Réponse à une critique de ma vision de la démocratie

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

Récemment, j’ai posté dans le Groupe WhatsApp dénommé ‘Kwilu Politique’ les contours de ma vision de la démocratie dans un Etat multiethnique comme le nôtre. Celle-ci est tirée de mon livre intitulé « L’Ajustement politique africain. Pour une démocratie endogène au Congo-Kinshasa » (Paris, L’Harmattan, Montréal, L’Harmattan Inc., 1999, 284 pages), fruit de trois années de recherche en qualité de free-lance. Dans cet ouvrage, je pose le diagnostic de l’échec des processus de démocratisation en Afrique sub-saharienne, au lendemain des indépendances comme de nos jours. J’y propose également une alternative aux simulacres de démocratie en vigueur depuis la fin de la guerre froide. Ma pensée a fait l’objet d’une critique de la part d’un cadre du parti politique ECiDé du candidat à l’élection présidentielle Martin Fayulu Madidi, victime d’un hold-up électoral orchestré par le président Joseph Kabila et son successeur, président Félix Tshisekedi, à la suite de la présidentielle de 2018. Ephrem Elvis Kimpwene est son nom.

La critique est importante dans toute société. « Au choc des idées jaillit la lumière », avait écrit Nicolas Boileau, philosophe français du XVIIème siècle qui a légué à la postérité une autre phrase célèbre: « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ». J’ai pris connaissance de la critique résolument négative de mon contradicteur avec plaisir. Je lui réponds de la même manière dans les lignes qui suivent; ce qui rentre dans mes habitudes chaque fois que je vulgarise cette alternative aux démocraties de façade. Ma réaction s’articule en deux points: expliquer la raison d’être de ma vision de la démocratie tout en résumant celle-ci et critiquer la critique.

Ma vision de la démocratie

Quand on se penche sur le destin de l’Afrique indépendante, on constate aisément que celui-ci se joue dans un cercle vicieux. Après l’échec de la démocratie des années 60, on est passé à l’autocratie, au nom des objectifs de l’unité nationale et du développement qui ont également piteusement échoué, avant de retourner à la démocratie des années 90, qui s’efface de nouveau au profit de l’autocratie. Le résultat est consternant. Où est la faute? Du haut de mes trois années de recherche à Bruxelles, de 1996 à 1999, je suis arrivé à la conviction profonde que la cause principale de l’effondrement africain généralisé est à rechercher dans la démission des élites locales devant les tares du modèle politique hérité de la colonisation. Depuis les indépendances, les élites africaines ne sont pas parvenues à identifier le problème majeur posé par l’Etat en Afrique. Celui-ci, né du despotisme européen exacerbé par le colonialisme, a aplati toutes les ‘différences’ et contradictions inhérentes à la juxtaposition de populations en les soumettant à une centralisation forcée exogène. Les identités communautaires ou régionalistes ont été ignorées (voire instrumentalisées quand nécessaire) mais elles ont survécu et prospèrent en temps d’incertitudes.

L’Afrique souffre de ses structures politiques issues d’Etats-Nations quasiment inexistants sur le continent! Tout processus d’émancipation de cette camisole de force passe par un ajustement politique indispensable qui prenne en compte tous les niveaux des sociétés africaines et notamment la tribu, l’ethnie ou la région. Car, le vécu quotidien des populations le démontre suffisamment, le citoyen africain peut à la fois être loyal à son foyer culturel et à son pays territorial, à condition que sur le plan politique on invente des formules idoines sensées créer de l’harmonie entre différentes tribus, ethnies ou régions.

