Affaires étrangères: « Kabila » élèvent quelques « proches » à la « dignité d’ambassadeur »

Avant de procéder le 24 janvier à la « passation civilisée de pouvoir » avec son successeur Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président sortant, « Joseph Kabila », a procédé à quelques « promotions » controversées dans le cadre de la diplomatie congolaise. Des surprises sont à venir.

Par ordonnance n°18/150 datée du 27 décembre 2018 publiée… le 25 janvier 2019, soit 24 heures après l’investiture du nouveau Président, « Joseph Kabila » a « élevé » « à titre exceptionnel » 23 personnes – ayant, pour la majorité d’entre elles, servi au cabinet présidentiel et à celui de l’actuel ministre des Affaires étrangères -, « à la dignité » d’ambassadeur.

En regardant plus près, il y a certes quelques rares personnes de qualité. C’est le cas notamment de Tosi Mpanu Mpanu. En gros, il s’agit d’une action clientéliste autant que népotiste qui récompense des individus proches tant de la fratrie « Kabila » que du ministre She Léonard Okitundu et du « dircab » à la Présidence Néhémie Mwilanya Wilondja.

Sur le plan de la forme, l’ordonnance précitée s’appuie sur le premier alinéa de l’article 81 de la Constitution qui stipule notamment: « Le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et le cas échéant révoque (…) les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires ».

Par ambassadeur, il s’agit ici d’un haut-fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères (diplomate de carrière) affecté à l’étranger pour diriger une ambassade. Il arrive que le chef de l’Etat nomme une personnalité provenant d’autres horizons en qualité de chef d’un poste diplomatique. C’est ce qu’on appelle un « ambassadeur politique ».

Il importe d’ouvrir la parenthèse pour relever qu’il est coutumier au ministère congolais des Affaires étrangères qu’un directeur chef d’un service soit élevé au rang protocolaire d’ambassadeur pour lui permettre de traiter d’égal à égal avec les diplomates étrangers de même niveau accrédités au pays. Fermons la parenthèse.

L’ordonnance sous examen ne parle guère de « nomination ». Il est question ici d’ « élévation » des personnes concernées « à titre exceptionnel » « à la dignité » d’ambassadeur. Une situation sans précédent et non prévue par la législation en vigueur.

LA « MÉDIOCRATIE » AFDL-PPRD-MP-FCC

Léonard She Okitundu

La problématique se corse lorsque le décret présidentiel invoque à tort, en guise de base juridique, deux textes qui concernent spécialement les fonctionnaires de l’administration publique congolaise œuvrant au sein du ministère des Affaires étrangères. Il s’agit respectivement de l’ordonnance n°72-231 du 02 mai 1972 portant création du corps des diplomates de la République et intégration dans le cadre des Affaires étrangères et l’ordonnance n°78-448 du 16 novembre 1978 portant règlement d’administration relatif au corps des diplomates de la République.

Sur le plan du fond, le décret du chef de l’Etat sortant laisse sous silence le « service éminent » que les bénéficiaires ont rendu à la nation congolaise pour mériter cette « distinction honorifique ».

Qui sont les « nominés »? Outre l’ancien conseiller à la Présidence Ngoy Lulu et Paul Kakhozi bin Bulongo (actuellement chargé d’affaires ad intérim à l’ambassade à Bruxelles), tous les autres impétrants n’ont jamais figuré dans le cadre du personnel du ministère des Affaires étrangères. Il ne s’agit donc pas de fonctionnaires titulaires d’un numéro matricule du ministère de la Fonction publique.

Ci-après, les noms de nouveaux « ambassadeurs »:

  • Juliana Lumumba (ancien ministre de l’Information, fille de Patrice Lumumba)
  • Roland Lumumba (fils de Patrice Lumumba)
  • Francine Muyumba, (proche de Jaynet « Kabila », présidente de l’Union panafricaine de la jeunesse)
  • Isabelle Matschik Tshombe (fille du Premier ministre Moïse Tshombe, ancienne représentante du chef de l’Etat à la Francophonie)
  • Jean-Pierre Kambila Kankwende (ancien conseiller politique à la Présidence)
  • Ngoy Lulu (ancien conseiller à la Présidentielle, fonctionnaire aux Affaires étrangères)
  • Jean-Claude Mokeni Ataninganu (sénateur sortant)
  • Elikya Mbokolo (historien, membre de la coalition pro-kabiliste FCC)
  • Milenge Mwenelwata (Evêque protestant, ECC)
  • Marcelin Cishambo Ruhoya (ancien conseiller à la Présidence et gouverneur du Sud Kivu)
  • Théophile Mbayo Kifuntwe (ancien conseiller à la Présidence)
  • Ghislain Demofike Kenda Kinshasa (ancien conseiller à la Présidence)
  • Emilie Ayaza Mushobekwa (Expert à la SADC)
  • Martin Tchamleso Alombwe (Intendant à la Présidence)
  • Freddy Mukoyi Lokonga (cousin et ancien conseiller de She Léonard Okitundu)
  • Zacharie Tshibanda Bilolo
  • Jean-Pierre Masala
  • Donatien Songhu Kayumba (proche de She Okitundu, l’homme a été promu « secrétaire général » par…arrêté n°130/006/2018 du 28.01.2018 du ministre Okitundu)
  • Michaël Sakombi (fils de Dominique Sakombi-Inongo, conseiller au cabinet de She Okitundu)
  • Mi-José Mutombo Kadi
  • Ngoy Kulukulu (Chef du protocole adjoint à la Présidence)
  • Tosi Mpanu Mpanu (Négociateur sur le Climat, conseiller au ministère de l’Environnement
  • Paul Kakhozi Bin Bulongo (actuel chargé d’affaires a.i à l’ambassade à Bruxelles)
  • Joseph Lititiyo Afata (Economiste à la CEPGL)
  • Vincent Musambya Sanganya (ancien assistant du dircab à la Présidence, parenté à Néhémie Mwilanya)
  • Baudouin Hamuli Kabarhuza (ancien activiste de la société civile, Coordonnateur de la CIRGL).

Dans ses articles 2 et 3, l’ordonnance présidentielle précitée note respectivement que toutes les dispositions antérieures contraires sont abrogées et que le ministre des Affaires étrangères est chargé de l’exécution de la présente ordonnance.

On imagine que ce « beau monde » doit être déversé dans le corps des diplomates congolais. Le prochain chef de la diplomatie congolaise aura à « hérité » non seulement d’un secteur malade, depuis deux décennies, de la « médiocratie » AFDL-PPRD-MP-FCC mais aussi de 26 nouveaux « ambassadeurs » à envoyer en poste.

Quid des diplomates de carrière, dénués de « parrains », qui attendent, depuis des lustres, une hypothétique promotion en grade autant qu’une affectation en poste? Vous avez dit que les Congolais étaient égaux devant la loi?

 

Baudouin Amba Wetshi

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