Ces « malades » qui dirigent le PPRD

Par définition, un parti est une association politique dont l’objectif est de mobiliser des soutiens électoraux en vue conquérir le pouvoir. La conquête de l’imperium ne peut en aucun cas constituer la finalité. Faudrait-il encore appliquer un programme destiné à transformer la société en impulsant le progrès économique et social. Le pouvoir n’est, en définitive, qu’une force au service d’une idée.

Les brebis galeuses sont dans tous les segments de la société. Le monde politique n’y échappe guère. N’empêche, de manière générale, on attend de l’homme politique un discours qui apaise et rassure. Modèle de référence, l’homme politique ne dit pas n’importe quoi. Il pèse le poids des mots. Ce sont les fameux « éléments de langage ». On attend de l’homme politique qu’il exerce le pouvoir avec sagesse et noblesse.

Dans les pays démocratiques, les élus reviennent une fois l’an rencontrer les citoyens. But: analyser l’adéquation existant entre les actions menées sur le terrain par rapport non seulement aux promesses faites mais surtout aux attentes de la population. En France et en Belgique, ce genre de colloque s’appelle « l’université d’été ».

Qu’en est-il du Congo-Kinshasa?

Le parti « dominant » PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie) de « Joseph Kabila » paraît dirigé par des apprentis-sorciers et autres pseudo-professeurs d’université qui n’ont cure du bonheur collectif. On y trouve des hommes et des femmes qui seraient assimilés, sous d’autres cieux, à des « bandits d’Etat ». Des individus qui n’excellent que dans le mensonge et la ruse. Et n’ont qu’une seule ambition: partager les postes. Pour quoi faire? 

Le 26 janvier 2001, un certain « Joseph Kabila » succédait à LD Kabila, décédé dix jours auparavant dans des circonstances non-élucidées à ce jour.

A l’époque, le territoire national était « tiraillé » entre le gouvernement de Kinshasa d’une part, le MLC (Mouvement de libération du Congo) de Jean-Pierre Bemba Gombo, le RCD-Goma « dirigé » par Adolphe Onusumba, le RCD/K-ML de Mbusa Nyamwisi et le RCD-N de Roger Lumbala d’autre part.

Fin 2002, la ville sud-africaine de Sun City abrita le dialogue inter-congolais qui a abouti à la signature d’un « Accord global inclusif sur la transition » au Congo-Kinshasa.

Pour garantir les chances du successeur de Mze Kabila de garder le fauteuil de président de la République, un groupe de politiciens (Georges Buse, Vital Kamerhe, Léonard She Okitundu, Barnabé Kikaya, Daniel Mulunda Ngoy etc.) ont eu l’idée de créer un parti d’obédience kabiliste. Dénomination: « Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie » (Pprd).

Sur le plan idéologique, la nouvelle formation politique se réclamait de la sociale-démocratie. Une « appartenance » factice qui dissimule mal des tendances totalitaires voire fascistes. 

Lors des élections de 2006 et 2011, le PPRD a fini par jeter le masque d’autant plus que son « champion » sera « élu » et « réélu » sans un véritable programme ou projet de société. Les « Cinq chantiers » et « la révolution de la modernité » ont été annoncés après les consultations politiques.

Au fil du temps, cette formation politique a démontré qu’elle n’a jamais été animé que par une seule ambition: la « conservation du pouvoir ».

Le 30 décembre 2018, les Congolais sont allés nombreux aux urnes dans l’espoir de tourner la page du « système Kabila ». A la surprise générale, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) s’est empressée de proclamer les « résultats provisoires » alors que certaines circonscriptions électorales étaient encore occupées à compiler les bulletins de vote. C’était le 10 janvier 2019. Dix jours après, la Cour constitutionnelle est entrée dans le jeu en publiant son « oracle » confirmant Felix Tshisekedi Tshilombo comme « président élu ».

« Majoritaire » dans les deux chambres du Parlement ainsi qu’au niveau des Assemblées provinciales, le Fcc/Pprd décide de coaliser avec le Cach du duo Tshisekedi-Kamerhe. Les deux parties ne voyaient que le gain. Elles ont négligé l’essentiel. A savoir: la convergence programmatique.