De ce diagnostic, j’ai conçu un modèle politique démocratique qui s’écarte des sentiers battus en plusieurs points. La démocratie est construite non pas sur base des partis politiques, qui sont d’ailleurs généralement des coquilles vides en Afrique, mais des provinces, avec la liberté pour chacune d’elles de sélectionner ses propres représentants à tous les niveaux du pouvoir national. Elle n’est plus conflictuelle comme en Occident mais consensuelle ou consociative, conformément à la culture politique traditionnelle africaine. Car, comme aimait à le répéter avec raison le président Mobutu, il n’existe aucun village africain où l’on trouverait d’un côté la résidence du chef et de l’autre celle de son opposant; ce qui ne signifie nullement que l’autorité du chef est incontestable ou sans contre-pouvoirs. Dans mon modèle alternatif, les législatives se déroulent comme du temps du MPR Parti-Etat avec des candidats qui n’ont que leurs atouts personnels à vendre auprès des électeurs. L’élection présidentielle se joue en trois temps. D’abord au niveau d’une nouvelle institution, le Conseil provincial où les élus du peuple de chaque province choisissent le candidat de celle-ci. Ensuite à l’Assemblée nationale pour retenir les trois meilleurs candidats. Enfin, au suffrage universel de la nation, avec des moyens égaux de campagne mis à la disposition des candidats par l’Etat, chacun d’eux ayant son colistier. La présidentielle ne connait aucun perdant véritable. Les trois candidats doivent se partager, selon l’ordre d’arrivée, les trois postes suivants: Président de la République, Président du Conseil des notables et Président de l’Assemblée nationale. Composée de candidats à la présidentielle recalés par l’Assemblée nationale, la nouvelle institution, le Conseil des notables, a pour rôle d’assurer le partage équitable et équilibré du pouvoir national entre les provinces ainsi que le bon fonctionnement des institutions. Notons que dans tous les simulacres de démocratie en Afrique, ce double rôle est attribué au Président de la République qui devient ainsi juge et partie, surtout au regard de la très haute potentialité de prédation de ce poste.

L’ingénierie institutionnelle ci-dessus vise à assurer la transparence dans l’accès aux postes politiques et administratifs là où a toujours régné l’opacité. Elle ambitionne de créer l’effectivité de l’unité et de la cohésion nationales là où depuis les indépendances on se contente des illusions. Elle protège le pouvoir d’Etat du monde extérieur mieux que ne le font les démocraties de façade, le financement des campagnes électorales des candidats à la présidentielle provenant de l’Etat lui-même. Mieux, elle vise surtout à briser la trop grande capacité de patronage du Président de la République dans les corps constitués de l’Etat et, par voie de conséquence, le clientélisme politique ainsi que ses corollaires, à savoir l’impunité dont jouit le président, la paralysie des contre-pouvoirs et la prise en otage de l’Etat par un groupuscule d’individus issus d’une même coterie tribalo-régionale; ce qui constitue le dénominateur commun des Etats africains à des degrés divers, de l’époque des dictatures à la Mobutu à nos jours.

Critique de la critique

La forme

L’analyse critique est un art. Pour la mener, il faut procéder en trois étapes. Dans un premier temps, il faut restituer fidèlement la pensée ou la thèse de l’auteur ainsi que les arguments avancés pour soutenir celle-ci. Ensuite, il faut articuler une analyse critique du texte, c’est-à-dire porter un jugement sur la valeur de la pensée de l’auteur en évaluant soit sa thèse, soit un ou plusieurs de ses arguments ou encore l’un de ses concepts. Et évaluer signifie avancer des arguments qui invalident cette pensée ou certains de ses aspects. Enfin, le critique doit présenter ses éléments de façon ordonnée dans une production écrite claire, rigoureuse et cohérente, en suivant notamment la division de toute rédaction en introduction, développement et conclusion.

Qu’en est-il de la critique de Kimpwene? Celui-ci restitue ma pensée. Mais de quelle manière! Pour être concis, je me suis limité à un paragraphe. Tenez! « Tout Congolais, *ressortissant d’une tribu*, désireux de participer à la course au fauteuil présidentiel dépose sa candidature au caucus de sa province *multi-ethnique ou tribale* de résidence en tant que citoyen, et non au nom d’une quelconque idéologie importée, (non maîtrisée, par ailleurs, par la plupart des congolais qui n’en ont aucun véritable ‘ancrage mental’, sauf ‘mimétique’) du reste suspendue en l’air puisque n’ayant aucun lien avec le vécu des populations ».

