Kinshasa: Silence… les « GR » « attaquent » chez Jean-Marc Kabund

Vendredi 14 janvier 2022. Il est 3 heures au moment de boucler ce « papier ». Sauf erreur, aucun communiqué officiel n’a été publié pour fixer l’opinion sur l’assaut lancé, mercredi 12, à la résidence du 1er vice-président de l’Assemblée nationale. Silence à l’UDPS. Silence à l’Assemblée nationale. Silence au niveau de la police et de l’armée. Et pourtant, c’est un incident grave aux allures d’une « pré-mutinerie » qui s’est produit mercredi. Selon des témoins, l’habitation de Jean-Marc Kabund-a-Kabund a été investie et vandalisée (?) par plusieurs dizaines des « GR » (Garde Républicaine). Et ce en représailles de « l’humiliation » infligée à leur camarade – qui a été désarmé et mis aux arrêts – par des policiers chargés de la garde du numéro deux de la Représentation nationale. Le ministre de la Communication Patrick Muyaya devrait s’attendre à un « tir groupé » des questions dérangeantes à l’occasion de la lecture du compte-rendu du Conseil des ministres de chaque vendredi.

L’association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), a été la première organisation à condamner la « violation du domicile » du premier vice-président de l’Assemblée nationale. C’est en tous cas ce que son président Georges Kapiamba dit sur compte Twitter@acajasbl en soulignant que « dans un Etat de droit, nul ne peut se rendre justice par soi-même ». Michaël Tshibangu, conseiller en communication de Moïse Katumbi Chapwe, Président du parti « Ensemble pour la République » d’enchainer que « les éléments de la GR ne peuvent pas aller saccager » la maison « d’une personne puissante (…) sans le feu vert de quelqu’un de puissant ». Léonard Vudisa adopte un ton réquisitorial. Pour lui, Jean-Marc Kabund est un « hors-la-loi qui croit que tout lui est permis ». Et d’ajouter: « Il passe sa vie à [faire] crever les pneus des gens comme si ça fait partie de ses prérogatives. (…)« 

Que s’est-il passé le mercredi 12 janvier 2022 au domicile de Kabund? Pourquoi des éléments de la « GR » ont-ils pris d’assaut la résidence de ce dernier? Ces militaires avaient-ils obtenu le « feu vert » de leur hiérarchie? Laquelle? Ont-ils vandalisé la villa? Voilà quelques questions qui hantent les esprits. La liste est loin d’être exhaustives.

Au commencement était une vidéo qui a fait le « buzz » sur les réseaux sociaux le mercredi. On y voit des policiers qui tentent de désarmer un « GR » qui se trouve à l’intérieur d’un véhicule 4X4 avec volant à droite. Selon des informations fragmentaires, un « VIP » était à bord. La voiture aurait violé le code de la route en roulant en sens interdit. Des policiers ont fait arrêter le conducteur. L’élément chargé d’assurer la sécurité du « VIP » a brandi son arme. Des policiers finiront par la lui arracher avant de mettre le militaire aux arrêts. « On a échappé à un drame, raconte un témoin. Arracher une arme à feu à un militaire est une déclaration de guerre. Il faut féliciter ce ‘GR’ pour son sang-froid. Il aurait pu ouvrir le feu sur les policiers ».

Une vue de Kinshasa

Pour les Kinois, c’est devenu un « fait banal » de voir un véhicule transportant un « puissant du moment » s’engager sur une grande artère en sens interdit. C’est la fameuse « troisième bande ». C’est le cas notamment sur les boulevards du 30 juin et Lumumba. Et ce sous prétexte d’éviter les embouteillages. Il semble que les plus grands « violeurs » du Code de la route seraient les membres de « l’élite » politico-militaro-affairiste du pays.

Selon des sources, ce sont des policiers commis à la sécurité du 1er vice-Président de l’Assemblée nationale qui auraient déclenché cet incident. Pour une raison inconnue, ces policiers en détachement sont mis à « réguler » la circulation. Et pourtant, ils n’étaient pas en mission. Dans l’après-midi, plusieurs dizaines des « GR » ont lancé une « expédition punitive » à la résidence de Kabund. Le 1er vice-président de l’Assemblée nationale était absent. Des membres de sa famille étaient bien-là. La suite est connue.

ACTORI INCUMBIT PROBATIO

Tard dans la soirée de jeudi 13, l’auteur de ces lignes a pu joindre une source militaire plutôt bien informée sur la question. Selon elle, des éléments de la « GR » chargés d’assurer la sécurité du Président de la République et de certains membres de sa famille se plaignaient, depuis un certain temps, de « l’attitude méprisante » de Jean-Marc Kabund à leur égard. Des rapports circonstanciés auront été transmis auprès de la hiérarchie militaire et politique. « Ce qui s’est passé mercredi 12, dit-il, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Devrais-je vous faire un dessin pour vous démontrer que, partout dans le monde, la Garde Républicaine est une unité d’élite, très fière et jalouse de son image et son honneur? ». Les « GR » ont-ils saccagé la maison? « Actori incumbit probatio, réagit notre interlocutrice. Je traduis pour les non-latinistes: la charge de la preuve incombe à celui qui affirme. Avez-vous visionné une vidéo montrant des GR en train de saccager la maison de Kabund? », s’est-elle interrogée.