Kabila et Tshisekedi

Depuis l’investiture de « Felix » le 24 janvier 2019, on ne compte plus le nombre d’incidents opposant les « bases » des deux « partenaires ». « C’est un mariage entre l’ange et le démon », déclarait le combattant Fils Mukoko. « Nous vous avons donné le pouvoir gratuitement. Nous allons vous chasser de là », répliquait un certain Henri Magie, reconnaissable par son « béret rouge ». C’était au moment où la composition du gouvernement tardait à sortir.

Dix mois après son entrée en fonction, le nouveau chef de l’Etat a envoyé quelques signaux positifs en matière de droits et libertés. Il apparaît, néanmoins, que l’homme accuse des signes d’immobilisme. Il souffre d’un réel handicap pour matérialiser ses promesses. A savoir notamment: instaurer l’Etat de droit, lutter contre la corruption et l’impunité.

A preuve, tous les grands corps de l’Etat (justice, armée, police, Banque centrale) sont toujours et encore sous le contrôle des membres du « clan Kabila ». Sans omettre la Cour constitutionnelle, la Ceni, la Douane, les services de renseignements civils et militaires et les organismes générateurs des recettes.

Cette situation conforte les tenants de la thèse selon laquelle Tshisekedi Tshilombo ne serait qu’une « marionnette » manipulée par l’ex-président « Kabila » qui détiendrait la réalité du pouvoir.

Le 22 octobre dernier, le Pprd Emmanuel Ramazani Shadary a qualifié l’Udps de « parti-milice » avant d’annoncer le retour prochain de « Joseph Kabila » sur la scène politique. C’en était trop!

Le 12 novembre, l’Udps Jean-Marie Kabund qui porte la double casquette de président intérimaire de l’UDPS et celle de 1er vice-président de l’Assemblée nationale a sorti l’artillerie lourde pour pilonner les positions du Pprd. Selon lui, on « bloque » sciemment le chef de l’Etat pour l’empêcher d’engager des réformes.

La goutte d’eau qui fit déborder le vase vint d’un élément vidéo signé Dunia Kilanga qui y déclare que « Joseph Kabila » a fait nommer Felix Tshisekedi à la tête de l’Etat. Les résultats proclamés par la Ceni et confirmés par la Cour constitutionnelle seraient donc faux. 

Henri Mova

Comme pour apporter le crédit qui manquait aux propos du sieur Dunia, dimanche 24 novembre, le « professeur » Henri Mova d’enfoncer le clou en déclarant, sans rire, qu’Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire permanent du Pprd et dauphin désigné, « n’a jamais perdu l’élection présidentielle ». D’après Mova, il ne s’agissait que « de stratégies ».

Et d’ajouter: « d’ici peu, la vérité sera révélée au monde entier. Nous attendons le mot d’ordre de notre chef avant de tout balancer ». Quelle est cette vérité aux conséquences imprévisibles tant pour « Felix » que pour « Kabila »? L’humiliation pour l’un, le crime de « haute trahison » pour l’autre.

Entre 2015 et 2018, « Kabila » a montré qu’il était prêt à tout pour conserver le pouvoir d’Etat. Et ce y compris en recrutant des anciens combattants de la « rébellion » pro-rwandaise du M23 pour réprimer des manifestations pacifiques. Thérèse Kapangala et Rossy Mukendi sont les victimes les plus emblématiques de cette barbarie.

Le discours surprenant tenu par Mova a été prononcé à l’occasion de l’installation du comité national de la ligue des jeunes du PPRD. « Notre ligue des jeunes est une ligue d’un parti civilisé. Mais si on vous attaque nous allons réciproquer », dira, pour sa part, Ramazani Shadary.

On le voit, le PPRD est indigne de « dominer » le monde politique congolais. Ce parti est dirigé par des « malades » qui s’ignorent. « Joseph Kabila » en tête. Ce regroupement politique est devenu une machine infernale qui tire tout le monde vers le bas. Rien d’étonnant de la part d’une organisation qui ne se réfère à aucune valeur ni principe.

En acceptant de coaliser avec le « clan kabiliste » – composé des hommes et des femmes sans foi ni loi dans leur majorité -, Felix Tshisekedi Tshilombo est tombé dans un piège. Il est désormais clair que c’est bien « Kabila » qui a chargé ses « bad guys » de « sonner l’hallali ». L’homme s’ennuie dans sa ferme de Kingakati.

Que va faire « Felix »? Va-t-il « renverser la table » en révélant sa part de vérité ou boire le calice jusqu’à la lie juste pour préserver les honneurs et privilèges attachés à la fonction présidentielle?

 

Baudouin Amba Wetshi

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