans faire éclater la vérité. Certains témoins à charge sont morts durant les débats. La mort du colonel Ndala reste un mystère.

AFFAIRE ZAIDA CATALAN & MICHAËL SHARP

Zaïda Catalan et Michaël Sharp

Le 12 mars 2017, deux experts du Conseil de sécurité de l’Onu, Zaida Catalan et Michaël Sharp, sont portés disparus au niveau de la localité de Bunkonde. Ils étaient chargés d’enquêter sur des allégations de tueries massives et l’existence des fosses communes au Kasaï. Des atrocités attribuées à la force publique.

Soixante-douze heures avant la découverte des corps sans vie de ces Occidentaux, le président de l’Assemblée provinciale du Kasaï d’alors, François Kalamba, annonce que quarante policiers, tombés dans une embuscade sur le tronçon Tshikapa-Kananga, ont été décapités par des présumés miliciens Kamuina Nsapu. Cette « nouvelle » sensationnelle est relayée par les grands médias internationaux.

Il importe d’ouvrir la parenthèse pour relever qu’au moment où ces lignes sont écrites, personne n’a vu des photos ou des vidéos de la cérémonie d’inhumation de ces 40 agents de l’ordre. Plus personne n’en parle. Voulait-on conditionner l’opinion sur la « cruauté » des présumés miliciens Kamuina Nsapu? Les deux corps seront « découverts » 72 heures après. Zaida Catalan avait été décapitée. Fermons la parenthèse.

Depuis le mois de juillet 2017 à ce jour, la Haute cour militaire de la garnison de Kananga continue à siéger. Des pseudo-suspects défilent à la barre sur l’assassinat de deux experts onusiens. Trois années après, cette juridiction militaire « peine » délibérément à circonscrire le mobile du crime et à identifier le présumé commanditaire. C’est à croire que des instructions ont été données pour « disculper » les autorités du pays.

Désigné auditeur général ad intérim des Fardc en 2018, Mukuntu va déployer tout son talent de juriste pour écarter toute idée d’implication des autorités politico-administratives dans ce double meurtre. Les deux investigateurs onusiens avaient sans doute recueilli des informations accablantes pour le pouvoir kabiliste.

Lors de l’audience du 20 septembre 2019 à la Haute cour militaire, le prévenu José Tshibuabua n’est pas allé par quatre chemins en révélant qu’il a été emmené discrètement au siège de l’Agence nationale de renseignement (ANR)  à Kinshasa. D’après lui, il l’aurait été interrogé par Kalev Mutond, alors administrateur général de l’ANR. En personne. Sans procès-verbal. Tshibuabua d’ajouter une déclaration-choc: « C’était en présence du président Joseph Kabila ». Juge-président, le colonel Jean-Paulin Ntshaykolo contenait à peine sa colère, assurent des témoins.

Informé, l’auditeur général a.i Mukuntu prit le premier avion à Ndjili. Destination: Kananga. Invité de revenir à la barre, Tshibuabua n’a pas tremblé. Il a confirmé ses dires selon lesquels « Kabila » était bel et bien présent lorsque Kalev le « cuisinait » au siège de l’ANR. Le prévenu Tshibuabua décédera un mois plus tard.

AFFAIRE JOHN TSHIBANGU

En août 2012, le colonel John Tshibangu entre en dissidence. L’officier suspecte « Joseph Kabila » d’être de mèche avec les mutins pro-rwandais du M23 qui s’étaient emparés de plusieurs localités au Nord-Kivu. Tshibangu va ajouter une autre exigence: la « vérité des urnes ». Tous les observateurs étaient d’avis qu’Etienne Tshisekedi avait battu « Joseph Kabila » lors de l’élection présidentielle du 28 novembre 2011.

Pourchassé tel un gibier, le colonel Tshibangu sera appréhendé le 29 janvier 2018 en Tanzanie. Le 5 février, il est transféré à Kinshasa. Prisonnier personnel de « Kabila », Tshibangu fera l’objet d’un harcèlement de la part de l’auditeur général des Fardc qui obéissait servilement aux ordres venus d’en haut.

Augustin Katumba Mwanke

Assigné à résidence au Centre Catholique Nganda, en janvier 2020, John Tshibangu n’a eu la vie sauve qu’en résistant aux hommes (colonels Kasongo et « Patrick ») envoyés par Mukuntu. Les deux individus devaient le conduire vers une destination inconnue. L’ex-raïs continuait à agir dans l’ombre à travers quelques homme-liges. C’est le cas de Mukuntu.

Pour les observateurs, la cause du décès du général Timothée Mukuntu reste mystérieuse. Le Covid-19? Pourquoi pas? Il reste que pendant les dix-huit années d’exercice du pouvoir par « Kabila » – et après -, plusieurs très proches collaborateurs de ce dernier sont morts dans des circonstances non élucidées emportant dans la tombe des secrets dont ils avaient connaissance sur certains « grands maux » dont souffre leur pays.

On peut citer notamment: Guillaume Samba Kaputo (conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de Sécurité – 2007), André-Philippe Futa (ancien ministre des Finances – 2009), Augustin Katumba Mwanke (ambassadeur itinérant, secrétaire exécutif du Pprd et bras droit de « Kabila » – crash aérien en février 2012 à Bukavu), Charles Alamba Mungako  (ancien procureur au procès sur l’assassinat de LD Kabila), Pierre Lumbi Okongo (opposant, ancien ministre des Infrastructures). Paix à leurs âmes!

 

B.A.W.

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