« Kabila »-CPI: Le retour de la manivelle?

Le pouvoir kabiliste paraît sombrer dans la psychose du complot. Après les vociférations du ministre Lambert Mende Omalanga, jeudi 13 septembre, contre les « ingérences étrangères », le ministre des Affaires étrangères Léonard She Okitundu s’est fendu d’un « communiqué mise au point » qui enfonce le clou. Là où le bât blesse est que « She » s’appuie sur des prétendues « pressions » exercées sur des juges de la Cour pénale internationale en vue d’absoudre le leader du MLC dans l’affaire « Bemba II » dite « subornation de témoins ». On le sait, la sentence est attendue ce lundi 17 septembre à 15h00 à La Haye. « Joseph Kabila » qui exerce un pouvoir inconstitutionnel depuis le 19 décembre 2016 menace d’amorcer le retrait du Congo-Kinshasa du Statut de Rome.

A plus ou moins 100 jours de la date fixée pour les élections, le climat politique au Congo-Kinshasa prend le relief d’une bombe à retardement. Il ne manque plus qu’une étincelle. En cause, une certaine paranoïa qui semble s’emparer d’un « Joseph Kabila » traumatisé à l’idée de devoir céder le pouvoir, après le 23 décembre prochain, « à n’importe qui ». Et non au successeur de choix. « Nous ne sommes pas prêts à céder le pouvoir à n’importe qui », déclarait « Zoé » dans un entretien à Jeune Afrique.

Didier Reynders, ministre belge des Affaires étrangères

Après la désignation du « dauphin » Emmanuel Ramazani Shadary et l’invalidation des candidatures de certains « poids lourds » de l’opposition à l’élection présidentielle, le Président hors mandat se voyait à nouveau en « maître du jeu ». La visite du chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, à Brazzaville (Congo-Brazzaville) à Luanda (Angola) et à Pretoria (Afrique du Sud) a douché cet optimisme.

Ce lundi 17 septembre, l’oligarchie kabiliste aura les oreilles tendues vers La Haye. La Cour pénale internationale doit rendre son verdict sur l’affaire dite « subornation de témoins ». Une audience publique est prévue à 15 h00 (16h00 à Kinshasa). On le sait, ce dossier a servi d’alibi tant pour la CENI que la Cour constitutionnelle pour invalider la candidature du leader du MLC. Que va-t-il se passer au cas où Jean-Pierre Bemba et ses co-accusés seraient « blanchis »? Cette perspective a suivie manifestement avec frayeur.

FANTASMES

Dans son communiqué daté de samedi 15 septembre, on peut lire que le « gouvernement » congolais serait en possession des « indices concordants » qui lui permettent d’alléguer que « certains gouvernements exerceraient des pressions sur des juges » de cette juridiction internationale au sujet des « questions sous examen ». Traduction: des juges subiraient des pressions pour prononcer l’acquittement de Bemba dans le second dossier. Le « clan kabiliste » voudrait-il dire que les membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu  agiraient en sous-main en faveur du « chairman »?

La tribune publiée par l’ancien sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, Herman Cohen, à quelques jours de l’arrêt de la Chambre d’appel de la CPI acquittant Bemba a alimenté des fantasmes. Des observateurs croient dur comme fer qu’une « main occidentale » aurait tiré des ficelles en coulisses pour arracher l’acquittement de Bemba. L’affirmation est est loin d’être démontrée.

Rien d’étonnant que le chef de la diplomatie congolaise fasse état de « la propension à instrumentaliser cette juridiction internationale à des fins inavoués ». L’absolution éventuelle du leader du MLC est suivie avec une vive appréhension dans la « Kabilie ». Okitundu n’exclut pas qu’une telle décision puisse « avoir une incidence sur le processus électoral » en cours.

Pire, les critiques assassines articulées à l’encontre de la CPI par le conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump n’arrangent pas les choses. Dans une déclaration faite le 10 septembre, John Bolton a dit que les États-Unis pourraient prendre des sanctions contre non seulement les procureurs mais aussi les juges à la CPI s’ils osaient ouvrir des informations judiciaires sur les citoyens américains. Sans omettre Israël et d’autres alliés de Washington. Concluant son réquisitoire, Bolton a qualifié cette juridiction internationale « d’inefficace, irresponsable et dangereuse ». La procureure Bensouda devrait se sentir visée.

UN E-MAIL TROUBLANT

Dans un élan de fuite en avant, le « gouvernement » congolais ou plutôt « Joseph Kabila » prévient qu’il n’exclut pas de se retirer du Statut de Rome.

