Sur la photo, on voit le Premier ministre Patrice Lumumba conversant avec le président Joseph Kasa Vubu, en marge des festivités de l’indépendance.

Gaston Mutamba Lukusa
Le 30 juin 1960 fut un jour porteur de beaucoup d’espoir pour le peuple congolais. L’indépendance du Congo Belge fut entendue comme la fin des iniquités sociales et de l’assujettissement au pouvoir colonial. Le peuple entonna, ce jour-là, la belle symphonie de l’indépendance assaisonnée de belles promesses des politiciens. Partout, c’étaient les mêmes slogans: A bas le colonialisme! A bas le néo-colonialisme! Vive la liberté! Vive la justice! Adieu la chicotte! Dans la foulée, quelques colons belges ne cessaient de seriner sur tous les toits: « Vous regretterez notre départ un jour. Ne pensez pas qu’il est facile d’assumer l’indépendance ». Naturellement, personne ne voulut les croire. Seul, peut-être le Premier ministre Patrice Lumumba. En véritable visionnaire, mû par des sentiments nationalistes, il leur donna implicitement raison dans son discours à la cérémonie de passation des pouvoirs. Il dit que nous venons de gagner la bataille de l’indépendance politique mais il reste l’autre lutte, la plus difficile contre le néo-colonialisme et pour l’indépendance économique. Sans doute comme l’affirmera plus tard Alphonse Massamba Débat, Président de la République populaire du Congo, l’ennemi intérieur est plus dangereux que l’ennemi extérieur. Il faisait sans doute allusion aux traîtres. N’empêche! Le 30 juin 1960 fut le couronnement du grand mariage historique entre la classe politique et le peuple. Un mariage qui va éclater dès les premières heures de l’indépendance.
Les grandes espérances déçues
Mus par le complexe colonial et pressés de s’afficher comme les remplaçants des colonisateurs, les leaders politiques tournèrent le dos au peuple. Au Parlement par exemple, dès la première session, les députés passèrent plus d’un mois à discuter de leurs jetons de présence. Au Marché central, des vendeuses de poisson frais refusaient parfois de vendre jusqu’à l’arrivée des épouses des députés ou des ministres. Celles-ci étaient réputées pour dépenser sans compter. Elles achetaient sans regarder aux prix et ne réclamaient pas la monnaie. Ainsi s’envola le beau rêve de l’indépendance. Les anciens colonisateurs belges qui n’entendaient pas lâcher le pays, opposèrent les politiciens congolais entre eux. Ce qui aboutit à des affrontements tribaux. Ils créèrent des rebellions armées ainsi que des sécessions des provinces du Katanga et du Kasaï. Patrice Lumumba fut assassiné le 17 janvier 1961 à Elisabethville (Lubumbashi) par ses adversaires politiques avec l’aide des gendarmes belges. Les conflits se traduisirent par la mort d’environ 500.000 personnes. Ainsi s’envola le beau rêve de l’indépendance. Après la réconciliation nationale, ce rêve sera ranimé par le Premier ministre Moïse Tshombe (du 10 juillet 1964 au 13 octobre 1965). Son bref mandat redonna confiance au peuple, qui en quelques mois, retrouva dans une large mesure son pouvoir d’achat et la joie de vivre. Si bien que de véritables torrents humains se déversaient au Stade Tata Raphaël chaque fois qu’il y tenait un rassemblement. Hélas, la fête ne dura que 15 mois.
A la suite de démêlés politiques et sur décision du président Joseph Kasavubu, Tshombe perdit son poste de chef du gouvernement. Il s’en suivra une instabilité politique qui donnera prétexte au lieutenant-général Joseph Mobutu de « ramasser » le pouvoir, le 24 novembre 1965. Ses premiers discours aussi incendiaires que ceux de Patrice Lumumba, rallumèrent les espoirs du peuple. Il éreintait les « politicailleurs » de la première législature à longueur de ses discours et rassemblements « populaires » tout en annonçant des réformes et le recours à l’authenticité. Comme les « politicailleurs », Mobutu ne tiendra pas parole non plus. Une nouvelle génération de profiteurs aux appétits dévastateurs et voraces va s’emparer du fruit du labeur commun. Si bien que tout au long de la 2ème République, le peuple choyé sera réduit à un petit groupe d’enfants chéris et de protégés à qui il fera sans cesse des libéralités fabuleuses soit directement soit par des mécanismes de moins en moins sophistiqués comme les détournements tolérés des deniers publics.