Tout au long de la restitution, Kimpwene pollue mon texte avec des commentaires sortis de son imagination comme si ceux-ci étaient des suites logiques de ma pensée à moi. Partout, mon texte est ponctué d’astérisques et de parenthèses ainsi que de mots qu’ils entourent mais qui ne sont pas de moi. Quand on prête délibérément et systématiquement à son contradicteur des propos qu’il n’a pas tenus, cela s’appelle de la malhonnêteté intellectuelle. Dans le cas présent, celle-ci ci est d’autant plus grave qu’elle déforme complètement ma pensée. Dans le paragraphe cité ci-dessus, par exemple, il serait illogique de ma part de présenter la notion d’idéologie importée comme « non maîtrisée […] par la plupart de Congolais qui n’en ont aucun véritable ‘ancrage mental’, sauf ‘mimétique' ». Car une idéologie est une prise de position face aux conflits, préoccupations et aspirations majeurs vécus par les populations d’un Etat. Les Congolais ont les leurs propres. Ils n’ont pas à se déterminer par rapport à ceux des Occidentaux. Ils n’ont pas à les maitriser. Car cela équivaudrait à une totale aberration, celle-là même qui explique que les idéologies importées par les partis politiques africains restent suspendues en l’air puisque ne mobilisant personne à commencer par les élites suiveuses qui les importent.

Le fond

La critique de Kimpwene contient trois attaques sur le fond de ma pensée. Primo, quand j’affirme que le système politique que je mets sur le marché des idées couperait les ailes au clientélisme politique, il ajoute un « *pas si sûr* » dans sa mauvaise restitution de mon texte. Là aussi, il s’y prend mal. Car il ne suffit pas de douter. Encore faut-il avancer des arguments à l’appui du doute. Mais des arguments, il n’y en a pas un seul.

Le clientélisme politique est une espèce de troc entre le Magistrat suprême et les Hauts commis de l’Etat. La pratique va du sommet jusqu’à la base de la pyramide sociale, chaque Haut commis ayant ses propres clients et ainsi de suite. Il s’agit-là d’un fléau qui mine la gouvernance du pays. Car, dans cet échange, le Magistrat suprême distribue puissance, gloire et richesse à travers des sélections/nominations aux postes politiques et administratifs, conformément à la Constitution. Puis, il attend des heureux nominés de la loyauté non pas à l’Etat mais à l’individu qu’il est. Le népotisme, le tribalisme et le régionalisme ne sont que des variantes de cette pratique dans la mesure où on s’imagine que la loyauté est mieux assurée par des membres de la famille biologique, de la tribu ou de la région. La stature du Président de la République comme Monarque de fait, Hommes-Etat, Loi-Faite-Homme ou encore Electron libre, agissant en toute impunité même quand il est coupable de haute trahison, provient de ce phénomène qui, au Congo-Kinshasa, est également source de cet autre antivaleur connu sous le vocable de « djalelo », c’est-à-dire l’obséquiosité des Hauts commis de l’Etat vis-à-vis du Magistrat suprême. Dès l’instant où la sélection de tous les Hauts commis de l’Etat échappe à ce dernier pour être désormais du ressort des Conseils provinciaux avec un Conseil des notables veillant au grain, mon négateur devrait expliquer par quelle porte passerait ce fléau pour perpétuer la mauvaise gouvernance endémique des Etats africains dans le cadre de ma vision de la démocratie.

Secundo, dans sa mauvaise restitution de ma pensée, Kimpwene ajoute treize fois le mot tribu ou ethnie ou leurs adjectifs. Lors d’une conférence de presse organisée le 24 octobre 2020 par la Radio Air Libre de Bruxelles au Press Club de la même ville, un participant avait eu exactement la même réaction. Il avait vu rouge quand j’avais déclaré qu’on pouvait construire la démocratie sur base des ethnies ou des provinces. Comme lui, mon contradicteur regarde la tribu ou l’ethnie avec les mêmes lunettes que les propagandistes de l’époque coloniale. Rappelons-nous ici que pour mieux asseoir la dichotomie entre colonisateurs et colonisés ou entre hommes civilisés et ceux à civiliser, la propagande coloniale avait donné des noms différents aux mêmes réalités selon qu’elles s’observaient en Europe ou dans les colonies. Certains de ces noms ont survécu. Ainsi, quand un citoyen du monde jadis colonisé quitte son pays pour s’installer en Occident, il est appelé immigré, avec toute la connotation péjorative collée à ce nom. Cependant, quand un homme occidental entreprend le même mouvement pour un Etat du Tiers-Monde, il devient un expatrié; ce qui sonne beau ou civilisé.

