Document d’histoire. Honoré Ngbanda: « Je suis un homme à abattre! »

En juin 2018, l’ancien conseiller spécial en matière de Sécurité du président Mobutu Sese Seko avait fait cette déclaration lors d’une interview accordée au journal en ligne « Congo Indépendant ». Né le 5 mai 1946 à Lisala, province de la Mongala (Grand Equateur), Honoré Ngbanda Nzambo ko Atumba est mort. La nouvelle s’est répandue, dimanche 21 mars, comme une traînée de poudre. « Est-ce vrai? », c’est la question qui revenait sans cesse dans des conversations téléphoniques. En parcourant plusieurs interviews que l’ancien « chef espion » avait accordées au journal en ligne « Congo Indépendant », il est plus ou moins aisé de cerner le sens de son « combat politique ». Celui-ci s’articule autour de quelques idées-fortes: occupation, résistance, conscientisation, libération et collabos.

« La famille Ngbanda a l’immense tristesse de vous annoncer le départ auprès du Seigneur du mari, père, frère et grand-père Honoré Ngbanda Nzambo survenu ce matin du 21 mars 2021. Nous vous remercions pour vos marques de sympathie et vous demandons de bien vouloir respecter le recueillement de la famille en ce temps-ci! ». C’est le communiqué, non signé, publié par la « famille Ngbanda ». Un texte quasi identique a été lu dans la soirée par  le secrétaire général de l’Apareco (Alliance des patriotes pour la refondation du Congo), Patrick Lukika.

Quelle est la cause du décès de cet acteur politique? En l’absence d’un rapport rédigé par un médecin légiste, tout ce qui sera dit ne pourrait relever que de la pure extrapolation. N’empêche. D’aucuns parlent de Covid-19. D’autres, évoquent le cancer de la prostate? Qui dit vrai? « Nous n’écartons aucune hypothèse à priori », a estimé, pour sa part, un sympathisant du défunt Président de l’Apareco. A tort ou à raison, ce dernier était convaincu qu’il était un homme à abattre. Et qu’il y avait des « tueurs à gage » à la solde du duo « Kabila »-Kagamé à ses trousses.

Officier de renseignements formé dans les meilleures écoles (Allemagne, Etats-Unis, Israël etc.), Honoré Ngbanda a accompli l’essentiel de son parcours professionnel dans les « services ». Il aimait bien faire la distinction entre les « services de sécurité » opérant à l’intérieur du pays, et les « services de renseignements » ayant pour mission d’identifier les « menaces » à l’extérieur du pays. C’est ici qu’il va évoluer avant de descendre dans l’arène politique au lendemain du discours du président Mobutu du 24 avril 1990 annonçant le retour au pluralisme politique.

Photo « Congo Indépendant » prise à la résidence parisienne du président H Ngbanda après la sortie officielle de l’Apareco

Durant la longue « transition démocratique » (1990-1997), il occupera à deux reprises le poste de ministre de la Défense nationale avant de diriger le « conseil national de sécurité » de 1993 à 1997. Il prit le chemin de l’exil après la chute de la IIème République de Mobutu Sese Seko.

HONORE NGBANDA, « LE RESISTANT »

Le 16 janvier 2001, le président Laurent-Désiré Kabila meurt dans son bureau dans des circonstances non-élucidées à ce jour. Son successeur est une sorte « OVNI ». Il s’appelle « Joseph Kabila ». L’ancien conseiller spécial sera le premier à dévoiler la véritable identité du successeur de Mzee Kabila et à mettre en doute le lien de filiation. Selon lui, « Joseph Kabila » s’appellerait, en réalité, Hyppolite Kanambe. « Il est de nationalité rwandaise », confie-t-il au journaliste camerounais Blaise Pascal Talla de « Jeune Afrique Economie ».

En 2005, « Honoré » créé l’Apareco. Pour lui, il ne s’agit nullement de « s’opposer » au pouvoir incarné par « Kabila ». Il opte pour la « Résistance ». « Lorsque vous vous dites opposant politique à un régime d’occupation, cela veut dire que vous reconnaissez le système en place comme un pouvoir légal », dira-t-il.

