JC Katende: « Pascal Mukuna a été interrogé par un magistrat totalement partial »

Près de quarante-heures après le mandat d’arrêt provisoire délivré à Pascal Mukuna, animateur de « l’Eveil patriotique », des critiques fusent à l’endroit du magistrat-instructeur en l’occurrence l’avocat général (AG) Samy Bunduki Baombolia. « Ce magistrat est instrumentalisé par le FCC », assurent des observateurs qui ont « squatté », mercredi 13 mai, le parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe. Il est reproché, à tort ou à raison, à l’AG Bunduki d’avoir fait preuve de « partialité » en instruisant l’affaire Mukuna versus Mamie Tshibola « uniquement à charge ». Excédé par ce qu’il considère comme des injustices, le pasteur Mukuna aurait récusé, jeudi, ce magistrat par « suspicion légitime ». Selon des témoins qui se trouvaient, mercredi, aux alentours du Palais de justice, le FCC/PPRD avait mobilisé certains des militants. Ceux-ci se seraient bruyamment réjouis en apprenant que Mukuna allait être détenu. Pour en savoir un peu plus, notre journal a joint, jeudi soir, l’avocat Jean-Claude Katende, président de l’Asadho (Association africaine de défense des droits de l’homme) et vice-président du mouvement « Eveil patriotique ». Interview.

On imagine que l’arrestation de monsieur Pascal Mukuna doit être une grande déception pour vous…

Oui et non! Oui, parce que les lois de la République n’ont pas été respectées. Le magistrat chargé de l’interroger s’est montré totalement partial, donnant l’impression qu’il avait un penchant pour la plaignante. Ce magistrat n’avait aucune raison pour placer l’évêque Mukuna sous mandat d’arrêt provisoire. Dans le dossier, il n’y avait aucun indice sérieux de culpabilité en fonction duquel il pouvait se décider de le placer en détention. Par contre, il a trouvé des raisons non-fondées. Première raison: se basant sur les déclarations de cette femme selon lesquelles elle connaissait les marques qui sont sur le corps de l’évêque Mukuna, le magistrat a estimé qu’il fallait recourir à un médecin pour examiner le corps du Pasteur afin de confirmer ou infirmer les dires de la plaignante. Vous pouvez convenir avec moi qu’il s’agit d’une « expertise à venir ». C’est une expertise qui ne peut en aucun cas constituer un indice de culpabilité en fonction duquel on peut mettre un justiciable sous mandat d’arrêt provisoire. Deuxième raison: le magistrat a estimé qu’ayant d’autres personnes à entendre dans cette affaire, il devait se garantir de la présence du pasteur Mukuna. Ceci n’est pas non plus une raison pour le placer sous mandat d’arrêt provisoire.

A vous entendre parler, on est tenté de dire que les lois n’ont pas été rigoureusement appliquées…

Absolument! Les lois de la République ont été violées à tout point de vue. Pour nous, c’est une surprise. Non, ce n’est pas une déception pour nous parce que nous savions que la dénonciation faite par évêque Pascal Mukuna allait faire très mal à Monsieur Kabila et aux gens du FCC. Nous savions qu’ils allaient réagir d’une manière ou d’une autre. Cette dame a été instrumentalisée pour atteindre ce but avec pour finalité de faire taire « l’Eveil patriotique » ce qu’ils n’ont pas pu faire. A l’appui de mes propos, je vous recommande d’aller sur le compte Twitter de Monsieur {Barnabé} Kikaya bin Karubi, vous verrez un twitt dans lequel il traite l’évêque Mukuna de « petite grenouille » qui ne peut rien faire. Il ajoute qu' »ils vont le châtier très fort ». Et que le fait de l’envoyer à Makala est tout simplement une étape. Nous avons là les aveux que cette femme a été instrumentalisée par des gens du FCC. Ils ne s’en cachent plus.

Devrait-on conclure que, mercredi 13 mai, le magistrat Bunduki a instruit plus « l’affaire Mukuna versus FCC » que « l’affaire Mukuna/Mamie Tshibola »?

C’était le procès Mukuna contre Mamie Tshibola et le FCC.

Que répondez-vous à ceux qui soutiennent que le FCC en est sorti « vainqueur »?

Nous ne pouvons pas dire qu’ils ont gagné. Pour gagner, ils devaient mener un combat loyal en s’affichant de manière claire. Que voit-on? Le FCC s’est caché derrière cette pauvre dame manipulée pour atteindre l’évêque Mukuna. Pour nous, hier, c’est nous qui avons gagné parce que l’injustice a été mise à nu. Pour nous, hier, c’est nous qui avons gagné parce que nous avons découvert que le magistrat ne jouait plus son rôle qui consiste à instruire à charge et à décharge. Il avait une ligne de conduite qui lui avait été dictée au point qu’il a faussé les règles de la République pour atteindre l’objectif qui lui était fixé. C’est l’évêque Mukuna qui s’en sort victorieux parce que les lois de la République ont été violées pour l’envoyer en prison.

Que pensez-vous de ceux qui disent que la preuve a été faite, mercredi 13 mai, que le président Felix Tshisekedi ne détient que l’apparence du pouvoir, la réalité du pouvoir, elle, reste entre les mains de l’ex-président « Joseph Kabila » qui continue à instrumentaliser l’appareil judiciaire?

