Tshisekedi, coup de chapeau pour la lutte contre la corruption! Aurait-il violé la constitution?

Zeph Zabo

« La barbarie, la corruption et l’injustice, d’où qu’elles viennent, n’ont définitivement pas de place dans la société, dans notre société, dans aucune société dans le monde. Elles doivent être combattues par tous, individuellement et collectivement, partout où elles se trouvent ». – Zeph Zabo (Justice corrompue Volume 1, février 2016, 212 pages)

Indéniablement, le nouveau Président de la République, Félix Tshisekedi, démontre jusqu’à ce jour sa volonté et sa détermination à rompre totalement avec l’impunité et à tacler et éradiquer la corruption, le plus grand fléau qui gangrène tous les secteurs d’activités, toutes les institutions de la République et plombe ainsi le développement économique, social et humain en RDC.

Personnellement, je salue vivement sa décision relative à l’ouverture d’une enquête par le Procureur général près la Cour de cassation pour établir les faits de corruption imputables aux corrompus et corrupteurs qui seraient concernés et de les poursuivre en justice, le cas échéant, pour les sanctions pénales les plus appropriées et les plus exemplaires, pour corruption. Coup de chapeau!

Cela étant, les procédures judiciaires en contestation et en annulation des résultats de vote des sénateurs corrupteurs suspectés concernés doivent toutefois aussi être enclenchées devant le juge électoral compétent (en l’espèce la Cour constitutionnelle), conformément à la Loi électorale, par ceux des candidats sénateurs malheureux (non élus) qui s’estimeraient lésés.

En effet, quels que soient les verdicts de culpabilité et condamnations pour corruption active ou passive auxquelles le juge pénal compétent (la Cour de cassation étant la dernière instance) pourrait parvenir à l’encontre de ceux des corrompus et corrupteurs concernés, ces verdicts et condamnations n’auront pas d’impact sur la validité des résultats des élections sénatoriales concernées. Les procédures pénales pour des faits de corruption, qui se font conformément au Code pénal et aux règles de procédure pénale applicables en la matière, ne sont pas à confondre avec les procédures en contestation ou en annulation des résultats des élections qui quant à elles se font conformément à la Loi électorale. Toutefois, eu égard à la jurisprudence établie (à des fins politiques, en violation de la Constitution et de la Loi électorale) par la Cour de Cassation en 2018 dans l’affaire Jean-Pierre Bemba vs la CÉNI ainsi que Fidèle Babala vs CÉNI) les verdicts et condamnations pour les infractions pénales de corruption rendront les députés provinciaux corrompus concernés et les sénateurs corrupteurs concernés inéligibles aux futures élections présidentielles, législatives, etc., en RDC.

D’aucuns se demandent si le Président de la République, en prenant les trois (3) « importantes mesures » ou décisions concernées ci-dessous, a ou aurait violé la Constitution, les lois de la République et outrepassé ses attributions et pouvoirs constitutionnels, en:

  1. « donnant une injonction » au Procureur général d’ouvrir une enquête sur les faits de corruption concernés;
  2. suspendant l’installation des sénateurs élus;
  3. en reportant sine die l’élection des gouverneurs provinciaux.

Ce débat, tel que nous constatons tous, divise profondément l’ensemble de la société congolaise, notamment la classe politique (y incluant même la coalition CACH du nouveau Président de la République -F Thsisekedi- et la coalition FCC de l’ancien Président de la République -J Kabila- alors qu’ils sont partenaires dans le cadre d’un accord pour un gouvernement de coalition CACH-FCC) ainsi que les juristes, sur la constitutionnalité des pouvoirs exercés et des mesures (décisions) prises par la Président de la République dans le cadre de la réunion interinstitutionnelle du lundi le 18 mars 2019.

Concernant le point ou questionnement 1) ci-dessus, je me limiterais ici à dire tout simplement, à mon humble avis, que c’est un faux débat.

Aux termes de l’article 69 de la Constitution de la RDC: « Le Président de la République est le Chef de l’État. Il représente la nation et il est le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux ».

Ainsi, concernant les points ou questionnements 2) et 3), si j’avais été à la place du nouveau Président de la République, ne fût-ce que pour me protéger contre l’épée de Damoclès qu’il a au-dessus de sa tête du fait notamment des menaces du FCC (de le traduire en justice pour le destituer pour violation de la Constitution), de la configuration du Parlement actuel (les députés et les sénateurs en fonctions actuellement sous la dominance écrasante du FCC à plus ou moins 2/3 des voix) et de l’accord de coalition CACH-FCC, j’aurais probablement demandé au préalable l’avis de la Cour constitutionnelle par une saisine en interprétation de l’article 69 sus-libellé, pour que celle-ci confirme formellement ou infirme de tels pouvoirs présidentiels (de suspendre l’installation des sénateurs élus et de reporter sine die la tenue des élections de gouverneurs provinciaux) en vertu de la Constitution. Ses directeurs de cabinets et conseillers compétents auraient-ils dû lui donner un tel conseil ou avis juridique? L’avaient-ils fait sans être suivis?

Avoir agi tel qu’il a fait l’expose inutilement à des allégations de violation de la Constitution et à des accusations d’infractions correspondantes de haute trahison prévues par la Constitution, devant la Cour Constitutionnelle. Encore là, le défi pour le FCC qui profère ces menaces sera non seulement de démontrer que le nouveau Président de la République a violé la Constitution, mais aussi de démontrer qu’il l’a fait intentionnellement. En effet, l’article 165 de la Constitution stipule: « Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ». Je ne vois pas du tout comment ils pourront démontrer l’élément intentionnel requis (l’intention de violer la Constitution) alors que le Président de la République avait au préalable consulté notamment le Président de la Cour constitutionnelle et puis débattu de toutes les questions et mesures (décisions) avec les différentes autorités compétentes de la République dans le cadre de la réunion interinstitutionnelle concernée.

Bref, aux termes de l’article 161 de la Constitution de la RDC: « La Cour constitutionnelle connaît des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des Chambres parlementaires, des Gouverneurs de province et des Présidents des Assemblées provinciales. Elle juge du contentieux des élections présidentielles et législatives ainsi que du référendum. Elle connaît des conflits de compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ainsi qu’entre l’État et les provinces ».

Dès lors, plutôt que de continuer chacun à donner sa propre interprétation et son propre avis (juridique, politique ou autre) des différents articles (69, etc.) de la Constitution et des dispositions constitutionnelles correspondantes que les uns et les autres invoquent au soutien de leurs arguments pour tirer la couverture de leur côté, les personnes physiques et morales intéressées devraient plutôt saisir la Cour constitutionnelle.

Dura lex sed lex, la loi est dure mais c’est la loi. Nul n’est au-dessus de la loi. Justice corrompue, la saga continue…

 

Par Zeph Zabo, Doctorant en Droit, écrivain juriste, auteur des livres Justice corrompue Volume 1 (Connaître Vos Droits et Savoir Vous Battre pour Rétablir la Justice) et Volume 2 (Les Juges et Nos Droits, Zabo vs. Système Judiciaire Corrompu. LaSaga Continue…) – E: zabo.zeph@gmail.com

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