La transition économique: la face cachée de la transition politique

Mwamba Tshibangu

Mwamba Tshibangu

Le climat incandescent de la politique au Congo ne permet pas de s’attarder, à l’heure actuelle, sur autre chose en dehors des enjeux électoraux et de la légitimité du pouvoir. Or, ces enjeux ne se limitent pas seulement aux acteurs politiques devant animer les institutions. Ils affectent principalement la population et les secteurs de la vie socioéconomique.

LE MUTISME DE KABILA

Le nœud de la crispation politique dérive du refus de Kabila de se prononcer clairement sur son sort face à l’élection présidentielle conformément aux prescrits de la constitution. Son mutisme sur ledit sujet contraste maladroitement avec l’affirmation de ses disciples qui clament à qui voudrait les entendre, qu’il n’y a pas d’autres candidats au sein du FCC que Kabila lui-même. Dans tous les cas, ce jeu de cache-cache trouvera son épilogue d’ici la fin du dépôt des candidatures qui est fixée du 25 juillet au 08 aout 2018. Au terme de cette échéance, les choses seront clarifiées. Dès lors, il y aurait deux voies possibles: ou l’on va vers l’apaisement politique ou alors, le pays entrera dans une zone de turbulence qui pourrait hypothéquer les élections programmées en ouvrant la brèche à un soulèvement populaire dont on ignore la portée.

Comme on peut bien l’observer, pour l’instant, on n’évoque nullement le programme des candidats. Il est complètement éludé par tout le monde même si, formellement, la campagne politique n’est pas encore lancée. En fait, dans l’imaginaire collectif, le plus important pour le moment, c’est le départ de Kabila qui est l’objet de toutes les hantises.

DE LA TRANSITION CITOYENNE A LA TRANSITION ECONOMIQUE

Dans la situation conjoncturelle actuelle où les politiciens ont ravagé, au vrai sens du mot, l’économie du pays en la soumettant à un régime de prédation, le changement tant souhaité ne viendra pas d’une alternance politique faite dans la précipitation. Elle ne dérivera pas non plus de la supercherie dont la CENI a déjà jeté les bases avec la machine à tricher et une multitude de doublons dans le fichier électoral. Ainsi, aller aux élections dans les conditions opaques et moins rassurantes pour tous, c’est vouloir perpétuer le mal qui a rongé et qui continue à ronger la société congolaise.

Dans la logique des choses, une transition citoyenne bien amorcée engendrera automatiquement une transition économique dont on a très peu parlé. La Transition citoyenne s’impose dans la mesure où elle devra d’abord s’atteler à remettre de l’ordre dans les affaires publiques. Elle devra également rebooster la confiance du peuple dans les institutions, ce qui aura pour effet de régénérer l’économie circulaire du pays. La Transition citoyenne est appelée à faire le nettoyage systémique en éradiquant les attitudes négatives de prédation et de corruption généralisée. La Transition économique devra jeter les bases d’un développement durable ayant pour fondement la justice redistributive. Cependant, elle ne va pas résoudre, comme par miracle, tous les problèmes. Néanmoins, elle cherchera d’endiguer la pauvreté endémique qui frappe le peuple congolais en relançant l’économie du pays sur des bases nouvelles. S’il faut croire aux projections faites par le professeur Jean Bele, la transition économique améliorera le pouvoir d’achat de la population en éloignant de la « mangeoire nationale » tous les dirigeants politiques actuels. L’économie de l’ordre de 500 milliards de Francs congolais déduite des salaires qui leurs seront amputés, aura une incidence notable sur le salaire des fonctionnaires et agents de l’Etat. En plus de ces revenus dérivant des salaires et prébendes donnés aux caciques du pouvoir, les recettes estimées à 15 milliards de dollars américains, par Luzolo Bambi, conseiller spécial en matière de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, qui échappent actuellement à la fiscalité du pays chaque année, seront récupérées par le trésor public. Une partie de cet argent, sans compter les recettes d’impôts et des arriérés d’impôts, pourrait être affectée au budget de l’Etat qui est pour le moment dérisoire et non opérationnel pour un grand pays comme le Congo. Ce faisant, l’Etat pourrait disposer de suffisamment d’argent pour financer les élections à venir sans recourir à l’aide multilatérale. Cela se fera en vertu des moyens réels dont disposera le pays et non en guise de chantage, en évoquant la non-ingérence interne, afin de ne pas permettre à ceux qui auront éventuellement financé les élections de dire un mot sur la gouvernance du pays.

LE CHANGEMENT, A PORTEE DES MAINS

Face à la dérive institutionnelle et aux mauvaises habitudes enracinées dans le système, le pays a tout intérêt à aller d’abord vers une transition citoyenne. C’est pourquoi, tout le monde, politiciens et simples citoyens, devrait s’accorder sur cet impératif. Car, le système actuel est pourri de la tête jusqu’aux racines. Il faudra une nouvelle classe politique qui devra avoir en tête un modèle, une ligne de conduite à suivre avant de se lancer dans sa propre gouvernance. Le changement ne pourrait advenir qu’avec l’implication de tout le monde. En ce moment particulier de l’histoire de la RDC, les gens ont besoin de voir que l’on peut administrer le pays autrement. Si les Administrateurs réussissent en peu de mois à apporter un réel changement dans le vécu quotidien des citoyens et des citoyennes, les prochains dirigeants auront l’obligation de suivre le chemin qui sera préalablement tracé. La mise en place de la Transition citoyenne apparait de toute évidence comme la voie à travers laquelle le pays trouvera le salut d’une nation forte et prospère au cœur de l’Afrique.

 

Par Mwamba Tshibangu

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