Il y a des indices qui démontrent que des magistrats répondent à des ordres qui viennent « d’ailleurs ». Le twitt de monsieur Kikaya bin Karubi exprime de manière assez claire ce que le FCC a fait pour que évêque Mukuna se retrouve en prison. En même temps que nous constatons qu’il y a des magistrats qui ne jouent pas leur rôle conformément aux lois de la République, il y a d’autres magistrats qui montrent leur indépendance et leur fermeté vis-à-vis des hommes politiques. Depuis qu’ils ont été nommés par le président Felix Tshisekedi, des hauts magistrats montrent qu’ils sont indépendants vis-à-vis du pouvoir politique. Mais les magistrats de grade inférieur n’ont encore compris la leçon que le pays est dans une mutation et qu’il faut faire attention. Nous n’allons pas nous arrêté là. Nous constatons que les choses ne marchent pas normalement. Il faut des cas comme celui de l’évêque Pascal Mukuna pour que les gens se rendent compte qu’il y a encore des choses à réformer dans ce pays.

D’aucuns disent que vous seriez-vous personnellement menacé…

J’ai déjà reçu plusieurs menaces. Après avoir passé dix-huit ans de combat pour les droits de l’homme sous le régime de Joseph Kabila, on finit par s’habituer. Nous ne serons pas surpris qu’un autre montage soit conçu pour nous faire taire. Nous nous sommes engagés en connaissance de cause. Notre pays souffre du fait que certains Congolais n’ont pas encore compris que ce pays appartient à tous les Congolais. Et qu’ils doivent le gérer quand ils sont au pouvoir dans l’intérêt de tous. Quoi qu’il arrive, l’Eveil patriotique ne va pas s’arrêter. Le fait de mettre l’évêque Mukuna en prison ne met pas l’Eveil patriotique en prison. Il suffit de passer devant les bureaux de l’évêque Mukuna pour voir des foules qui s’agglutinent. La preuve est faite que l’Eveil patriotique est un « état d’esprit ». Nous sommes prêts à subir n’importe quelle menace ou intimidation pourvu que les gens de ce pays comprennent que, même si vous n’avez pas assez de moyens, vous pouvez refuser la compromission et continuer à défendre les valeurs.

Que répondez-vous à ceux qui disent, après l’arrestation de Pascal Mukuna, que « Kabila » a toujours la haute main sur l’appareil judiciaire?

Si nous prenons le secteur de la justice, le Président de la République dispose d’une marge de manœuvre limitée du fait que c’est un autre Pouvoir dans lequel il ne peut pas intervenir pour demande qu’on arrête ou qu’on n’arrête pas tel. Cette situation lui permet de garder une certaine distance. Ce que nous demandons à la justice, ce n’est pas seulement qu’elle se comporte comme un Pouvoir à part entière mais qu’elle fonctionne conformément à la Constitution et aux lois du pays. Le cas de l’évêque Mukuna est une véritable flagrance qui doit être réparée dans le sens que le président Felix Tshisekedi doit pouvoir ramener cette justice à fonctionner normalement. Il va sans dire que le Président de la République a aussi le devoir de s’assurer que toutes les institutions fonctionnent conformément aux lois de la République. C’est pour cette raison que la Constitution lui impartit le rôle de garant du bon fonctionnement de toutes les institutions.

Pendant que Pascal Mukuna était auditionné par l’avocat général Samy Bunduki, les internautes ont vu, sur les réseaux sociaux, une dame se présentant comme étant « membre de la grande famille » de Mzee Kabila. Selon ses dires, elle est venue porter « plainte » contre le Mukuna pour qu’il leur dise qui a tué le Mzee…

Effectivement, nous avons visionné cette vidéo et nous nous en félicitons. Pour nous, cela démontre que ceux qui contre l’évêque Mukuna instrumentalisent n’importe quelle personne pour pouvoir le déstabiliser. Nous savons que cette « plainte » ne sera pas la dernière. Il y en aura d’autres. L’évêque Mukuna est un homme qui a été préparé. Il s’est toujours dit qu’il est prêt à tout. Ce qui fait mal aujourd’hui, ce que l’évêque Mukuna a osé faire courageusement ce que beaucoup des Congolais n’étaient pas capables de faire. Il a osé faire ce que des Congolais menaçaient de bout des lèvres. Il a pris le courage d’écrire une dénonciation contre l’ancien président Joseph Kabila et l’a apportée devant une institution judiciaire. Il a osé le faire. Ça fait mal. Les plaintes vont se multiplier contre lui. Mais il est prêt à se défendre.

La confrontation annoncée, jeudi 14 mai, entre Pascal Mukuna et Joseph Olenghankoy a-t-elle eu lieu?

La confrontation n’a pas eu lieu suite à une suspicion sur le magistrat. Et pour cause, évêque Mukuna a passé la nuit de mercredi au cachot du parquet près le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe. Le lendemain, très tôt le matin, le magistrat a décidé de l’envoyer directement en prison. Ce qui n’était pas convenu. C’est ainsi que l’évêque Mukuna a dit à ce magistrat qu’il ne comparaîtra plus devant lui. Et qu’il n’attendra plus que le dossier soit fixé devant le tribunal pour qu’il aille se défendre. C’est la somme des injustices qu’il a eu à subir qui a poussé Pascal Mukuna à récuser l’avocat général Samy Bunduki Baombolia.

Pouvez-vous confirmez l’information selon laquelle des individus agglutinés devant la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe auraient sablé du champagne à l’annonce du mandat d’arrêt provisoire délivré à Mukuna?

Je ne suis pas au courant de ce fait. Je sais, par contre, que les « forces politiques négatives au changement du pays » avaient envoyé quelques personnes manifester contre l’évêque Pascal Mukuna. Ils ont sablé du champagne pour une personne envoyée en prison en violation des lois de la République. Je pense qu’ils n’ont pas compris pourquoi la justice existe.

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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