Kinshasa: le Palais du peuple transformé en forteresse

Le Parlement congolais fait sa rentrée ce vendredi 15 septembre dans une ambiance d’état de siège. Frappé d’inéligibilité après l’expiration le 19 décembre 2016 de son second et dernier mandat, « Joseph Kabila » est un obstacle à l’avènement de l’alternance démocratique. Echaudé par la contestation populaire qui a lieu depuis plusieurs jours à Lomé, au Togo – où l’opposition au président Faure Gnassingbé tente d’empêcher la tenue d’une session parlementaire -, « Joseph Kabila » a instruit ses « securocrates » de déployer un « dispositif spécial » de surveillance autour du Palais du peuple. « Les forces de l’ordre ont reçu instruction de ‘neutraliser’ quiconque osera manifester dans le périmètre du Palais du peuple… », assure une source sécuritaire à Kinshasa.

Dans une intervention faite jeudi 14 septembre sur la télévision d’Etat (RTNC), l’ex-opposant Jean-Pierre Lisanga Bonganga, promu ministre des Relations avec le Parlement, a rappelé que la session qui commence est consacrée au budget 2018. Il a ajouté que les Parlementaires vont procéder au vote des « lois essentielles ». Outre la loi des finances pour l’exercice 2018, il y a notamment: la loi organique sur le Conseil national du suivi de l’Accord (CNSA) et la très épineuse loi portant répartition des sièges.

Lors de la rentrée parlementaire de mars dernier, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, s’était réjoui de la signature de l’Accord du 31 décembre 2016 sous l’égide des évêques de la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo). Selon lui, cet Accord politique avait apporté au pays « l’apaisement des esprits à la veille de la date du 19 décembre 2016(…) ». Le Président de la Chambre haute s’était réjoui un peu trop tôt. Neuf mois après, le pays est loin de sortir de l’impasse. Bien au contraire. Chaque camp paraît occupé à affûter ses armes.

On ne le dira jamais assez que cette session parlementaire intervient dans une ambiance morose digne d’un pays qui se prépare à faire face à une tempête dévastatrice. A preuve, après Kitona et Kamina, « Joseph Kabila » a présidé lundi 11 septembre la clôture de formation de la 32ème brigade de la « force d’intervention rapide ». La cérémonie s’est déroulée au Centre d’instruction de Mura près de Likasi (Haut Katanga).

On apprenait mercredi 13 qu’un véhicule transportant des armes de guerre a été « intercepté » dans les rues de Lubumbashi. Une situation inimaginable dans une ville quadrillée quasiment 24h/24 par des éléments de la garde prétorienne de « Kabila ». Des observateurs n’excluent pas que les sbires de ce dernier aient voulu piéger les ex-alliés du « raïs » regroupés au sein du « G7 ». « Ce régime sans foi ni loi est devenu maître en ‘montage’ de ce genre », commente un Lushois.

RESTRICTIONS DE LA LIBERTE D’ALLER ET VENIR

On apprenait, par ailleurs, que la résidence du RassOpp Gabriel Kyungu wa Kumwanza à Lubumbashi est encerclée par des forces dites de sécurité. L’objectif du pouvoir est manifestement d’empêcher la tenue de toute réunion du Rassemblement dans le Haut Katanga. Ces restrictions portent une grave atteinte à la liberté d’aller et de venir des paisibles populations. C’est le cas notamment des élèves et autres écoliers.

Dans un communiqué publié, jeudi 14 septembre, sous la signature de Félix Tshisekedi Tshilombo, le Rassemblement de l’opposition (RassOpp) a balayé du revers de main les rumeurs faisant état de l’imminence d’un « troisième dialogue ».

Pour le président du RassOpp, après avoir « bloqué » le processus électoral et « sabordé » l’Accord de la Saint Sylvestre, « Joseph Kabila ne peut en aucune manière se prévaloir de la qualité de Président de la République ». Et de conclure que le processus prévu par cet accord « doit se poursuivre sans Joseph Kabila ».

Echaudé par la tentative de l’opposition togolaise à « marcher » sur le Parlement à Lomé, « Joseph Kabila » – qui évite tout vrai contact avec la population – redoute que l’exemple togolais fasse tâche d’huile à Kinshasa. En tous cas, pour les jusqu’au-boutistes de la « Kabilie », « Joseph » restera à la tête de l’Etat jusqu’à l’élection du nouveau Président élu. Lambert Mende l’a confié récemment à la presse kinoise. André Atundu n’a pas dit autre chose mercredi 13.

Malgré l’arrogance et le « déploiement de biceps », « Joseph Kabila » et sa fratrie vivent comme dans une citadelle assiégée. Les membres du premier cercle familial éviteraient désormais des virées nocturnes en boîte. Selon des sources, des membres de la « famille présidentielle » éprouveraient désormais des « difficultés » à obtenir des visas pour voyager dans l’espace Schengen. Si cette information était confirmée, ce serait un véritable tournant.

Vendredi 14 septembre, le Palais du peuple va ressembler à une forteresse. Il faut bien reconnaître que les rapports de force restent pour le moment à l’avantage du « Président sortant ». Hélas!

 

B.A.W.

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