Ndaywel et les autres…

Marcel Yabili

Marcel Yabili

Le droit est science d’excellence et uniquement d’excellence. Je l’ai nourri d’une éthique du juriste et l’engagement à rechercher des solutions aux problèmes du pays, plutôt que de lui en créer de nouveaux.

Dans mon livre « Deux saisons sans la troisième république », je montre qu’on ne lit pas les textes qu’on invoque et qui comportent, pourtant, des issues à la crise des institutions.

L’article 64 de la Constitution, si insistant l’an dernier, a totalement disparu des discours et des esprits.

Il n’est plus question que de l’article 26. Mais l’a-t-on lu et en connaît-on les implications?

  1. Il est écrit qu’on a le droit de manifester dans les conditions organisées par la loi. Mais cette loi n’existe pas! En 2015, le député Delly Sessanga avait fait une proposition, qui avait été débattue, mais qui n’avait pas abouti. Les modalités d’information, de cortège, etc viennent des extraits de presse d’époque. Malgré cette absence de loi d’application, il n’y a pas de vide juridique.
  2.  

  3. Côté manifestants. La manifestation est un simple mode de la liberté d’expression. Au lieu d’écrits et de paroles, on peut par exemple, se regrouper pour envahir l’espace public. Cette liberté signifie que la manifestation par elle-même ne constitue pas un acte de rébellion et ne justifie ni répression ni condamnation judiciaire. Les débordements, excès et violences sont répréhensibles lorsqu’ils constituent des infractions; elles sont punissables uniquement pour elles-mêmes.
  4.  

  5. Côté pouvoir. L’autorité publique a un pouvoir de police, pour le maintien de l’ordre public. Elle peut interdire une manifestation. L’interdiction est une mesure de l’exécutif central, provincial ou local qui nécessite des arrêtés réguliers, ministériels, provinciaux, urbains ou locaux. Ces mesures administratives peuvent être poursuivies en annulation avant ou après l’événement.
  6.  

  7. Les manifestants peuvent-ils désobéir? Que risquent-ils?
    La Constitution autorise de désobéir à des ordres manifestement illégaux; mais cela se discute devant le juge à qui on doit apporter la preuve. En droit, la manifestation interdite serait un manquement à une mesure de police. Les arrêtés réguliers d’interdiction peuvent prévoir des sanctions de sept jours de prison et 2.500 à 25.000 Francs d’amende (pour les arrêtés urbains de secteur, communaux ou urbains), ou une de ces sanctions. Lorsque ces mesures ne prévoient rien, et dans le cas d’arrêtés gouvernementaux et provinciaux, on est passible (comme dans les autres manquements) de deux mois au maximum et d’une amende n’excédant pas deux mille francs, ou d’une de ces peines seulement. Ce barème de sanctions indique que la manifestation interdite ne doit pas être exagérée. Il ne s’agit absolument pas d’une insurrection. CQFD.
  8.  

  9. Sur le terrain, on envoie des policiers. On leur reproche si pas des morts et des blessés, mais d’ « usage disproportionné de la force ». Depuis 2013, les actions de la police sont clairement encadrées. Selon la loi, la police nationale ne recourt à la force qu’en cas de nécessité absolue et uniquement pour atteindre un objectif légitime. Elle doit respecter le principe de proportionnalité et de progressivité. Autrement dit, l’envoi d’agents armés au premier contact avec des manifestants pacifiques est interdit. La loi indique aussi que l’armement de base du policier comprend un pistolet, une matraque et une paire de menottes. Pour le maintien et le rétablissement de l’ordre public, le policier peut être équipé d’un armement spécifique adapté à la mission à effectuer. Autrement dit, on ne comprend absolument pas comment dans tout le pays les policiers ont des Kalachnikovs avec des chargeurs à balles réelles. Dès qu’il y a des blessés par balles dites perdues ou des impacts de balles, il y a autant de preuves d’infraction pour la police.
    Toujours suivant la loi, les policiers ne peuvent faire usage d’armes à feu que sur réquisition préalable de l’autorité légalement responsable du maintien de l’ordre. Cette réquisition est écrite; elle mentionne la disposition légale en vertu de laquelle elle est faite, en indique l’objet, est datée et porte les noms et qualité ainsi que la signature de l’autorité compétente.
    Question: est-ce que ces réquisitions existent? Si oui, l’autorité administrative a-t-elle autorisé l’usage d’armes à feu? Pour quel motif?
  10.  

  11. On parle aussi de « forces de sécurité » en appui ou en dédoublement des policiers. La loi est toujours claire: lorsque les unités des forces armées sont appelées à intervenir avec la police nationale pour donner force à la loi, la direction des opérations de rétablissement de l’ordre public revient au commandant des unités de la Police nationale.

 

Nb. Documentation: Constitution, Loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l’État et les Provinces, Décret du 6 août1922, Loi organique n°11/013 du 11 août 2013 portant organisation et fonctionnement de la police nationale congolaise et Loi n°13/013 du 1er juin 2013 portant statut du personnel de carrière de la police nationale

 

Par Marcel Yabili
© Congoindépendant 2003-2018

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