Présidentielle 2006: « Kabila » fut battu dès le 1er tour par JP Bemba

C’est Abbé Apollinaire Malumamu qui le dit. Dans un message-fax estampillé « ultra confidentiel », sans date, adressé aux représentants de la « communauté internationale » (Commandant de la Force européenne en RDC, Monuc, CIAT, Représentant du PNUD et le chef de la Délégation de l’Union Européenne en RDC), le président de la Commission électorale indépendante (ex-CEI) communique les résultats du vote au premier tour. Il commence par exprimer son amertume après avoir reçu des « injonctions » lui intimant d’inverser les résultats conformément aux « idées sages » qui lui ont été prodiguées. Traduction: il a buté contre l’impossibilité de transformer « l’âne Joseph Kabila » en un « cheval de course ». Selon lui l’ordre d’arrivée, au premier tour, se présente comme suit: JP Bemba (52%), « J. Kabila » (27,7%) suivis par Oscar Kashala, Antoine Gizenga et Mobutu Nzanga. Tout en claironnant son refus de faire partie du camp des « manipulateurs », Malumalu d’estimer qu’il faudrait publier les résultats de cette élection ou réunir l’argent pour organiser un second tour.

Dans sa chronique « Ce jour-là » publiée sur son compte Twitter @benbabunga, Benjamin Babunga Watuna évoque la journée du 20 août 2006. Le fait saillant épinglé est l’annonce des résultats du 1er tour de l’élection présidentielle ainsi que les incidents graves qui s’en étaient suivis.

Tableau, par province, des résultats du premier tour de l’élection présidentielle de 2006

En vue de compléter ce récit, il n’est pas sans intérêt de « déterrer » un document qui circulait sous le manteau. Il s’agit d’un message-fax que le Président de la Commission électorale indépendante (l’ancêtre de la CENI) avait adressé aux membres de la nébuleuse « communauté internationale » leur transmettant les résultats de vote lors de ce premier « round » remporté par Jean-Pierre Bemba Gombo.

Apollinaire Malumalu commence sa dépêche en relevant qu’il a été « à la hauteur » de la mission qui lui a été confiée. Dès le second paragraphe, le ton change. Il déplore « quelques incidents malheureux » qui « tournent en sa défaveur ». Et ce juste au moment où s’achève sa mission. Le ton devient de plus en plus véhément: « (…), je vous rappelle qu’en dehors de ma responsabilité au sein de la CEI, je suis d’abord ‘homme de Dieu’. Les ‘idées sages’ que je reçois de vous deviennent pour moi non seulement une ‘injonction’, mais surtout un moyen de me discréditer et de mettre en cause ma qualité sacerdotale pour laquelle j’ai fait des vœux solennels ».

Il assure avoir tout essayé, sans succès, en vue d’inverser les résultats en faveur du Président-candidat « Joseph Kabila ». « J’ai fait tout ce que vous avez voulu: j’ai engagé des experts du PAREC [l’association de Daniel Mulunda Ngoy, Ndlr], PPRD et autres agents du Comité du Pouvoir populaire ‘CPP’ à la Commission électorale indépendante dans le but net d’avoir la mainmise sur tous les enjeux électoraux. Mais c’est le peuple qui a voté et qui reconnait l’orientation de ses voix », fait-il remarquer.

Et de poursuivre: « Ce que nous avons voulu mettre en place, le peuple l’a détourné ». Il souligne, au passage, qu’il passe désormais « comme un défenseur de la fraude ». Alors qu’il est censé « apporter la transparence! ». « Quelle considération aurai-je au sein de mon église? Et de la population à qui j’enseigne chaque jour la vérité et la fidélité? Prêtre que je suis, je ne peux plus être dans le camp des manipulateurs. (…) ».

Feu Abbé Apollinaire Malumalu, ancien président de la CEI

Dans ce message-fax, « Abbé Apollinaire » ne cache pas l’inquiétude que lui inspirent les policiers qui l’entourent. Il redoute une « infiltration » de la garde présidentielle (GSSP).

S’adressant aux destinataires de son message, le Président de la CEI de conclure: « Je vous remets ci-dessous, les résultats réels de deux concurrents. En votre qualité de parrains de ces élections, je souhaite que vous alliez respecter le suffrage populaire ». La suite est connue. La « communauté internationale » décida l’organisation d’un second tour le 29 octobre 2006. Cette fois le « vainqueur » s’appelle… « Joseph Kabila ».

Dans une interview accordée au magazine « Jeune Afrique » daté du 12 décembre 2006, Jean-Pierre Bemba Gombo lâche sa phrase énigmatique: « J’ai tout accepté au nom de la paix nationale, y compris l’inacceptable ». Et de déclarer plus loin: « Je ne suis pas d’accord avec les résultats. Ni la manière cavalière dont la Cour suprême de Justice a rendu son arrêt qui n’a pas été motivé. Mais j’ai privilégié l’intérêt supérieur de la Nation en cherchant à éviter la violence et le chaos dans le pays ».

Vous avez dit que « Joseph Kabila » est le « père de la démocratie »? Allons donc!


Baudouin Amba Wetshi

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