Plus ça change plus c’est la même chose
Trente années après l’indépendance, le peuple se retrouva devant un autre 30 juin 1960. Il s’agit de la date du 24 avril 1990. Elle était censée marquer la fin officielle de la dictature. Ce jour-là, le président Mobutu annonça l’ouverture de l’ère démocratique. On vit des gens pleurer de joie. Ils étaient nombreux, comme le 30 juin 1960, à fêter cette sortie des affres de la tyrannie. La décision présidentielle fut ressentie comme une nouvelle libération, un départ, cette fois effectif, vers le paradis tant attendu. Mobutu était redevenu le Chef, le Père du peuple. Tout le monde s’attendait à ce qu’il assume avec plus de détermination sa fonction sociale de Chef de famille en vue de s’attirer davantage la sympathie du peuple et mieux confronter son pouvoir dans la démocratie. Ce fut le début de la longue attente de la 3ème République que lui-même présenta comme l’antidote à toutes les insuffisances de gestion de la 2ème République.
Deux ans après le lancement du processus démocratique, la situation n’a guère évolué. Elle s’est cependant empirée. Le peuple a continué à broyer du noir. Une autre idée fut inventée pour sortir le peuple de ses frustrations. Ce fut la Conférence nationale souveraine (CNS). Une sorte de palabre à l’africaine. Ses travaux débutèrent à partir du 7 août 1991. Les tenants de la dictature s’opposèrent à la tenue puis aux décisions du forum qui étaient exécutoires et opposables à tous. La CNS se termina, en décembre 1992, avec un arrière-goût d’inachevé. Où se trouvait donc le peuple après la fièvre de l’indépendance? Nulle part! L’insécurité, les mutineries, la pauvreté, les pillages sévissaient. Sans âme, le peuple fut balloté entre des individus sans foi ni loi. Il se résigna et se réfugia dans l’informel. Les activités informelles gagnèrent tous les secteurs y compris le spirituel et la religion. Les opérateurs politiques se préparaient encore à une autre comédie, celle des concertations et des négociations.
En octobre 1996, éclata dans l’Est du pays une rébellion fabriquée par des pays voisins. Elle prit le nom d’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo). L’entrée des rebelles dans des contrées était saluée comme une libération. Le maréchal Mobutu fut chassé du pouvoir le 17 mai 1997. Le président Laurent-Désiré Kabila imposa alors une nouvelle dictature. L’histoire du Congo a la fâcheuse tendance à se répéter. Sous des slogans révolutionnaires, les libérateurs se transformèrent en super prédateurs. Le peuple fut encore trompé. L’espoir de changement se transforma en une escroquerie politique. Le pouvoir de Mzee Kabila se délita avec les rébellions et séditions fomentées par Paul Kagame, Président du Rwanda qui a trouvé là le moyen de financer la prospérité de son pays grâce aux ressources naturelles exploitées illégalement au Congo.
Après le décès de Laurent Désiré Kabila le 16 janvier 2001 à Kinshasa, son fils Joseph Kabila prend sa succession. La prédation du pays continue de plus belle. Le trafic d’influence, la corruption et la concussion deviennent monnaie courante. Il dirige d’abord le pays en dilettante puis en despote. Le Rwanda continue de plus belle le pillage des ressources et fomente des troubles. Le peuple qui est encore trahi vit dans la précarité, dans une misère absolue. Sous pression du peuple et de la communauté internationale, Joseph Kabila organise, en 2018, des élections auxquelles il ne devait pas se présenter.
En janvier 2019, il y a passation démocratique du pouvoir entre lui et Antoine Félix Tshisekedi Tshilombo. Ce dernier hérite d’un pays exsangue et d’un pouvoir sans autorité de l’État sur l’ensemble du territoire. Soixante-trois années de patinage constituent une perte de temps énorme pour un pays aux potentialités immenses, capables de le propulser en moins de vingt ans dans le peloton de tête des pays émergents. Les dirigeants doivent se ressaisir en se souvenant du pacte du 30 juin 1960.
Gaston Mutamba Lukusa
Le pacte du 30 juin ne se fête plus par la seule volonté du pouvoir rwandais qui a réussi à l’imposer à leur supplétif Kanambe alors à la tête du pays. Et on voit bien que depuis le retrait arrangé de ce dernier, le Congo continue de renier son propre histoire. C’est une honte collective historique. A la place, on apprend que les congolais vont prier, dans une quête d’indépendance spirituelle. INDEPENDANCE SPIRITUELLE…c’est extraordinaire ! Il n’y a que les congolais pour inventer une telle billevesée…
C’est sûrement une occasion pour sortir des millions du trésor public pour se faire plaisir entre amis, frères, cousins, parents…au nom de…Jésus !
