Insécurité à l’Est: le « Groupe Epiphanie » accuse le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda

A l’occasion de la commémoration du 28ème anniversaire de la « Marche des chrétiens » du 16 février 1992, des prêtres congolais (Jean-Pierre Badidike, Alphonse Kaninda, Jean-Pierre Mbelu, Jean-Robert Mifuku, Joseph Muaka et Gilbert Yamba), regroupés au sein de l’association « Groupe Epiphanie » ont organisé, dimanche 16 février, un « temps de prière, de témoignage et de réflexion » sur la « situation préoccupante » qui prévaut depuis près de trois décennies dans la partie orientale du Congo-Kinshasa. Les intervenants n’ont pas hésité de dénoncer la « complicité » du Burundi, de l’Ouganda et du Rwanda. L’église du Bon Pasteur, située dans la commune bruxelloise de Molenbeek-Saint-Jean, a servi de cadre à cette rencontre.

Les Congolais de la diaspora n’étaient pas venus nombreux à cette célébration. Les Belges communément appelés les « amis du Congo » étaient simplement absents. Une intervenante a, d’ailleurs, fait remarquer que le communiqué annonçant cette réunion n’a pas fait l’objet d’une longue diffusion. Pour elle, le motif de cette faible mobilisation est patent. 

Modeste Bahati Lukwebo

A la première rangée, on notait, néanmoins, la présence de l’ancien vice-Premier ministre Modeste Bahati Lukwebo, candidat malheureux au poste de président du Sénat,  et de l’ancien vice-ministre (gouvernement Kengo) Omer Ntumba Shabani. Pendant ce temps, la chorale tenait l’assistance en haleine à travers des chants religieux dans les quatre langues nationales.

Dans une brève homélie, Abbé Jean-Pierre Badidike a commencé par comparer la situation antérieure de notre pays aux souffrances endurées jadis par le peuple juif captif en Egypte. « Jamais plus jamais, nous ne retournerons en Egypte où il y avait l’esclavage et l’oppression », martela-t-il. Et d’ajouter: « Quoi qu’il advienne, nous ne retournerons plus en Egypte. Nous devons aller vers la terre où règne la justice, la liberté et la vérité ».

« LE CHEMIN DE LA LIBÉRATION »

Par « Egypte », l’orateur désigne en termes imagés, tous les régimes despotiques successifs qui ont eu à régenter les affaires du pays. Des régimes qui se sont illustrés par des graves violations des droits et libertés.

Pour lui, « le chemin de la libération » sera sans doute long. N’empêche. « Le mal doit être combattu d’où qu’il vienne ». Il a exhorté l’assistance à bannir toute forme de « naïveté » et de « fanatisme » aveugle dans cette marche.

Revenant sur la signification de la date du « 16 février », Jean-Pierre Badidike a rappelé que cette date est devenue un moment privilégié pour célébrer non seulement les victimes de la répression de la marche des chrétiens organisée pour exiger la réouverture de la Conférence nationale souveraine mais aussi « tous ceux qui sont morts pour le pays ».

Il a rappelé également que depuis le 24 novembre 1965 [Date de la prise du pouvoir par le général Mobutu] à ce jour, des filles et fils du pays ont payé de leur vie pour faire triompher la justice, la liberté et la vérité. Il s’est gardé d’énumérer les noms de tous ces « martyrs ». La liste est tellement longue.

Leticia Kalimbiriro

LA COMPLICITÉ DES PAYS VOISINS

Au moment où des voix s’élèvent pour dénoncer la « balkanisation » rampante du pays, Abbé Badidike n’a pas caché un certain scepticisme sur ce phénomène. « Ce n’est pas le cas à l’Est ». Pour lui, il faut plutôt craindre que la « communauté internationale » s’implique pour faire organiser un semblant de référendum d’autodétermination dans certaines parties du pays où d’aucuns crient au risque de « génocide ». Il n’a pas exclu que certains pays voisins aient des « visées » sur les régions congolaises regorgeant des « minerais stratégiques ». L’objectif serait, selon lui, de faire détacher ces dernières du Congo.

Native du Sud-Kivu, la Bruxelloise Leticia Kalimbiriro a fait un témoignage au retour d’un séjour au Nord-Kivu. « La population du Nord-Kivu en général et de Beni en particulier vit un vrai calvaire », dit-elle. Selon elle, les fameux rebelles ougandais dits « ADF » attaquent la population impunément « au vu et au su de tous ». « Les Chinois sont occupés à exploiter les minerais. Les fonctionnaires de la Monusco, eux, passent des jours tranquilles comme si de rien n’était ».

Pour « Leticia », la tragédie qui se déroule à l’Est du pays a lieu « avec la complicité du Burundi, de l’Ouganda et du Rwanda ». Pour elle, les Congolais ne doivent plus se taire. « Nous devons dénoncer cette situation en nous engageant dans un combat pour la paix et la justice et obtenir la condamnation de ces pays ». Et de proposer qu’on examine des mécanismes afin d’engager des poursuites à l’encontre de ceux qui « pillent » et « violent »

Abbé Joseph Muaka a, pour sa part, invité l’assistance à « être des personnes de convictions » pouvant servir de « modèles de référence » pour la lutte. « L’heure est venu de nous demande ce que chacun pourrait faire pour le pays », a-t-il souligné.

Pour la petite histoire, Modeste Bahati Lukwebo faisait partie du « Comité laïc » qui avait organisé la marche initiale des chrétiens du 16 février 1992. « Nous avons créé le Comité laïc avec Tharcisse Loseke, Bwana Kabue, Dr Numbi et Abbé José Mpundu », confie Bahati avant d’ajouter: « Les autres nous ont rejoint ».

RESTAURER L’AUTORITÉ ET LES SYMBOLES DE L’ETAT

S’agissant de l’insécurité qui règne à l’Est du pays, l’ancien « vice-Premier » n’a pas hésité à pointer, à son tour, un doigt accusateur en direction de l’Ouganda et du Rwanda. Pour lui, ces pays ont engagé le pari de « déstabiliser » la partie orientale de notre pays afin d’empêcher celui-ci de les déstabiliser. « Ils veulent faire main basse sur nos richesses à travers des groupes armés ».

Que faire? Pour Bahati, « les autorités nationales doivent rétablir l’autorité de l’Etat par une présence réelle des symboles de la puissance publique ». Il pense notamment à la police, l’armée, la justice.  Il ajoute aussitôt: « Les services de l’ordre ne suffisent pas. Il faut s’occuper du social pour éradiquer le chômage ».

Il importe d’ouvrir la parenthèse ici pour rappeler l’homélie inoubliable prononcée le 27 juin 2011 par Père Karl d’heureuse mémoire. Un Belge de souche. C’était à l’occasion d’une célébration organisée par le « Groupe Epiphanie ». Connaissant la « foi chrétienne » qui anime les Congolais dans leur grande majorité, ce prête dira ces quelques mots: « Nous devons arrêter de claironner constamment que Dieu pourvoira. Nzambe akosala. Nous devons d’abord agir et de ne solliciter l’intervention divine qu’après avoir accompli ce qui est humainement possible ». Pour lui, « le changement doit commencer en chaque Congolais ». Fermons la parenthèse.

Dans l’invitation envoyée par le « Groupe Épiphanie », on peut lire notamment: « Il est plus que temps d’exprimer notre indignation devant l’insécurité persistante à l’Est de notre pays, et notre ferme refus à l’extermination de nos populations. Le Congo est et restera uni et solidaire ».

 

Baudouin Amba Wetshi

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