Affaire Sayiba: Un dossier explosif!

Entendu depuis, lundi 14 septembre, au parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa-Gombe notamment sur le dossier relatif à la construction du Port sec de Kasumbalesa (Haut Katanga), Patient Sayiba Tambwe, directeur général de l’Ogefrem (Office de gestion du fret multimodal) a quitté le parquet, vendredi 18, en « homme libre ». Pour combien de temps? Sur les réseaux sociaux, on apprenait que l’homme – qui est encore présumé innocent – aurait fait des aveux. Il aurait révélé des transferts, sans cause, d’importantes sommes d’argent vers la Tanzanie.

Notre consœur Elisée Odia du média « Congo Web » a été la première source à annoncer, au milieu de l’après-midi de vendredi, la libération du DG de l’Ogefrem, Patient Sayiba Tambwe. Dans un tweet posté sur son compte, on pouvait lire: « Patient Sayiba, DG de l’Ogefrem libre. Il y en a qui font une visite éclair à Makala ». Une manière de subodorer que le Congo-Kinshasa était régi par une justice à deux vitesses.

Membre de l’équipe de défense du justiciable Sayiba, l’avocat Laurent Onyemba a « dégainé » une heure après: « Libre désormais, le DG de l’Ogefrem déjà dans sa résidence », écrit-il sur compte Twitter. Le texte est agrémenté d’une photo où l’on voit le juriste et son client (voir photo). Portant un veston en cuir et une casquette, « Patient » est quasi-méconnaissable avec sa barbichette de quelques jours.

LE CLAN DE TANZANIENS

Néhémie Mwilanya Wilondja, ancien « dircab » de Joseph Kabila et coordonnateur de la mouvance kabiliste « Front commun pour le Congo »

Depuis le mois d’avril dernier, Sayiba – qui serait un parent par alliance de Néhémie Mwilanya Wilondja – joue au chat et à la souris avec l’équipe du procureur général (PG) près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe. Convaincu de son « intouchabilité », cet ancien représentant de l’Ogefrem en… Tanzanie, a tenu tête à deux mandats de comparution lui adressés. Après l’envoi d’un mandat d’amener délivré par le PG, le tout Kinshasa a fait état de son arrestation. Fausse alerte! Lundi 14 septembre, Sayiba a daigné enfin se présenter à l’office du procureur général. Il a été aussitôt « mapé » selon la formule consacrée par les Kinois. Autrement dit, il s’est vu décerné un mandat d’arrêt provisoire (MAP). Sans transfert à Makala.

Durant quatre jours, Sayiba a été soumis à un interrogatoire serré. Que lui reproche-t-on?

 

Successeur d’Anatole Kikwa Mwata Mukambo, Patient Sayiba Tambwe est suspecté d’avoir détourné une somme de 21 millions de dollars affectés à la construction du port sec de Kasumbalesa et de la Fiche électronique de renseignement à l’importation (Féri). L’intéressé se dit « clean », selon Me Onyemba.

Il n’est pas sans intérêt d’ouvrir une parenthèse à ce stade pour relever l’intérêt tout particulier que « Kabila » et sa fratrie n’ont cessé de manifester à l’endroit du poste-frontalier de Kasumbalesa, dans la province du Haut Katanga. L’objectif non-avoué a toujours été de « rapprocher » cette porte de sortie des ressources minières et forestières (bois rouge Mukula) du « Grand Katanga » avec la Tanzanie. Pourquoi le pays du Mwalimu Julius Nyerere? La raison est simple: « Joseph », « Jaynet » et « Zoé » ont vu le jour dans ce pays qui n’est séparé de l’ex-Shaba que par le lac Tanganyika. Leurs attaches psychologiques sont restées là-bas. Patient Sayiba a été représentant de l’Ogefrem en… Tanzanie. C’est dans ce pays qu’il a eu l’opportunité de faire connaissance avec « Joseph Kabila » dont l’ancien directeur de cabinet Néhémie Mwilanya Wilondja est natif de Tabora, en Tanzanie. Devrait-on parler de « clan de Tanzaniens »? Fermons la parenthèse.

En juillet 2017, Sayiba est appelé à succéder à Kikwa qui avait lancé plusieurs projets. C’est le cas notamment du parc à véhicules et du parc à bois à Boma. Sans omettre la construction du Port sec de Kasumbalesa en « partenariat » avec la firme sud-africaine « African Union Holding ». Celle-ci devait préfinancer le projet.

RAPPROCHER KASUMBELESA ET LA TANZANIE

Sous couvert des « Cinq chantiers du chef de l’Etat », « Kabila » a fait construire une nouvelle Station de péage de Kasumbalesa. C’était en 2011. La charité bien ordonnée commençant par soi-même, il confia l’administration à son jeune frère « Zoé ». Celui-ci mit peu de temps pour trouver un prête-nom chargé de gérer en ses lieu et places. Il s’agit d’un sujet chinois nommé Simon Kong. C’est la naissance de la très nébuleuse Sopeco (Société de péage du Congo).

Le 2 juin 2018, le « raïs » se substitue au ministre des Transports et voies de communication qui exerce la tutelle technique sur l’Ogefrem. Il se rend à Kasumbalesa en personne. But: lancer la construction dudit Port sec. Durée des travaux: 36 mois. Vingt-sept mois après, personne n’ose fixer la date de fin des travaux. Problème: le financement n’a pas été libéré côté congolais. Le partenaire sud-africain a fait de même en suspendant l’exécution de sa part du contrat.

DOSSIER EXPLOSIF

Patient Sayiba Tambwe, à l’époque de sa splendeur

Revenons à l’interrogatoire de Sayiba. Selon une source proche du dossier, le DG de l’Ogefrem aurait « joué cartes sur table ». Les nerfs ont dû lâcher après cinq jours de privation de liberté dans un cachot malsain. Il aurait avoué, lors des auditions, que les 21 millions de dollars auraient été transférés dans un compte bancaire en Tanzanie. Qui en est le titulaire? Mystère! Le cas ne serait pas le premier du genre. « Pendant dix-huit ans, les recettes de l’Ogefrem ont été transférées en Tanzanie pour le paiement des salaires des policiers et des militaires de ce pays. Notre pays a été pillé et continue de l’être par des étrangers avec la complicité d’une minorité de compatriotes », peut-on lire dans le mailbox de notre journal. « C’est un acte de haute trahison », ajoute l’expéditeur.

Sur les réseaux sociaux, chacun y va de son commentaire. « Quand nous disions que le régime de Kabila ne gérait pas le pays dans l’intérêt des Congolais, on ne nous croyait pas. Pendant que les Congolais croupissaient dans la pauvreté, les policiers non payés, l’argent du Congo servait à payer les fonctionnaires tanzaniens. Voilà! », note, pour sa part, l’activiste des droits humains et vice-président de l’Eveil patriotique, Jean-Claude Katende.

Osons espérer que le procureur général près la Cour d’appel de Kinshasa-Gombe résistera aux intimidations d’où qu’elles viennent. Il serait bien dommage, pour la sécurité nationale, que ce dossier explosif soit classé sans suite au nom du principe sacro-saint de l’opportunité de poursuites.

 

Baudouin Amba Wetshi

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