« Kabila » et Okitundu sont mal placés pour parler de « pressions » exercées sur les juges à la CPI. Ils ne sont pas non plus fondés pour s’indigner d’une prétendue « instrumentalisation » de cette juridiction internationale. Les deux hommes suspectent la terre entière de faire ce qu’ils n’avaient pas hésité de faire pour « éliminer » Bemba Gombo.

Léonard She Okitundu

Dieu seul sait le rôle occulte joué par « Joseph » pour inciter l’ex-rebelle François Bozizé, devenu chef de l’Etat de la RCA, a accéléré le dépôt de la plainte à la CPI contre l’ancien président centrafricain Ange Felix Patassé et ses co-accusés dont l’ancien vice-président congolais. Alors directeur de cabinet de « Kabila », Okitundu a effectué plusieurs missions à Bangui dès 2003. Successeur du procureur Moreno-Ocampo, la procureure Fatou Bensouda s’est rendu à plusieurs reprises à Kinshasa et à Lubumbashi.

Un e-mail daté du 21 avril 2006 met à nu l’implication du « raïs » dans les « déboires judiciaires » de Bemba. Le courriel était adressé au « dircab » à la Présidence Okitundu, avec copie pour l’ambassadeur congolais à Bangui d’alors, Mugaruka bin Mubibi. L’expéditeur s’appelle Abdoul Karim Meckassoua, alors ministre de la Communication. On peut y lire: « JPB CPI ». « Chers amis, écrit-il, je vous transmets les infos nécessaires à la très haute attention du PR. Merci de mettre 2 billets A/R à disposition sur AF, pour un départ le 22 avril de Bangui et retour le 24 avril via Douala pour A. Karim Meckassoua et Me Goungaye Wanfiyo Nganatoua. Je confirme le rendez-vous avec Antoine qui a mon contact de Paris (…). Mes respects au PR et merci pour votre diligence ».

Pour la petite histoire, les témoins à charge contre Bemba ont été rassemblés par la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme). Celle-ci était épaulée par la ligue centrafricaine des droits de l’Homme dirigée à l’époque par Me Nganatoua.

Lorsqu’on parcourt l’acte d’accusation transmis à la CPI, en avril 2005, par les autorités judiciaires centrafricaines, Bemba est présenté comme co-accusé. L’accusé principal étant Ange-Felix Patassé. Lors du procès, le Congolais était seul à se défendre sur des faits qui ont eu lieu dans un pays étranger où il n’y était pas. Où étaient passés les protagonistes centrafricains qui commandaient les troupes du MLC à Bangui? En 2010, le très controversé procureur Moreno-Ocampo décide d’innocenter Patassé sans l’avoir entendu.

DES CADAVRES DANS LES PLACARDS

On apprendra que sous l’égide du gouvernement français de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, Bozizé et Patassé ont dû fumer le calumet de la paix. Jean-Pierre Bemba Gombo semblait jouer le rôle de parfait bouc émissaire.

Lors d’une audience le 12 novembre 2014, Bensouda confie le sale boulot à son substitut d’origine congolaise. « Jean-Pierre Bemba doit être reconnu coupable pour la ‘barbarie’ de ses miliciens en République centrafricaine en 2002-2003 », vociférait Jean-Jacques Badibanga. C’est de lui qu’il s’agit. « Nous venons devant vous aujourd’hui pour demander que justice soit rendue, que l’accusé Jean-Pierre Bemba soit reconnu responsable et coupable des souffrances des victimes », ajoutait-il. Quelle farce!

L’ex-ministre de la Justice et procureur du dictateur gambien Yahya Jammeh et ses adjoints semblaient accomplir une « mission ». L’opinion congolaise s’interroge encore sur le bien-fondé de la visite de Bensouda à Kin quelques jours avant l’audience de la Chambre d’appel de la CPI du 8 juin. Était-ce pour « rassurer » l’autorité morale » du FCC sur la « condamnation irrévocable » de son « meilleur ennemi »?

Le coup de gueule de She Okitundu ressemble à un retour de la manivelle. La fin de la complicité entre « Kabila » et le bureau de la procureure. Une certitude: « Joseph Kabila » et ses oligarques vivent très mal l’éventualité de perdre le pouvoir d’Etat à l’issue des consultations politiques du 23 décembre prochain. Il y a trop de « cadavres » encombrants dans les placards…

 

B.A.W.

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