Manono: Zoé « Kabila » en pré-campagne électorale…

Elu député national lors des législatives du 28 novembre 2011, Zoé « Kabila » vient d’effectuer un séjour inhabituel dans « sa » circonscription de Manono, dans la province du Tanganyika. Les Congolais devraient aller aux urnes le 23 décembre prochain pour choisir non seulement leur nouveau Président de la République mais aussi les députés nationaux et provinciaux. L’heure de la démagogie a sonné. Problème : à l’instar de leurs concitoyens des autres coins du pays, les habitants de la partie septentrionale du « Grand Katanga » reprochent à « Joseph Kabila » des promesses non-tenues en termes d’infrastructures. 

Près de deux ans après la fin légale de la législature, le député national Zoé « Kabila » s’est rendu, vendredi 21 septembre, dans son « fief » de Manono. But de la visite: assister des malades et lancer les travaux de construction d’un centre de formation des… jeunes. « Ce centre de formation leur permettra d’apprendre différents métiers en vue de réduire le taux de chômage et de se prendre en charge », indique une dépêche de la très officielle Agence congolaise de presse (ACP). Pourquoi maintenant? La question reste sans réponse.

Des observateurs s’interrogent sur le moment choisi. A savoir, moins de 90 jours de la date fixée pour la tenue des élections générales (présidentielle, législatives et provinciales). D’aucuns y voient une « pré-campagne électorale » qui ne dit pas son nom. La campagne officielle, elle,  devrait démarrer le 20 novembre.

On apprenait que « Zoé » a décidé de faire une « action sociale » en prenant en charge les « soins de santé pendant deux semaines » des malades en séjour à l’hôpital de référence de Manono. Citant le médecin directeur de cet établissement, l’ACP fait état notamment de 880 cas d’intervention chirurgicale.

« RÉVOLUTION DE LA MODERNITÉ »

Le frère du « raïs » ne s’est pas arrêté là. Il a remis un « important lot de produits pharmaceutiques » aux patient avant d’aller procéder au lancement des travaux de construction d’un « centre de formation des jeunes ». L’initiateur insère de ce projet dans le cadre de la « révolution de la modernité ». Tiens! Tiens!

Il importe d’ouvrir la parenthèse ici pour  évoquer la fameuse « révolution de la modernité ». Lors de l’élection présidentielle de 2006, « Joseph Kabila » fut « élu » sans un véritable programme. Pire, le débat prévu entre le président-candidat à sa propre succession et son challenger Jean-Pierre Bemba sera annulé in extremis. Ce n’est qu’au mois de novembre, soit un mois après la proclamation des résultats, que le « Président élu » lancera, tel un prestidigitateur, le projet dit « Cinq chantiers du chef de l’Etat ». C’était au cours d’une interview accordée au « Soir » de Bruxelles. « Réélu » en 2011 à nouveau sans le moindre programme, « Kabila » annonce un nouveau projet dit « la révolution de la modernité ».

Lors de son allocution d’investiture le 20 décembre 2011, le « Président réélu » expliqua ledit projet aux allures de catalogue de bonnes intentions: « Ce projet vise à faire de la République Démocratique du Congo un pool d’intelligence et de savoir-faire, un vivier de la nouvelle citoyenneté et de la classe moyenne, un grenier agricole, une puissance énergétique et environnementale, une terre de paix et de mieux-être, une puissance régionale au cœur de l’Afrique, l’objectif ultime étant l’émergence de notre pays ». Et d’ajouter: « Nous allons de même poursuivre et accélérer la reconstruction du pays à travers le programme des cinq chantiers avec, comme priorité reconfirmée, la construction des infrastructures de communication. Sans infrastructures efficaces, la lutte contre la pauvreté est vouée à l’échec ».

Etienne Tshisekedi et Bruno Tshibala

Hormis quelques « routes goudronnées », dixit Etienne Tshisekedi wa Mulumba, aucune de ces promesses. L’eau, l’électricité restent la croix et la bannière pour la population. La qualité de l’enseignement et des soins de santé ne cesse de se détériorer. L’avenir a prouvé que ces « projets » n’étaient que de l’enfumage. Fermons la parenthèse.

Après dix-sept années de présence à la tête de l’Etat congolais, « Kabila » a reconnu, dans son discours sur « l’état de la nation », le 19 juillet dernier, que les « conditions sociales » de la population congolaise « demeurent globalement préoccupantes ». Le fait ne peut être analysé qu’en termes d’un aveu d’échec. Bien que son dernier mandat a expiré le 19 décembre 2016, l’homme ne s’est pas empêché de souligner que cette question doit « rester au centre de toutes nos politiques publiques ».

S’agissant de l’emploi, « Kabila » n’a pas impulsé l’économie. Il n’a pas non plus encouragé la création de petites et moyennes entreprises pour « booster » l’emploi. Les jeunes ont été les grands oubliés. Déconnecté des réalités, le Président (toujours) sortant a déclaré au cours du même discours que « la lutte contre le chômage des jeunes » devrait « se poursuivre à travers la formation professionnelle ». En inaugurant un centre de formation pour jeunes, le frangin du « raïs » semble venir à la rescousse de son aîné qui a failli.

UN INDIVIDU SANS PASSÉ

Né en 1979, « Zoé » a été découvert par le grand public congolais lors de la campagne électorale de la présidentielle de 2006. Nul ne connait son parcours. Encore moins son passé. Refusant d’être Congolais avec les Congolais, l’homme se balade toujours avec un interprète. Celui-ci est chargé de traduire, en français, les propos qu’il débite en swahili Est-africain ou en anglais. Refus d’intégration?

A l’instar des autres membres de sa fratrie en l’occurrence Joseph et Jaynet , « Zoé » qui sort du néant est devenu riche. Très riche. Outre, un centre de fitness (Shark Club) et un restaurant VIP dénommé « O’Café’ qu’il possède à Kinshasa, « Monsieur frère » est également l’heureux propriétaire d’un luxueux complexe hôtelier construit à Moanda, dans la province du Kongo Central.

Grâce à l’influence de son Président de frère, le jeune homme s’est arrogé le monopole des imprimés de valeur de l’Etat congolais. Aucune commande des timbres fiscaux, des plaques d’immatriculation et autres « documents valant espèces » (passeport, permis de conduire etc.) ne peut se faire sans lui. L’appétit venant en mangeant, il semble bien qu’il serait l’exploitant des « autocars » qui transportent les voyageurs de l’aérogare de Ndjili au bas de la passerelle d’embarquement.

Comme les autres membres de la fratrie « Kabila », Zoé est un « intouchable ». Un confrère kinois fut « cuisiné », durant plusieurs heures, par les tortionnaires de l’ANR (Agence nationale de renseignements). Et ce pour avoir révélé l’absentéisme de ce député pas comme les autres.

Dans un entretien accordé au magazine « Jeune Afrique » en septembre 2016, soit trois mois avant l’expiration du dernier mandat de son frère, « Zoé » déclarait ces quelques mots qui prennent aujourd’hui un relief prémonitoire: « Joseph Kabila n’a nullement l’intention de s’éterniser à son poste, mais nous ne sommes pas prêts à abandonner le pouvoir à n’importe qui… »

 

Baudouin Amba Wetshi

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