Nord Kivu: Goma échappe (miraculeusement) aux laves de Nyiragongo

Quinze morts. C’est le bilan provisoire du nombre de décès enregistré suite à la panique provoquée par l’éruption du volcan Nyiragongo. On devrait y ajouter quatre détenus de la prison de Munzenze qui auraient trouvé la mort, dimanche 23 mai, lors d’une tentative d’évasion. L’annonce a été faite par le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général Constant Ndima. Une délégation du gouvernement central était attendue dimanche à Goma. D’aucuns reprochent aux instances nationales une certaine « imprévoyance ». Procès d’intention?

Un événement chasse l’autre. C’est la loi non écrite du monde des médias. Samedi 22 mai, les Congolais, toutes tendances confondues, étaient encore vent debout sur les réseaux sociaux. Un seul sujet: les propos « négationnistes » tenus par le président rwandais aux journalistes de France 24 et RFI à Paris. Selon Paul Kagame, « il n’y a pas eu de crimes au Congo ». Et le rapport Mapping qui recense les crimes commis au Congo-Kinshasa entre 1993 et 2003 « est hautement contesté » et « politisé ». Pour Kagame, le Prix Nobel de la Paix Dr Denis Mukwege – qui plaide en faveur de la mise sur pied d’un tribunal international pour la RDC – « dit ce qu’on lui dit de dire ».

La réaction empreinte de diplomatie et de sagesse du président Felix Tshisekedi n’a pas réussi à calmer l’indignation au sein de l’opinion congolaise. Bien au contraire. Un mouvement citoyen – la Lucha pour ne pas la citer – a même estimé que « la réaction de Fatshi a manqué un peu de fermeté ». Et pourtant, sur le fond, le chef de l’Etat congolais a dit l’essentiel. D’une part en prenant la défense du Dr Mukwege qu’il a qualifié de « fierté nationale » et d’autre part en affirmant que « tôt ou tard justice serait faite » pour honorer la mémoire des victimes des atrocités commises sur le sol congolais (c’est nous qui le soulignons) par des troupes étrangères venues notamment du Rwanda, Burundi et Ouganda.

UN ÉVÉNEMENT CHASSE L’AUTRE

Contre toute attente, on apprenait, dans la soirée de ce samedi, l’éruption du volcan Nyiragongo. Un événement qui « chasse » momentanément la controverse suscitée par les déclarations jugées « insultantes » du dirigeant rwandais. Comble d’ironie, fuyant les laves du Nyiragongo, 7.000 Gomatraciens ont franchi la frontière pour aller s’abriter… dans la ville rwandaise de Rubavu (ex-Gisenyi). Dimanche matin, ils ont regagné Goma.

Dans un tweet, la Présidence de la République a fait savoir la décision de Felix Tshisekedi d’interrompre son séjour privé en Belgique. Il était attendu à Kinshasa dans la soirée de dimanche en vue de « coordonner » les actions humanitaires.

Dans un tweet qu’il a publié dimanche sur son compte @patrick muyaya, le ministre de la Communication et des médias, porte-parole du gouvernement, écrit: « une délégation gouvernementale se rend immédiatement pour apporter l’appui aux autorités provinciales en vue de faire face aux urgences humanitaires. La population est invitée à la vigilance et à l’observation stricte des directives des autorités provinciales ».

DÉFAUT DE PREVOYANCE?

Les laves du Nyiragongo ont épargné la ville de Goma.

A tort ou à raison, certaines voix se sont élevées ici et là pour reprocher aux instances nationales un « défaut de prévoyance ». Un confrère kinois – qui n’hésite jamais à flirter avec le populisme – croit savoir que les autorités ont été prises au dépourvu. Au motif que l’Observatoire volcanologique ne disposait plus de ressources pour réaliser des sondages. Selon ce confrère, la Banque mondiale, bailleur de fonds, n’aurait plus délié les cordons de la bourse. Et ce suite à l’avènement du Covid-19. A Lubumbashi, l’ex-gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, a surpris en exhortant le gouvernement du Premier ministre Sama Lukonde à assister la population de Goma.

Dans la soirée de samedi 22, le porte-parole du gouvernement ne disait pas autre chose: « Le gouvernement de la République tient à signaler aux compatriotes de Goma que tout sera fait pour leur apporter l’appui nécessaire pour faire face à cette catastrophe naturelle ».

D’autres griefs ont été articulés à l’encontre de la RTNC. Il est reproché à ce média d’Etat son incapacité à informer les Congolais « en temps réel » sur les événements se déroulant sur le territoire national. Des spectateurs kinois ont dû se rabattre sur les médias français dont France 24 et RFI pour savoir ce qui se passait à Goma. Conscient de cette déficience, le ministre Muyaya a admis, au cours d’un point de presse qu’il a tenu dimanche 23, « avoir été choqué de constater l’inattention du média public sur un problème qui menace la vie de nos compatriotes ». Il a promis d’en tirer les leçons qui s’imposent afin de remédier à cette situation.

Revenons à l’éruption volcanique. Interrogé dimanche par RFI, le Vulcanologue belge Benoît Smets a estimé que l’éruption « a pris tout le monde de court ». Et ce en dépit du fait « qu’on savait que ce volcan devait entrer en éruption d’un instant à l’autre ». Pour lui, ce qui s’est passé samedi 22 mai n’a aucune mesure avec « l’éruption majeure » qui a eu lieu en janvier 2002 en laissant plus de 100 victimes sur les carreaux. D’après lui, la ville de Goma n’est plus menacée. Et que « l’activité volcanique en surface est terminée. La coulée de la lave s’est arrêtée ».

Question finale: Qui devrait-on blâmer pour « imprévoyance » observée à Goma? Est-ce « Joseph Kabila » et ses gouvernements successifs qui ont eu à régenter l’Etat congolais de janvier 2001 à janvier 2019 ou l’exécutif de fraîche date incarné par le duo Tshisekedi-Sama Lukonde?

 

Baudouin Amba Wetshi

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %