Congo-Kinshasa: Les enjeux économiques en 2022

Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que le Congo-Kinshasa pourra atteindre un taux de croissance du PIB de 6,2 % en 2022 contre 5,4 % en 2021 et 1,7 % en 2020. L’inflation va se situer autour de 5%. Les recettes budgétaires se sont accrues. De même les exportations des produits miniers se traduisent par des accroissements dans un contexte de hausse des cours des matières premières. Bref, le cadre macroéconomique est stable et l’économie se redresse. Il faut que cette croissance se répercute sur le vécu quotidien du citoyen. La qualité de vie doit s’améliorer. La population doit avoir accès à l’eau, à l’électricité, aux soins de santé primaire, à l’éducation. Les emplois doivent être créés.

La paupérisation de la population

Actuellement, la majorité des citoyens, hommes, femmes et enfants ne mangent pas à leur faim. Ils souffrent de maladies endémiques, ils n’ont pas accès ni à l’eau potable ni à l’éducation. Ils logent dans des taudis si pas dans des camps de déplacés ou dans la rue. Le dénuement extrême de la population n’est pas imputable uniquement aux conflits armés, à la mauvaise gouvernance, au déficit de démocratie et à l’absence d’un Etat de droit. D’autres raisons expliquent cette pauvreté. Il y a l’insuffisance des dépenses publiques. Au cours de la première revue, en octobre 2021, de la Facilité élargie de crédit, l’équipe du FMI signalait que « Renforcer la mobilisation des recettes reste un objectif clé qui doit être soutenu par des progrès continus dans les réformes fiscales, y compris la modernisation et la numérisation de l’administration fiscale, l’amélioration du respect des obligations fiscales, le rétablissement du bon fonctionnement du système de TVA, la mise en œuvre du système de traçabilité des droits d’accise et la rationalisation des dépenses fiscales et des charges non fiscales. Les autorités se sont également engagées à améliorer la gestion des finances publiques pour limiter les dépenses non prioritaires, notamment en respectant la chaîne des dépenses, en contrôlant la masse salariale et en limitant les coûts budgétaires liés à la tarification des carburants. » Le fardeau de la dette, l’accès insuffisant aux marchés des pays développés ainsi que l’inefficacité de l’aide publique au développement sont d’autres facteurs qui handicapent une croissance économique inclusive. Pour faire face à la pauvreté et à la pandémie de COVID-19, le Congo a bénéficié depuis 2020 des aides du FMI, de la Banque mondiale, de la BAD, des pays de l’Union européenne, des Emirats arabes unis, des Etats-Unis d’Amérique etc. L’aide extérieure n’est pas une panacée. Les aides font souvent l’objet d’une affectation sectorielle et thématique des fonds. Cette pratique se traduit par un conflit de priorités entre les pays donateurs et les pays bénéficiaires. Elle ne permet pas non plus d’affecter librement des ressources vers des projets importants pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté. La capacité d’absorption des aides est aussi souvent faible. A titre d’exemple, lors de la revue des programmes de la Banque mondiale, en 2008, il est apparu que sur le portefeuille des projets en cours qui s’élevait à 2,2 milliards de dollars, seuls 1,1 milliard avaient été décaissé. Un projet comme celui de l’électricité en Afrique australe de 186 millions de dollars qui avait été approuvé en novembre 2003 et signé en 2004 n’avait qu’un niveau d’exécution de 5%. Concernant les projets de la Banque mondiale qui sont faiblement exécutés, il faut savoir que contrairement aux bailleurs de fonds bilatéraux qui exécutent directement les projets, ceux de la Banque mondiale le sont via le gouvernement. Tout doit donc être fait pour que les projets se réalisent dans les délais. La capacité institutionnelle du Congo étant faible, cela se traduit par une fragmentation élevée de l’aide publique au développement et par l’accroissement des frais de transaction ainsi que des charges administratives. Il faut aussi déplorer l’existence de plusieurs unités parallèles de gestion de ces projets. A noter que  l’aide alimentaire freine parfois le développement agricole dans les pays assistés quand elle entre en concurrence avec la production locale. Elle transforme les habitudes alimentaires quand par exemple le blé provenant des aides alimentaires, utilisé dans la fabrication du pain,  remplace  le maïs et le manioc produits localement et accroit les besoins d’importation. Dès lors la balance des paiements est sujette à des pressions quand l’aide alimentaire est suspendue. Enfin, une aide prolongée contribue à la création d’une mentalité d’assisté et au manque de confiance du peuple en soi. L’idéal est d’arriver rapidement à se prendre en charge, à repenser la stratégie de développement, à mettre en œuvre des politiques afin de subvenir aux besoins du peuple et à réduire la dépendance économique.

Répondre aux besoins fondamentaux de la population

L’aide extérieure ne peut pas contribuer au développement du pays en l’absence de réformes macro-économiques profondes et d’une bonne gouvernance. Il faut des entreprises locales performantes qui sauront profiter des facilités commerciales et douanières offertes par certains pays développés. Il faut aussi disposer des infrastructures performantes et faciliter les investissements dans les ressources humaines. Depuis l’indépendance du Congo en 1960, tout a été détruit. Les barrières administratives sont très importantes. Le pays n’est pas à reconstruire mais à bâtir. Il faut recommencer comme si rien n’a été fait avant. Sans une armée républicaine, les institutions sont en danger. Pour la protection du citoyen, il faut une police compétente et disciplinée. Une bonne administration publique est hautement nécessaire. Celle-ci doit être compétente et intègre. Elle ne doit pas chercher à se faire rémunérer tout acte administratif mais à être au service du public. La corruption doit être extirpée. L’indépendance de la magistrature est indispensable pour la sécurité juridique et pour attirer les investisseurs. Il faut donc l’indépendance du magistrat et de l’institution vis-à-vis de l’Exécutif et du pouvoir législatif. Il existe actuellement une volonté de la part du Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, de développer le pays. Lors de son allocution, le lundi 13 décembre 2021,  devant les deux chambres du Parlement réunies, il a annoncé la mise en œuvre, en 2022, de plusieurs projets dans les infrastructures de transport, de l’eau et de l’énergie. Il a dans la foulée annoncé le lancement du programme de 450 millions de dollars de développement du pays à la base, à travers ses 145 territoires. Ce programme prévoit l’accès des communautés rurales à l’électricité par la construction de minicentrales solaires.  Un autre point important est la fourniture de l’eau potable par la construction de forages et l’aménagement des sources d’eau. Il s’agira aussi de reconstruire les routes en terre en introduisant le « cantonage » manuel, de développer l’agriculture tout en restaurant l’autorité de l’Etat et en introduisant une justice distributive. Le support du développement demeurant la santé et l’éducation, le projet prévoit la réhabilitation des zones de santé et l’équipement des écoles. Il faudra aussi  rendre obligatoire l’éducation primaire dans la réalité et introduire des bourses d’études.  L’exécution efficace de tous ces projets permettra de répondre aux besoins fondamentaux du peuple congolais. Le pays est potentiellement riche, immense et sous-administré.  Il faut non seulement des moyens mais surtout des hommes pour exécuter ces projets. Or, l’élément humain a souvent été déficient en s’illustrant par des surfacturations des contrats et par des détournements des deniers publics. Il faudra trouver des solutions durables à ces déficiences.

Gaston Mutamba Lukusa

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