De 2005 à 2018, l’auteur de ces lignes aura l’occasion de réaliser une série d’interviews avec Ngbanda. Quelques mots revenaient sans cesse comme un « crédo »: occupation, résistance, libération et collabos. Le locuteur n’avait cure des critiques acerbes formulées en son encontre en sa qualité de fidèle d’entre les fidèles du maréchal Mobutu dont le régime a fini par sombrer. Il n’avait pas cure non plus des critiques qui lui reprochaient « de parler plus et d’agir moins ». en limitant l’action de la Résistance « à quelques sorties médiatiques ». Il rétorque aussitôt: « Notre action consiste avant tout à une prise de conscience ». Pour lui, il fallait commencer par la « conscientisation » de la masse.

Jusqu’au bout, « Nzambo Ko Atumba » ne se départira guère de l’idée selon laquelle le Congo-Kinshasa est un pays « sous occupation » rwando-ougandaise avec le soutien de certains membres de la « communauté internationale ». Sans omettre, la complicité de quelques « collabos » congolais. D’après lui, on organise pas les élections dans un pays occupé. Cette occupation aurait été facilitée, selon lui, par l’infiltration des sujets étrangers dans les grands corps de l’Etat (l’armée, la police, les services) . Et ce par le biais de brassages et de mixages. Ce n’est pas tout. « Ce sont nos divisions qui font la force des occupants rwandais! », assène-t-il.

« KABILA » A REUSSI SA MISSION D’ « OCCUPATION » DU PAYS

Jean-Pierre Bemba, Président du MLC

Lors de l’élection présidentielle de 2006, Honoré Ngbanda a soutenu le candidat Jean-Pierre Bemba Gombo contre « Joseph Kabila ». Ce dernier était à l’époque le « chouchou » de l’Occident. N’est-ce pas contradictoire? « Absolument pas », rétorque-t-il tout en admettant qu’il avait dû se faire violence. Il explique: « En 2006, JP Bemba m’avait demandé, lors d’une rencontre à Paris, de ne pas lancer un appel au boycott des élections et de soutenir sa campagne électorale. Il m’avait exprimé toute sa conviction qu’il remporterait ces élections car il avait pris toutes les dispositions pour contrôler les urnes et les procès-verbaux grâce à un centre de dépouillement parallèle afin que les résultats soient diffusés immédiatement après le dépouillement ». « Vous vous souviendrez que le site Apareco avait annoncé en son temps, le résultat final du second tour qui était de 52% pour Bemba et 48% pour Kabila ». The winner ne fut pas l’homme qu’on espérait.

Fort de cette « malheureuse expérience », l’ancien conseiller spécial s’est radicalisé en appelant au boycott des consultations politiques du 30 décembre 2018. « Comment voulez-vous mobiliser le corps électoral en faveur d’un vote qui ne sera nullement libre, transparent et démocratique dans un pays où tous les secteurs névralgiques de l’Etat ploient sous le jour de l’occupation? », tempêta-t-il. Et de poursuivre: « Je n’ai pas connaissance d’un seul pays – occupé de surcroit – où les citoyens ont réussi à le libérer en organisant des élections sous l’égide du même pouvoir d’occupation ». Ngbanda de s’interroger: « Les Congolais pensent-ils sérieusement mettre fin au pouvoir d’occupation en place en battant le dictateur et l’oppresseur étranger aux élections organisées et contrôlées par ce dernier? »

Le président de l’Apareco était souvent exaspéré chaque fois qu’on lui demandait son pays de résidence. La réponse était souvent cinglante. « Quelque chose me chiffonne sur l’acharnement de mes compatriotes à me localiser. Cela fait plus de treize ans que je vis en exil. Pendant ce laps de temps, personne ne s’est intéressé à connaître mon adresse de résidence. Pourquoi cet intérêt brusque juste maintenant au moment où je suis le plus recherché par les ennemis de mon pays que j’ai décidé de combattre? »

Pour Honoré Ngbanda, « Kabila » a réussi la mission qui lui était assignée au Congo-Kinshasa. « Il était venu dans notre pays pour le faire occuper, le déstabiliser et le détruire ». Les prochaines étapes seraient « la mise en œuvre de la balkanisation et l’annexion d’une partie du pays au Rwanda ». « Je mène un combat difficile. Vous comprendrez le sens de ce combat peut-être plus tard quand je ne serai plus là. Nous nous battons contre un monstre à plusieurs têtes. Toutes ces puissances dont je dénonce l’implication dans l’occupation de notre pays seront heureuses de me localiser. Je suis un homme à abattre », conclut-il.

L’Apareco survivra-t-elle à son fondateur? C’est à voir!

 

Baudouin Amba Wetshi

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