Primature: Bruno Tshibala, très fier de son « bilan »

Depuis la création de la coalition politique pro-kabila dite « FCC » (Front commun pour le Congo) en juin 2018, le Premier ministre Bruno Tshibala Nzenzhe, issu de l’UDPS, n’était plus visible sur les écrans des radars. Dénué de charisme, l’homme n’a même pas été capable d’adopter la posture de chef du gouvernement. La nature ayant en horreur le vide, le « dircab » à la Présidence sous « Kabila » a fini par s’accaparer des prérogatives dévolues au Premier ministre. L’opinion congolaise a sans doute été surprise, vendredi 8 février, d’apprendre que l’ex-opposant « kabilisé » était toujours à l’hôtel du conseil. Et qu’il attendait la désignation de son successeur. L’heure est au « bilan ».

Vendredi 8 février, le « Premier » en affaires courantes, Bruno Tshibala Nzenzhe, a réuni les membres de son cabinet au cours d’une cérémonie d’échange de vœux qui était , en réalité, une cérémonie d’adieu. On imagine que l’euphorie qui prévalait au lendemain de sa nomination en avril 2017 s’est muée en morosité.

Le successeur de Samy Badibanga Ntita a profité de cette occasion pour dresser le bilan de ses vingt-deux mois passés à la Primature. On rappelle que la « feuille de route » divulguée le 16 mai 2017 par « Tatu Bruno » comportait une seule priorité: « conduire le peuple aux élections ».

Vendredi, le futur ex-« Premier » a appliqué, à sa manière, l’ « obligation de rendre compte » chère aux managers modernes. Devant ses proches, il s’est dit « satisfait » d’avoir accompli la mission assignée à son gouvernement ironisant, au passage, que ses détracteurs ne le croyaient guère capable de relever le défi. « En dépit des obstacles, nous avons conduit notre peuple aux élections le 30 décembre 2018 », a-t-il martelé.

Emmanuel Ramazani Shadary

Bruno Tshibala Nzenzhe s’est donc félicité des consultations électorales qui ont été émaillées de graves irrégularités et autres « couacs ». L’opinion tant nationale qu’internationale a vu le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) proclamé les « résultats provisoires » des scrutins alors que des centres électoraux éparpillés aux quatre coins du pays n’avaient pas encore achevé le travail de compilation des bulletins de vote. Pire, des observateurs ne cessent de s’interroger afin de savoir par quelle « magie », le même corps électoral qui a rejeté le candidat du FCC (Front commun pour le Congo) au poste de Président de la République ait pu accorder, au cours du même vote, son suffrage aux candidats députés nationaux et provinciaux portant la même étiquette politique. Honnie.

Tshibala s’est félicité également d’avoir pu assister à une « passation pacifique du pouvoir » entre le Président sortant « Joseph Kabila » et le Président entrant Félix Tshisekedi Tshilombo. Et ce en dépit du fait que Martin Fayulu Madidi, le « candidat déçu » de la coalition « Lamuka » continue de réclamer la « vérité des urnes ». A l’occasion du 32ème sommet de l’Union africaine, le 10 et 11 février à Addis Abeba, « Mafa » a écrit aux chefs d’Etat et de gouvernement leur suggérant la tenue d’un nouveau « round électoral » dans un délai de six mois. On le voit, la controverse post-électorale est loin de s’estomper.

« FEUILLE DE ROUTE »

Pour Tshibala, l’investiture du Président élu Félix Tshisekedi est un « exploit » qui n’a été rendu possible, selon lui, que « grâce » à « Joseph Kabila ». Aussi,  considère-t-il qu’il faut rendre un « hommage mérité » au Président sortant « qui devient une référence non seulement pour le Congo mais aussi pour l’Afrique ».

Juriste de formation, l’ex-secrétaire général adjoint de l’UDPS a été, à l’instar de ses prédécesseurs, propulsé au poste de Premier ministre sans avoir connu un parcours assimilable à une « préparation ». 

A l’instar de ses prédécesseurs – qui confondaient l’éloquence avec la compétence -, Tshibala ignorait, sans doute, que gouverner ne se limite pas à parader. Gouverner exige une action quotidienne et une présence permanente. Peut-on gouverner un Etat sans administrer son territoire en recherchant, au quotidien, les solutions aux problèmes inhérents à la vie collective? Qui s’occupait de l’aspiration de la population congolaise au bien-être pendant que « sieur Bruno » avait les yeux rivés uniquement sur sa « feuille de route »?

Social-démocrate autoproclamé, Tshibala a déçu ceux qui voyaient en lui un réformiste. On a attendu en vain qu’il exerce les prérogatives dévolues au gouvernement comme l’indique l’article 91 de la Constitution. A savoir notamment que le gouvernement conduit la politique de la nation et rend compte devant la représentation nationale. « La défense, la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le Président de la République et le gouvernement », souligne, par ailleurs,  cette disposition. 

« LIAISONS SUSPECTES »

Victime d’une arrestation arbitraire le 9 octobre 2016, Tshibala a été embastillé, six semaines durant, à la prison de Makala. Devenu Premier ministre, il est devenu amnésique. L’homme s’est laissé anesthésier par les délices du pouvoir. Il n’a pas levé le petit doigt pour faire libérer les prisonniers politiques et d’opinion qu’il a vu croupir injustement dans des cellules lépreuses de ce pénitencier.

Plus grave, le Premier ministre Tshibala n’a pas été capable de traduire en idéologie de gouvernement  l’Etat de droit qu’il claironnait jadis dans les rangs de l’opposition. L’homme est resté muet pendant que les spadassins du « raïs » canardaient des « marcheurs pacifiques » lors des manifestations organisées respectivement le 31 décembre 2017, le 21 janvier et le 25 février 2018 par le Comité laïc de coordination (CLC). Les protestataires n’exigeaient rien que le respect de la Constitution à un « Kabila » qui ne faisait plus mystère de sa volonté de briguer un troisième mandat interdit. Rossy Mukendi Tshimanga et Thérèse Kapangala sont les victimes les plus emblématiques de cette barbarie d’Etat.

Que dire du mutisme de Tshibala pendant que les fameux rebelles ougandais des « ADF » continuaient – et continuent encore – à massacrer les habitants du territoire de Beni au Nord Kivu?

Il est surprenant d’entendre « Bruno » prétendre lors de la cérémonie précitée que « les défis sécuritaires, comme le tristement célèbre Kamuina Nsapu, les agressions terroristes dans l’Est du pays, le nombre élevé des foyers de conflits armés ont été affrontés et leur capacité de nuisance réduite considérablement ».

Dans quel monde vit le « Premier » sortant? Voilà un homme qui a liquidé l’honneur de l’opposant pur et dur, carré sur les principes, qu’il prétendait être. Il s’est servi de la Primature non pas pour réformer la société congolaise mais uniquement pour s’embourgeoiser et renforcer des « liaisons suspectes » avec quelques hommes d’affaires mafieux. On n’est pas sorti de l’auberge!

 

B.A.W.

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