« Un peuple trompé », oui, mais le Congolais ne peut-il pas devenir conscient et ne plus se laisser toujours rouler dans la farine ? BATIAKA LOBOKO NA LIBENGA YA ZOBA KAKA MBALA MOKO, MAIS OYO YA CONGOLAIS EKOMI TRÈS INQUIÉTANT !
Très bel article. Le train de vie des députés au lendemain de l’indépendance avait été épinglé dans certaines chansons comme « Député moto ya mbongo » de l’OK Jazz. Beaucoup de gens retiennent de Tshombe son passé de sécessionniste et oublient que c’est aussi l’un des meilleurs Premiers ministres que nous ayons eus. Aux Archives générales de Belgique j’ai pu consulter les papiers de ses négociations avec les Belges sur la répartition des titres gérés par le Comité spécial du Katanga. le Congo s’en tirait plutôt bien vu ce qui s’est passé après avec la Gécamines. Son limogeage par Kasa Vubu a été l’une des pires erreurs de ce dernier selon moi.
Depuis un quart de siècle, à chaque anniversaire de l’indépendance du Congo-Zaïre, quand les congolais prennent le micro ou la plume pour parler de leur pays, ils versent dans un pessimisme affligeant. Ils ont toujours un regard de militant d’un extrême. Ils donnent l’impression que le Congo Indépendant égal l’EIC.
En 63 ans, RIEN, alors rien n’a été fait.
Lumumba, Tshombe, LD Kabila, Etienne Tshisekedi sont les seuls à avoir travaillé pour le pays. Immaculés comme les anges, les voilà enterrés dans le panthéon congolais, célébrés comme des Héros nationaux.
Un leader assassiné ou emprisonné, devient vite un mythe. Les peuples adorent les légendes pour entretenir son espoir.
On devait faire une lecture de notre histoire nationale sans passion. Et ce sera intellectuellement honnête et moralement juste.
A force d’être très polis et ultra hospitaliers envers leurs bourreaux Occidentaux Mondialistes Impérialistes, Occupants Envahisseurs Banyarwandas et Politichiens Collabos RDCIENS, les Kongolais meurent comme des mouches et des soldats inconnus depuis 63 ans. Quelqu’un (Arthur Schopenhauer) a dit » La politesse est, à l’instar des jetons, une monnaie dont on voit bien qu’elle est fausse. En user avec parcimonie témoigne d’étroitesse d’esprit. À l’inverse, en user généreusement est une preuve d’intelligence… Mais quiconque pousse la politesse jusqu’au sacrifice de ses véritables intérêts est comme celui qui donnerait de vraies pièces d’or à la place des jetons ». VIVE LE SOULÈVEMENT POPULAIRE. INGETA
30 JUIN 1960 – 30 JUIN 2023, 63 ANS D’INDEPENDANCE NATIONALE ET INTERNATIONALE, SI CA NE SE FETE PAS CA NE PEUT QUE SE COMMEMORER EN HOMMAGE A NOS PERES DE L’INDEPENDANCE ET A NOTRE HISTOIRE RECENTE !!!
Un peuple trompé du début à aujourd’hui ? Assurément un peuple qui doit se prendre en charge plus que jamais à cet âge. Nous voici en effet dans une précarité socio-économique galopante, une incurie politique endémique, une insécurité généralisée qui menace notre intégrité territoriale…
Dans son allocution, notre PR a l’honnêteté de fêter ce jour dans la tristesse mais ne se félicite pas moins d’organiser dans les délais constitutionnels des élections qu’il juge crédibles sauf qu’une large opinion nationale et internationale doute de leur transparence et de leur inclusivité au risque de contestations au destin imprévisible.
Voilà l’image de notre pays au peuple coupablement résilient qui rêve toujours d’un Congo plus beau qu’avant qui au lieu de s’offrir une parade militaire à sa fête nationale se réfugie dans une saison de prière où vrais prêtres et vrais charlatans se côtoient. Pendant ce temps notre Mulopwe ne cesse de radoter l’agression du pays par le Rwanda sans la matérialiser par des mesures fermes de suspension des relations diplomatiques, de fermeture de frontières, de plainte aux juridictions internationales et surtout de formation d’une armée dissuasive pour neutraliser l’ennemi.
Voilà notre pays trompé non seulement par les puissances étrangères mais par lui-même. Osons espérer que demain nous ferons mieux tous unis en évitant des discours diviseurs entre nous…