De même, les colonies étaient composées de tribus ou ethnies tandis que dans les métropoles vivaient des communautés ou des nations. Par ailleurs, comme l’a si bien écrit le professeur émérite M. Crawford Young de l’Université de Wisconsin-Madison dans son ouvrage « Introduction à la politique congolaise » (Bruxelles, CRISP, 1968), « des générations d’administrateurs et d’anthropologues, à commencer par Lugard [le grand théoricien du colonialisme britannique], avaient créé le stéréotype du Noir citadin, évolué et détribalisé. Il était entendu que ce nouvel Africain était totalement européanisé et coupé de son peuple ». Dans ce même ordre d’idées et s’exprimant une fois aux Etats-Unis sur les chances du deuxième processus de démocratisation dans son pays marqué par le multiethnisme, l’opposant historique Etienne Tshisekedi avait répondu que l’homme congolais avait dépassé le stade de la conscience tribale. Aujourd’hui, le favoritisme tribal est exacerbé au Congo-Kinshasa sous l’administration de son propre fils, le Président Félix Tshisekedi. La mystification des influenceurs de l’époque coloniale a fait rimer les mots tribu et ethnie avec passéisme, barbarie, anarchie et chaos. Elle a induit en erreur les élites africaines qui s’imaginent que pour construire un Etat moderne ou la démocratie, il faut dépasser la conscience tribale ou ethnique. Une erreur monumentale que Kimpwene reprend à son compte pour mépriser ma vision de la démocratie.

Les ethnies ne se retrouvent pas qu’en Afrique et dans les autres parties du monde anciennement colonisé. Elles existent aussi en Occident. En Belgique, les Flamands, les Germanophones, les Wallons sont des ethnies. Au Canada, les Anglophones et les Francophones sont des ethnies. Au Royaume Uni, les Anglais, les Ecossais, les Gallois et les Irlandais sont des ethnies. En Suisse, les populations ayant l’allemand, le français, l’italien et le romanche comme langues sont autant de différentes ethnies. Dans l’ex-République socialiste tchécoslovaque, les Tchèques et les Slovaques, qui se sont désormais séparés, étaient des ethnies. Dans l’ex-République fédérale de Yougoslavie, implosée par les apprentis sorciers américains et leurs caniches européens, les Albanais, les Bosniaques, les Croates, les Macédoniens, les Monténégrins, les Serbes, etc. étaient des ethnies. On pourrait ainsi multiplier les exemples.

Tertio, après avoir délibérément choisi de ne pas restituer fidèlement ma pensée, mon contradicteur m’accuse de faire du mimétisme: « en allant comparer un pays comme le nôtre, dont chaque province compte des dizaines d´ethnies et tribus, à la Belgique, par exemple, qui avec seulement 3 groupes ethniques ou communautaires (Flamands, Wallons, Germanophones), non compris les Bruxellois, connaît souvent certaines crises politiques gouvernementales qui durent, parfois, plus d´une année!!! Car il suffirait d´un petit mécontentement au niveau des tribus de la même province, les crises troubles de tribalisme, clanisme, népotisme risquent de détruire le pays à la base jusqu’à créer, voire, des sécessions que certains véreux politiciens manipulateurs pourraient fomenter pour devenir des roitelets dans leurs petits fiefs des villages, groupements, secteurs, territoires, districts ou provinces! ».

La citation ci-dessus appelle trois commentaires. D’abord, elle constitue une fois de plus une affirmation gratuite sans valeur dans une analyse critique. Car, Kimpwene n’explique pas pourquoi et comment « un petit mécontentement au niveau des tribus de la même province » risquerait « de détruire le pays à la base » du fait de l’appareillage politique que je propose. Ensuite, mon contradicteur croit avancer un argument d’une logique mathématique en comparant les situations ethniques de la Belgique et du Congo-Kinshasa. Pourtant, la simple observation de la vie des nations démontre que moins un Etat multiethnique a d’ethnies, plus grande est la probabilité des chocs frontaux ou sanglants. L’histoire du Burundi et du Rwanda est éloquente à cet égard, comparée à celle du Congo-Kinshasa. Enfin, en ironisant sur le modèle belge, ce que fit la Présidente de l’Assemblée Nationale Jeanine Mabunda répondant aux journalistes sur le retard dans la formation du premier gouvernement de « l’arrangement à l’africaine » entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, Kimpwene ignore que les crises politiques belges ne sont en rien comparables à celles des Etats faillis d’Afrique. La Belgique est un Etat démocratique avec une administration indépendante. En temps de crise politique, la vie des citoyens se déroule comme si de rien n’était. On va même jusqu’à se demander à quoi sert le gouvernement (Je vis en Belgique depuis 32 ans). En outre, la source principale des crises belges, le poids du passé ou la domination de plus d’un siècle des Wallons et les ressentiments des Flamands qui s’en suivent jusqu’à ce jour avec des demandes de confédération voire de séparatisme, n’existe pas au Congo-Kinshasa.

