Exercice 2017: La présidence de la République accuse un dépassement budgétaire de 185%

Le 26 janvier 2016, soit onze mois avant l’expiration de son dernier mandat, « Joseph Kabila » a présidé une réunion du conseil des ministres qualifiée d’ « extraordinaire » suite à la chute des cours des matières premières. Vingt-huit « mesures urgentes » furent annoncées pour « stabiliser » et « relancer » l’économique nationale. Parmi ces décisions, il y a la « réduction du train de vie des institutions publiques ». Trois années après, qu’en est-il de l’application effective de ces mesures? Des slogans creux?

Le mercredi 3 octobre dernier, le Premier ministre Bruno Tshibala s’est rendu à l’Assemblée nationale afin de déposer le projet de Budget pour l’exercice 2019. Montant: 352,3 milliards de FC soit six milliards de dollars. Il a déposé également le projet de loi portant reddition des comptes pour l’année 2017.

Comme à l’accoutumée avant l’examen du budget de l’exercice à venir, les députés nationaux ont commencé, lundi 22 octobre, à éplucher le projet de reddition des comptes. Il s’agit de s’assurer que la loi de finances 2017 a été correctement exécutée. Hélas, Le miracle n’a pas eu lieu.

Selon le ministre des Finances, le FCC Henri Yav Mulang, la Présidence de la République, la Primature et huit ministères ont effectué des « dépassements budgétaires » allant jusqu’à 200%. « Trois institutions et huit ministères ont connu un taux d’exécution de leurs dépenses supérieur aux crédits alloués », a-t-il précisé.

Pour les amateurs des chiffres, le taux de dépassement est respectivement de 185% (Présidence de la République), 150,5% (Primature), 201,4% (ministère des Affaires étrangères) et 181,7% (ministère de la Défense nationale). On se demande à quoi ont servi ces dépenses au regard de l’impécuniosité ambiante de l’Etat.

Embarrassé par ces révélations qui n’épargnent guère « Joseph Kabila », le ministre Yav a joué aux équilibristes en imputant cette hausse du train de vie de l’Etat à des prétendus « urgences » et « autres impératifs liés notamment à la marche du pays ». Il n’a fourni aucun détail.

Depuis la nuit des temps, l’Etat congolais paraît incapable d’exécuter rigoureusement les lois des finances votées et promulguées. Lors des travaux des concertations nationales de 2013, les participants n’avaient pas manqué de retenir ce dysfonctionnement parmi les 100 recommandations adressées à « Kabila ». Expert ès faux semblant, celui-ci n’a jamais bougé le petit doigt pour amorcer la mise en oeuvre des réformes initiées par lui-même.

Le cas sous examen est loin d’être le premier du genre. La Cour des comptes avait interpellé les institutions du pays lors de la reddition des comptes pour l’exercice 2014. Un montant estimé à un milliard de dollars a été affecté à des dépenses non-budgétisées. « Cet argent a été utilisé pour les besoins de la guerre contre la rébellion du M23 », bredouillaient les « communicateurs » de la mouvance kabiliste.

GLOUTONNERIE

Franck Diongo Shamba, président du MLP

En 2015, Franck Diongo Shamba, président du MLP (Mouvement lumumbiste progressiste) avait dit fustigé cette « gloutonnerie » des animateurs des institutions du pays dont la Présidence de la République. Ces critiques lui ont valu d’être dans le collimateur du « clan kabiliste ». Depuis deux ans, le leader du MLP est embastillé à Makala dans une affaire digne d’un roman policier.

Aux termes de l’article 91 de la Constitution en vigueur, le chef de l’Etat congolais est politiquement irresponsable. Pour être valident, ces actes doivent être contresignés par le ministre compétent. Celui-ci en rend compte devant la représentation nationale.

Depuis le mois de mai 2009, « Kabila » s’est arrogé, en toute illégalité, la qualité d’ordonnateur des dépenses à partir du compte du Trésor. Et ce, en lieu et place du Premier ministre. Ce « coup de force » eut lieu par une simple lettre du « dircab » à la Présidence de l’époque, Adolphe Lumanu, adressée au « chef du gouvernement » d’alors, Adolphe Muzito. Depuis lors, le « raïs » pose des actes de gestion. Problème: il ne rend compte à personne. Qui oserait s’en offusquer?

Les interférences du Président de la Républiques dans la gestion des finances publiques n’ont apporté aucune embellie. Bien au contraire. Le Congo-Kinshasa présente le visage d’un pays mal géré. Un pays qui n’est ni gouverné ni administré. Les grandes villes sont envahies par des immondices. Les pouvoirs locaux, à quelques rares exceptions près, vivotent. La corruption fait rage dans les hautes sphères du pouvoir. A titre d’exemple, la « modernisation » d’un tronçon de cinq kilomètres du boulevard du 30 juin a coûté 80 millions de dollars. La pose d’un poteau électrique, 18.000 USD au lieu de 500 USD. Des experts assurent qu’un kilomètre de route bitumée reviendrait à 400.000 dollars.

Le ministre des Finances Yav Mulang n’a pas manqué de provoquer des éclats de rire en tentant de trouver des circonstances atténuantes à ce qui ressemble bien à une gestion-pirate. Les finances publiques sont gérées dans une totale opacité au niveau du cabinet présidentiel où loge une sorte de « gouvernement parallèle ». Inutile de parler des marchés publics qui sont passés de gré à gré en violation de la loi en la matière.

Le 26 janvier 2016, le conseil des ministres présidé par le « raïs » arrêtait bruyamment « vingt-huit mesures d’urgences » pour la stabilisation et la relance économique du pays. La dixième porte sur… la « réduction du train de vie des institutions publiques ».

 

B.A.W.

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