Selon des informations encore fragmentaires, les policiers chargés de la garde du président ad intérim de l’UDPS et numéro 2 de la Chambre basse du Parlement auraient, récemment, « fait crever les pneus » d’un véhicule appartenant à Mama Marthe Tshisekedi. Kabund se serait rendu à Limete pour « battre sa coulpe ».

L’auditeur général des FARDC devrait ouvrir une information judiciaire sur ce grave incident aux allures de « pré-mutinerie ». Les GR et les policiers impliqués dans cette affaire doivent s’expliquer sur ce qui ressemble bien à un « viol des consignes » autant qu’une « association de malfaiteurs ».

Depuis sa création, la garde républicaine – dont la mission officielle consiste notamment à assurer la garde et la protection du Président de la République et sa famille sans omettre les hôtes de marque et les installations présidentielles – s’est comportée sous la présidence de « Joseph Kabila » comme une milice privée. Malgré l’Accord-cadre de paix signé le 24 février 2013 à Addis-Abéba par onze pays de la Région, l’ancien Président a soigneusement évité de réformer les forces de sécurité dont l’armée et la police. Sans doute de peur de se retrouver en face d’une « armée républicaine » qui échapperait à sa mainmise. On verra les « GR » réprimer des manifestations pacifiques alors que le maintien de l’ordre n’était pas de leur ressort. Sauf cas exceptionnels. Combien sont-ils? Douze mille? Quinze mille? Dix-sept mille? Mystère!

« GR », UNE EPEE DE DAMOCLÈS

Armand Tungulu

De l’avis d’experts, cette unité d’élite surnommée « Bana Mura » est une épée de Damoclès pour le pouvoir de Félix Tshisekedi. Composée essentiellement des originaires du « Grand Katanga », les futurs « GR » ont reçu leur instruction dans le camp de Mura situé dans l’actuelle province du Haut Katanga.

Sous « Joseph Kabila » plusieurs cas de violences et de meurtres sont à mettre au passif de cette unité à la réputation sulfureuse. A titre d’exemple, on peut citer entre autre:

  • Armand Tungulu Mudiandambu. En séjour à Kinshasa, ce Bruxellois a été interpellé le 29 septembre 2010 par des « GR ». Il a été accusé d’avoir caillassé le cortège de « Joseph Kabila » sur l’ex-avenue du 24 novembre. Détenu dans un cachot au Camp Tshathi, QG de la Garde Républicaine, « Armand » se serait « suicidé » dans la nuit du 1er au 2 octobre 2010. Nul ne connait la version de faits d’Armand. L’actuel général Ilunga Kampete, alors colonel, a bien connu ce dossier. La famille de Tungulu n’a jamais vu le corps. Elle ignore le lieu d’inhumation.   
  • Les policiers de roulage Yandu et Mukoyo sont passés à tabac au Rond-point Socimat par des « GR » chargés d’escorter Zoé « Kabila » dont le seul titre était « le frère de… ». C’était le 21 octobre 2010.
  • Lors de la manifestation pacifique des 19, 20 et 21 janvier 2015, les « GR » vont tirer à balles réelles sur des manifestants. Bilan: 38 morts. Des témoins vont surprendre des membres de cette « unité d’élite » en train d’emporter des cadavres pour effacer des traces.
  •  Franck Diongo Shamba, président du MLP (Mouvement lumumbiste progressiste). Opposant, Diongo ne cessait d’inviter « Kabila » à respecter les dispositions constitutionnelles relatives au nombre de mandats présidentiels. Le second mandat expirait le 19 décembre 2016. C’est ce jour-là que des « GR » ont tenté de s’introduire chez lui. Ceux-ci vont lancer une expédition punitive chez le Président du MLP accusé d’avoir séquestré leurs camarades. Diongo sera passé à tabac et torturé au Camp Tshatshi. Le 28 décembre 2016, il est condamné à cinq ans de servitude pénale par la Cour suprême.
  • Au « Grand Katanga », sous « Kabila », des « GR » étaient affectés de « protéger » des carrés miniers et d’assurer la sécurité des sujets chinois qui pillent le fameux bois rouge « Mukula ». A Kasumbalesa, des « GR » sont – étaient? – chargés de récupérer des marchandises « destinées » à Sifa Mahanya, la mère putative de « Joseph » et sa fratrie. Des commerçants étrangers recouraient à son influence pour contourner les taxes douanières, moyennant une « commission ».  

On le voit, les « GR » ont été principalement conçus comme une « garde prétorienne ». Mission: garantir la pérennité du pouvoir de « Joseph Kabila ». « Cette unité est et reste une sorte d’épée de Damoclès sur la tête de tous ceux qui rêvent de déboulonner le système incarné par l’ex-Raïs », résume un « Fatshiste ».

 

Baudouin Amba Wetshi

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