Qui pourrait sauver l’Agence congolaise de presse?

L’Agence congolaise de presse (ACP) broie du noir. Sans jeu de mots. Contrairement à l’Agence Zaïre Presse qui fut « chouchoutée » sous le président Mobutu Sese Seko – et dans une certaine mesure durant les 43 mois de pouvoir de Mzee Kabila -, l’ACP qui est la propriété de l’Etat congolais a perdu son attrait d’antan. Elle est préférée aux médias étrangers jugés plus fiables. Plus professionnels.

Agence nationale de presse, créée au début des années 60, l’ACP souffre d’un désintérêt certain de la part des pouvoirs publics. Un récent fait en témoigne.

Lors du point de presse conjoint animé, le 26 juin dernier à Goma, par le président Felix Tshisekedi Tshilombo et son homologue rwandais Paul Kagame, onze journalistes ont été accrédités dont huit correspondants de la presse étrangère (AFP, RFI, Reuters, VOA swahili, France24, VOA français, TV5, Deutsche Welle français). Le représentant de la très officielle Agence congolaise de presse a été purement et simplement « oublié ». Conséquence: pas de macaron officiel pour l’ACP.

Sur les réseaux sociaux, on pouvait lire ce commentaire: « Huit médias extérieurs sur onze. Les organes de presse locaux n’ont jamais été pris en compte ». Question: la Cellule de communication de la Présidence de la République a-t-elle omis l’ACP par simple oubli ou sciemment? La cellule reprocherait-elle à l’ACP d’avoir perdu son « éclat » d’autrefois, au plan interne et externe?

En visite au Nord-Kivu, mi-juin dernier, le tout nouveau ministre de la Communication et des médias, Patrick Muyaya Katambwe, a pu constater, tant à Beni qu’à Goma, la pauvreté des moyens dont disposent les bureaux provinciaux des médias d’Etat. A savoir: l’ACP et la RTNC (radio-télévision). Pas de matériel de travail. Pas de moyen de transport des journalistes. Sans omettre l’impossibilité d’accéder aux sources d’informations.

Fidèle à l’euphorie du début qui caractérise tout nouveau membre du gouvernement, le successeur de Jolino-David Diwampovesa Makelele a exprimé sa volonté de donner un « nouveau souffle » à ces deux médias d’Etat en leur procurant les moyens nécessaires. Patrick Muyaya a mis l’accent sur un élément important: le recyclage des journalistes en vue de les rendre plus professionnels. Il est clair que le seul titre académique ne suffit pas pour acquérir la pratique du métier. Il faut un apprentissage.

Toute politique appelle l’action. Toute action suppose des moyens. « Patrick » aura-t-il les moyens de sa politique? C’est à voir.

Revenons à l’ACP. L’Agence congolaise de presse fait sans doute face à un manque de moyens techniques mais aussi des ressources humaines de qualité. Dans sa configuration actuelle, le premier « ennemi » de cette agence nationale est et reste l’ACP elle-même. Et pour cause?

Toute agence de presse digne de ce nom est censée fonctionner 24 heures sur 24 en organisant des permanences. Les dépêches de l’ACP sont, dans leur grande majorité, en retard par rapport à l’actualité brûlante. Manque de moyens pour établir une « coopération » avec d’autres agences? Plus grave, le contenu des dépêches laisse à désirer. Et ce tant au niveau de la forme que du fond. On y relève des fautes d’orthographes. Inutile de parler de méconnaissance des règles grammaticales. La syntaxe.

Les dépêches de l’ACP sont généralement fastidieuses. Alors qu’une dépêche d’agence est censée donner, dans les deux ou trois premières lignes, tous les éléments d’informations. Certaines dépêches de l’ACP ne sont pas sans évoquer le phénomène « libanga » cher aux artistes musiciens congolais. Il y a un mélange de propagande et de publicité. On cherche en vain l’information. Et ce au détriment de l’objectivité et de l’impartialité. Dans certaines provinces, les journalistes de l’ACP sont pris en charge par les autorités de la place. Ceci explique-t-il cela?

Lors de la publication du gouvernement Sama Lukonde I, l’ACP (voir dépêche du 12 avril 2021) a surpris nombreux de ses lecteurs. Motif: inexactitude dans l’orthographe des noms. A titre d’exemple, au ministre de la Santé, le titulaire s’appellerait, d’après l’ACP, « Mbanda ». Son adjoint , lui, répondrait au nom de « Mbungani ». Il s’agit pourtant de la même personne en l’occurrence Jean-Jacques Mbungani Mbanda.

On le voit, l’ACP devrait commencer par « se sauver » elle-même en procédant à une sorte de catharsis. Il s’agit de balayer devant sa porte en attendant l’arrivée des « moyens » promis par le ministre Muyaya. L’Agence devrait bannir la médiocrité, en son sein, par le renforcement de la qualité du contenu de ses informations tant au niveau national que local. La réunion du Comité de rédaction parait utile pour passer au crible le Bulletin quotidien de la veille. L’objectif doit être la reconquête la primauté qui fut la sienne en tant que première source d’informations sur le Congo-Kinshasa. Au même titre que Belga en Belgique, l’AFP en France et Reuters au Royaume-Uni.

 

Baudouin Amba Wetshi

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