Déclaration du Président national de l’ASADHO au dialogue interactif sur la situation des droits de l’Homme en RD Congo

Monsieur le Président,

Jean-Claude Katende

Mesdames et messieurs membres du Conseil des Droits de l’Homme,

Au nom de l’Association Africaine de défense des Droits de
l’Homme, ASADHO en sigle, nous tenons à vous remercier pour nous avoir invité à cette 42ème session de votre institution.

Monsieur le Président,

Qu’il nous soit permis de rappeler que la République Démocratique du Congo, pays dont je suis ressortissant, a passé des moments extrêmement difficiles en matière de respect, de protection et de promotion des droits de l’Homme sous l’ancien régime.

Aujourd’hui, avec l’avènement au pouvoir du président Félix Tshisekedi, une petite fenêtre d’espoir s’est ouverte pour la consolidation de la démocratie et des droits de l’Homme.

Cette petite fenêtre d’espoir est marquée par sa ferme volonté de promouvoir l’Etat de droit, d’une part, et par les actes significatifs qu’il a posés quelques temps après son investiture, d’autre part. Il s’agit notamment de l’ouverture de l’espace civique, la libération d’un nombre important de prisonniers politiques et la fermeture des lieux clandestins de détention.

Il y a lieu de souligner que cette ouverture reste encore très fragile dans la mesure où plusieurs manifestations pacifiques organisées par les organisations sociales (Médecins), organisations des droits de l’Homme (ASADHO, Fondation Bill Clinton pour la paix) ou les mouvements citoyens ont été soit empêchées soit réprimées brutalement par les agents de l’ordre. Plusieurs attaques ou menaces contre les défenseurs des droits de l’Homme ou autres acteurs de la société civile sont aussi signalées.

Les arrestations arbitraires accompagnées des actes de torture sont toujours commises par les policiers, surtout à l’égard des jeunes des mouvements citoyens.

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs membres du Conseil,

Dans les provinces en conflit armé comme le Nord-Kivu, la situation des droits de l’Homme ne s’est toujours pas améliorée. Cette situation a été aggravée par l’épidémie d’Ebola et les attaques contre les structures mises en place pour lutter contre cette maladie et prendre en charge les personnes affectées.

Si la démobilisation spontanée de certains groupes armés ou de quelques rebelles peut être considéré comme un signe positif, il est important qu’un programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration soit mis en place pour les prendre en charge, sinon il y a risque de les voir reprendre les armes contre les populations civiles.

Nous restons toujours inquiets au sujet des conflits
inter-communautaires qui continuent dans certaines provinces notamment en Ituri où les atteintes aux droits de l’Homme sont toujours fréquentes.

La lutte contre l’impunité est un autre chantier où les progrès sont loin de nous satisfaire. C’est vrai qu’il y a des efforts de sanctionner quelques militaires, policiers et membres de groupes armés.

Cependant, nous restons préoccupés du fait que les hauts gradés militaires et de la police impliqués dans la violation des droits de l’Homme ne sont toujours pas poursuivis et sanctionnés.

Il est utile de noter aussi que certains dossiers des violations des droits de l’Homme qui attendaient l’ouverture des enquêtes ou des poursuites judiciaires de la part des autorités sont restés sans suite à ce jour. Il s’agit notamment de dossiers suivants:

  • Les assassinats pénétrés par les militaires et les policiers du 19 au 20 septembre 2016, lors des manifestations organisées par les partis politiques de l’opposition et les acteurs de la société civile pour réclamer la convocation du corps électoral par la Commission Electorale Nationale Indépendante;
  • La commission mixte chargée d’enquêter sur les assassinats survenus lors des manifestations organisées entre décembre 2017 et janvier 2018 par le Comité Laïc de Coordination a déjà remis son rapport au ministre de la Justice pour que les enquêtes judiciaires soient organisées, mais rien n’a été fait à ce jour…
  • Les personnalités de l’ancien régime qui ont été sanctionnées par l’Union Européenne ou les Etats Unis pour implication dans la violation des droits de l’Homme, corruption, détournement des fonds publics, entraves au processus électoral n’ont jamais fait l’objet des poursuites judiciaires au niveau national.

Il est aussi important que le Conseil des Droits de l’Homme garde une oreille attentive en rapport avec le processus de réconciliation nationale qui tient au cœur de nouvelles autorités du pays. Pour nous, il n’est pas question que ledit processus puisse aboutir à une impunité totale pour les auteurs des violations des droits de l’Homme et des crimes économiques que le pays a connus les 18 dernières années.

Les victimes ont besoin que leur voix soit entendue dans ce processus.

Monsieur le Président,

Pour terminer notre intervention, nous pensons que pour consolider les signaux favorables aux droits de l’Homme qui ont été lancés par le Président de la République, la mise en œuvre des recommandations ci-dessous par le gouvernement Congolais est urgente:

  • Les interdictions fantaisistes des manifestations pacifiques des organisations sociales et des droits de l’Homme soient levées sur l’ensemble du pays;
  • Les hauts gardés militaires ou de la police impliqués dans la violation des droits de l’Homme qui ont été nommés aux fonctions de commandement fassent l’objet des poursuites judiciaires;
  • Les activités des groupes armés qui violent au quotidien les droits des paisibles citoyens fassent l’objet d’une attention particulière de la part du Gouvernement et des Nations Unies;
  • Les enquêtes judiciaires soient ouvertes à l’égard de tous les auteurs de la répression sauvage des manifestations pacifiques.

Nous sollicitons l’accompagnement du Conseil des Droits de l’Homme pour que la République Démocratique du Congo mette en œuvre les recommandations ci-dessus.
Nous vous remercions pour votre attention.

 

Pour l’ASADHO
Me Jean Claude Katende
Président National

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