Lubumbashi: Qui a ordonné de tirer sur les manifestants?

Sept morts, vingt-trois blessés par balles et machettes, trente disparus. C’est le sombre bilan dressé par des organisations de défense des droits humains au lendemain de la « marche pacifique » organisée le jeudi 9 juillet à Lubumbashi à l’appel de l’Udps. Des militants de l’Unafec et le Scode avaient également battu le pavé. Les « marcheurs » protestaient contre la désignation de Ronsard Malonda pour succéder à Corneille Nangaa à la présidence de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante). Au-delà de la personne de cet homme, c’est l’ombre de l’ex-président « Joseph Kabila » et celle de sa mouvance dite « Front commun pour le Congo » qui apparaissent en filigrane. Dans un communiqué daté du 14 juillet 2020, ces organisations « recommandent » notamment au chef de l’Etat de faire ouvrir des enquêtes afin de déterminer les responsabilités.

Dix-huit mois après la passation dite pacifique du pouvoir entre « Joseph Kabila » et Felix Tshisekedi Tshilombo, certaines provinces du pays ressemblent fort à des « zones de non-droit » tenues fermement par des hommes et des femmes dévoués à l’ex-raïs. Cette situation a lieu particulièrement dans les quatre régions issues du démembrement du « Grand Katanga » que d’aucuns considèrent, à tort, comme un « fief » de la fratrie « Kabila ».

L’ANIMOSITÉ LÉGENDAIRE « KASAÏENS » CONTRE « KATANGAIS »

Siège de la Ceni à Kinshasa

Dans le Haut-Katanga, des organisations de défense des droits de l’Homme (CEIPDHO, GANVE,HDH, JUSTICIA, MDR et NDSCI) notent une « dégradation de la situation sécuritaire et des droits de l’homme » qui a atteint un certain pic lors de la manifestation organisée par l’Udps et d’autres partis politiques. Et ce suite à la validation de la candidature de Ronsard Malonda au poste de président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

C’est un secret de Polichinelle de relever que la mouvance kabiliste n’a jamais participé aux campagnes de protestation. Ce qui suggère que la désignation de cet expert de la Ceni au fauteuil laissé vacant par Corneille Nangaa ne nuit en rien aux intérêts du Fcc/Pprd. Bien au contraire. Tous ceux qui pensent le contraire doivent-ils être combattus? Quid de la tolérance et du respect de l’adversaire?

Des affrontements ont eu lieu, jeudi 9 juillet, aux environs du siège du Pprd (Parti du peuple pour reconstruction et la démocratie). Des militants de cette dernière formation politique aux allures de parti-Etat (la quasi-totalité des gouverneurs de province porte également le titre de responsable provincial du Pprd) ont affronté des « combattants » de l’Udps avec en toile de fond l’animosité ethnique légendaire entre « kasaïens » et « katangais ».

UN CERTAIN COLONEL JIM MUTETEKE MUTUNDA

Des militants de l’Udps, Unafec et Scode qui manifestaient sur les artères et places publiques du chef-lieu du Haut Katanga ont été littéralement « canardés » par des hommes commandés par un certain colonel Jim Muteteke Mutunda de l’armée congolaise aux environs du camp Major Vangu. Bilan: 7 morts dont 3 corps repêchés, le 12 et 13 juillet, dans la rivière Lubumbashi. On dénombre 23 blessés par balles et machettes.

Ces organisations non gouvernementales « estiment que le gouvernement provincial du Haut Katanga devrait endosser la plus grande responsabilité dans la dégradation de la situation sécuritaire » à Lubumbashi où des graves violations des droits humains ne se comptent plus.

Les militants de l’Udps et ceux du Pprd sont renvoyés dos à dos pour les « actes de violence » auxquels ils se sont illustrés. Il semble que des personnes séquestrées au siège lushois du Pprd seraient portés disparus.

Ces associations ont pris l’engagement « d’accompagner les victimes » de ces faits « devant les institutions judiciaires nationale et internationales pour que les responsabilités soient dégagées et que les dommages et intérêts éventuellement leur soient accordés ». Elles demandent notamment au chef de l’Etat d’ordonner l’ouverture d’une « enquête indépendante » sur ces « tueries ».

QUI A DONNÉ L’ORDRE DE TIRER?

Le siège de l’Assemblée provinciale du Haut Katanga

Il s’agit d’identifier ceux qui avaient donné l’ordre de tirer « à bout portant » sur les « marcheurs » du 9 juillet. L’Assemblée provinciale du Haut Katanga est invitée à faire destituer le gouverneur et le ministre provincial de l’Intérieur « pour incapacité dans la gestion des tensions sociales et politiques » aux conséquences incalculables. Les partis politiques prennent pour leur grade. Pour ces associations, ceux-ci doivent « éduquer » leurs militants notamment « à la tolérance et à la non-violence ».

Des informations fragmentaires laissaient entendre que des ex-miliciens Bakata Katanga allaient être déployés lors de la marche prévue le mercredi 13 juillet. Ladite marche n’a pas eu lieu à Lubumbashi.

Dans la soirée de mercredi 15, un enregistrement audio a circulé sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’une conversation téléphonique en swahili. Qui parlent? On reconnait Moïse Katumbi, co-leader de la coalition « Lamuka » qui explique à un certain « Christian » les raisons qui l’ont amené à reporter la manifestation prévue à Lubumbashi. « Je n’ai pas peur de la mort. En revanche, je ne veux pas qu’on tue notamment mes lieutenants », dit-il promettant, au passage, d’animer un point de presse dans les prochains jours.

D’après un défenseur des droits humains, cet enregistrement audio a été « volé ». Pour lui, ce fait témoigne que les leaders politiques basés dans l’ex-Katanga sont considérés par les autorités locales comme des « ennemis » et non des « adversaires ». Aussi, sont-ils placés sur écoute. « La preuve est faite que l’opposant Moïse Katumbi est sur écoute illégale. C’est sans doute le cas pour tant d’autres… « , résume-t-il.

 

B.A.W.

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