Elections: Okitundu donne de fausses assurances aux Occidentaux

Recevant une délégation mixte composée notamment du représentant de l’Union Européenne et du chargé d’affaires des Etats-Unis d’Amérique à Kinshasa, le ministre congolais des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, « a rassuré » ses interlocuteurs de la volonté de « Joseph Kabila » de respecter le calendrier électoral publié par la CENI (Commission électorale nationale indépendante). L’élection présidentielle, les législatives et les provinciales sont fixées au 23 décembre 2018. Depuis 2013, « Kabila » n’a cessé de multiplier des ruses pour entraver l’alternance démocratique.

Le ministre Léonard She Okitundu a fait part à cette délégation, conduite par le Belge Bart Ouvry, de la « volonté du gouvernement » congolais de « respecter » le calendrier électoral publié par la CENI. On peut gager que les diplomates présents ont dû étouffer des éclats de rire.

Okitundu semblait ignorer qu’il avait en face de lui des observateurs avertis. Des hommes et des femmes qui savent que l’exécutif national congolais n’a rien à dire. Il ne détient que l’apparence du pouvoir. L’effectivité de l’impérium, elle, étant exercée par « Joseph Kabila ».

Le dépôt de la loi électorale au bureau de l’Assemblée nationale a donné au chef de la diplomatie congolaise un semblant d’argument à l’appui de sa thèse. Selon lui, l’accomplissement de cette formalité traduit « l’engagement du gouvernement » à aller « aux élections ». « Et ce en dépit des contraintes soulevées par la CENI », a-t-il souligné.

Dans un récent communiqué commun, les chefs des missions diplomatiques de l’UE, des Etats-Unis, du Canada et de la Confédération suisse n’avaient pas manqué de stigmatiser les restrictions imposées par le pouvoir kabiliste en matière de liberté de manifester. C’était lors de la « marche pacifique » initiée le 15 novembre dernier par le mouvement citoyen « Lucha ».

L’INANITION DE L’ETAT

L’ancien opposant Okitundu qui reprochait – à juste titre d’ailleurs – au régime de Mobutu Sese Seko de violer les droits et libertés justifie désormais l’injustifiable. Pour lui, « la manifestation publique doit être encadrée pour éviter d’éventuels débordements ». Questions: la liberté n’implique-t-elle pas la responsabilité? Comment pourrait-on espérer des élections libres et équitables de la part d’un « Joseph Kabila » qui affiche son allergie à toute concurrence pacifique?

A l’issue de cette entrevue, le représentant de l’UE, Bart Ouvry, a exprimé l’espoir de revoir, sous peu, le chef de la diplomatie congolaise afin de reprendre « le dialogue pour une solution politique à la situation actuelle ».

On apprenait que le Rassemblement est en plein séminaire. L’objectif serait d’affiner l’idée d’une « transition sans Kabila ». « Le président Kabila ne cédera le pouvoir qu’à un Président élu », rétorquent les kabilistes.

Lors de son discours prononcé, le 23 septembre dernier, à la 72ème Assemblée générale des Nations Unies, « Joseph Kabila » avait déjà étalé une certaine mauvaise foi en affirmant à la face du monde que les consultations politiques à venir étaient handicapées par quatre « défis énormes » au plan logistique, financier, sécuritaire et normatif. C’est à croire que les citoyens congolais doivent parcourir une course aux obstacles avant d’atteindre les urnes.

Lors de l’élection présidentielle de 2006 et 2011, la centrale électorale n’était-elle pas confrontée aux mêmes « contraintes »? Pourquoi celles-ci sont devenues, comme par enchantement, des « défis énormes » juste au moment où le Président en exercice est frappé d’inéligibilité?

Les prétendues « assurances » données par « She » aux diplomates occidentaux venus le rencontrer ne pourront guère faire oublier certaines déclarations prémonitoires émanant de « Kabila » et de ses oligarques.

Au commencement était l’ouvrage « Entre la révision de la constitution et l’inanition de l’Etat », publié en juin 2013 par le constitutionnaliste Evariste Boshab, chez Larcier. La thèse défendue par ce professeur de droit public – qui était à l’époque secrétaire général du parti dominant PPRD – se résume en quatre mots: « Toute Constitution est révisable ». Le message était clair: « Joseph Kabila » tient à faire sauter le « verrou constitutionnel » contenu dans l’article 220 pour briguer un troisième mandat.

Les Congolais ont encore frais en mémoire cette déclaration faite, en mondovision, sur TV5 Monde, par le ministre de la Communication Lambert Mende. C’était le 8 mars 2014: « Joseph Kabila respectera strictement ce qui est écrit dans la Constitution. Il n’y a pas plus de deux mandats consécutifs? Il n’y aura pas plus de deux mandats consécutifs ». Et d’ajouter: « Je vais vous répéter ce que le Président nous a dit: En 2016, il y aura dans ce pays un passage de flambeau civilisé entre un président qui sort et un président qui entre ».

Le second mandat du Président sortant a expiré depuis le 19 décembre 2016. Mende n’est pas revenu pour expliquer à l’opinion tant nationale qu’internationale pourquoi le scrutin présidentiel n’a pas été convoqué 90 jours avant l’expiration de cette date. De même, pourquoi la CENI qui est une institution permanente a attendu le 31 juillet 2016 pour démarrer l’enrôlement des électeurs.

« FAUSSES ASSURANCES »

Que dire des propos tenus par « Kabila » dans une interview accordée en juin dernier au magazine allemand « Der Spiegel » selon lesquels il n’avait jamais promis d’organiser les élections au cours de l’année 2017? Qui l’a entendu « promettre » des consultations politiques en décembre 2018?

On ne le dira jamais assez que « Joseph Kabila » et sa fratrie considèrent l’ex-Zaïre comme un « butin de guerre ». Il semble que c’est « héritage » qui leur aurait été légué par leur « père », le Mzee qui, selon Zoé « Kabila », « a versé son sang pour ce pays ».

Dans un entretien avec l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » daté du 14 août 2016, « Monsieur frère… » de brandir le très controversé Arrêt de la Cour Constitutionnelle du 11 mai 2016 lequel « autorise » « Joseph Kabila » « à demeurer en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».

Un analyste politique joint à Kinshasa parait dubitatif: « A l’instar de Lambert Mende sur TV5 Monde, le ministre Okitundu ne croit pas en ce qu’il a dit. Il a donné de fausses assurances à ces diplomates occidentaux. Personne ne sait ce qui se passe dans la tête du président sortant Joseph Kabila qui tente de préserver non seulement ses intérêts mais aussi ceux de ses mentors ougandais et rwandais. Une chose paraît sûre: le 23 décembre 2018, il n’y aura pas d’élection présidentielle. Sauf si la communauté internationale parvenait à prendre en main l’organisation matérielle des scrutins comme en 2006. Une hypothèse improbable… »

 

B.A.W
© Congoindépendant 2003-2017

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