« L’article 64 », un « schéma putschiste »?

« Il faut être vrai, car il n’y a de force que dans la vérité », disait un éminent journaliste français.

Trois quotidiens kinois réputés pour leur « kabilâtrie » – ce qui est leur droit – étaient mardi 3 octobre au centre de toutes les conversations. En cause, la publication d’un article au contenu spéculatif sur le déplacement des évêques de la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) en Europe.

A en croire ces trois confrères qui se reconnaitront, les prélats catholiques seraient venus en Occident pour préparer un « schéma putschiste ».

Après lecture, il apparaît que le texte repris dans les trois journaux émane d’un même auteur. A preuve, cette conclusion: « J’appelle les Congolais à ne pas adhérer à cette voie qui nous conduirait à la violence et à la balkanisation de notre pays ». On croit rêver!

En guise de « preuves », l’auteur de ce « papier » pour le moins délirant cite d’une part des « rencontres » que les évêques auraient eu durant leur périple avec ce qu’il appelle les « extrémistes » de la société civile et de l’opposition politique. Et de l’autre, la présence d’un prêtre, en l’occurrence Abbé Joseph Lukelo, parmi les signataires du « Manifeste du Citoyen Congolais ». Qualifié de « document subversif », ledit manifeste est attribué à l’homme d’affaires Sindika Dokolo présenté comme étant l’« initiateur ».

C’EST CONNU, LA VERITE FAIT PEUR!

Fanatisés, les patrons de ces organes de presse n’ont pas eu le courage de regarder la vérité en face. Ils auraient constaté que la République (mal nommée) démocratique du Congo est plongée à nouveau dans une crise de légitimité. Une crise qui trouve son origine dans l’attitude réactionnaire d’un individu nommé « Joseph Kabila ». Celui-ci est décidé à s’accrocher au pouvoir d’Etat par la force. Et ce en dépit du fait que son second et dernier mandat a expiré depuis le 19 décembre 2016.

Le 19 septembre 2016, date prévue pour la convocation du scrutin de l’élection présidentielle, la Commission électorale nationale indépendante – dont l’inféodation à la Présidence de la République n’est plus à démontrer – est restée muette. L’article 73 de la Constitution est pourtant clair: « Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice ».

Le 19 septembre et le 19 décembre 2016, « Kabila » a déployé les sicaires de son régime. Mission: écraser des manifestations pacifiques organisées à travers le pays contre ce déni démocratique. Bilan: plusieurs dizaines de morts et des blessés. Les arrestations ne se comptent pas.

Trois mois après l’échec de leur mission de bons offices entre la mouvance kabiliste et le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement – suite au débauchage de plusieurs personnalités de l’opposition -, les évêques de la Cenco ont publié le 23 juin dernier un message qui tient en cinq mots essentiels: « Le Pays va très mal ».

L’Accord dit de la Saint Sylvestre avait prévu l’organisation de l’élection présidentielle et des législatives avant le 31 décembre prochain. C’est un nouveau rendez-vous manqué qui pointe à l’horizon.

Une délégation de la Cenco conduite par Mgr Marcel Utembi Tapa vient de séjourner en Belgique et en France. Le 26 septembre, le président de la Cenco a co-animé un point de presse avec Mgr Fidèle Nsielele et le Père Clément Makiobo. C’était au siège de l’Eurac (Réseau européen pour l’Afrique centrale).

Les évêques de la Cenco ont dit haut et fort leur « inquiétude » au fur et à mesure que l’on se rapproche de la date fatidique du 31 décembre 2017. Ils veulent alerter la communauté internationale sur la nécessité d’un retour à l’ordre constitutionnel pour prévenir une nouvelle explosion de violence.

N’en déplaise à ces trois confrères habitués à suçoter les mamelles de la République, le « Manifeste du Citoyen Congolais » n’est nullement « subversif ». Bien au contraire. Il s’agit d’une déclaration patriotique qui appelle le peuple congolais, à l’instar du message de la Cenco, à barrer la route à la dérive dictatoriale tant redoutée par les constituants de 2005… par des « actions pacifiques ».

Le premier alinéa de l’article 64 de la Constitution ne dit pas autre chose: « Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ».

Conformément à cette disposition, le renversement du régime inconstitutionnel incarné par « Joseph Kabila » devient plus que jamais un devoir civique. Le président hors mandat partira tôt ou tard. De gré ou de force…

 

Baudouin Amba Wetshi

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