Conclusion

L’échec du deuxième processus de démocratisation de l’Afrique sub-saharienne était prévisible. Dans mon ouvrage cité ci-haut et publié bien avant la tenue des élections dites démocratiques de 2006 au Congo-Kinshasa, il est écrit noir sur blanc ce qui suit à page 130: « La démocratisation, comme tous les rêves qui accompagnent l’Afrique dans sa descente aux enfers, des indépendances à nos jours, a été mystifiée mais pas analysée. Marchant aux allures d’une seconde indépendance, elle nous transporte trois décennies en arrière quand, à la suite de l’amateurisme et de la démagogie de la classe politique, l’indépendance était déjà un objet politique non identifié. Erigées à leur tour en mythe, les assises qui devaient actualiser la démocratie, les conférences nationales, n’ont apporté aucune réponse aux problèmes fondamentaux de l’Etat en Afrique. Comme en 1960, on a cru qu’il suffisait d’importer la démocratie procédurale occidentale pour que la démocratie en tant qu’état d’esprit se mette en marche. Et comme en 1960, ‘l’Afrique noire est mal partie’ (dixit René Dumont). Les pays ayant réussi leur transition démocratique ne font pas exception à cette règle, car cette réussite ne veut nullement dire qu’ils ont réussi la démocratisation. L’Afrique profonde les attend au tournant. Elle les rattrapera tôt ou tard, comme elle a déjà rattrapé le Niger, le Burundi, la Sierra Leone, le Congo-Brazzaville, les Comores et la Guinée-Bissau ». On connait la suite.

En écrivant ce qui est souligné ci-dessus, je ne lisais pas dans une boule de cristal. J’analysais les faits. Et les faits sont têtus. On a beau répéter mille et une fois la même erreur, la démocratie conflictuelle et partisane dans des pays marqués par le multiethnisme, elle ne se transformera pas en solution. Aussi, face à l’échec, qui était prévisible et qui a lieu dans la quasi-totalité des Etats d’Afrique sub-saharienne, je propose une alternative, à savoir la démocratie consociative basée sur la province. Je développe la pensée laissée au stade embryonnaire du seul homme politique congolais en avance sur son temps pour avoir réfléchi à la démocratie. Il s’agit du Président Joseph Kasa-Vubu. Celui-ci rêvait déjà d’une démocratie consociative pendant que les autres hommes politiques congolais de l’époque vouaient un culte béat à la démocratie occidentale, état d’esprit qui nous poursuit jusqu’à ce jour, conduisant toujours à la même désillusion amère. J’offre un cadre concret à la pensée d’Amadou Hampâté Bâ, l’écrivain et ethnologue malien qui « est pour l’Afrique noire le gardien de haute mémoire et le défenseur vigilant d’une civilisation longtemps méconnue ». Celui-ci nous invite à refonder l’Etat africain pour le considérer comme un « Etat d’ethnies unies ». En la débarrassant de l’arbitraire et en y introduisant la transparence, je civilise la pratique réelle du pouvoir tout au long du mobutisme triomphant. Car, comme l’a écrit le professeur Isidore Ndaywel dans son livre « Histoire du Zaïre. De l’héritage ancien à l’âge contemporain » (Louvain-La-Neuve, Duculot, 1997), à cette époque-là, « chaque région constituait un groupement politique, doté de ramifications internes calquées sur des ensembles macro-ethniques déjà identifiés avec leurs groupes dominants et leurs minorités. La politicaillerie, qui avait cessé de se compromettre dans des manipulations de partis politiques, trouva à s’occuper en gérant ces multiples différences. Les nominations politiques constituaient elles-mêmes des chefs-d’œuvre de dosage de cette multitude de réalités ».

En tant qu’alternative à la démocratie mimétique dont les ravages ne sont plus à démontrer, allant jusqu’à discréditer l’idéal même de la démocratie, ma vision présente au moins l’avantage d’exister dans un désert conceptuel à l’échelle continentale. Toute critique est la bienvenue, à condition qu’elle détermine, arguments à l’appui, l’efficacité ou non de mon point de vue concret. Cela est malheureusement loin d’être le cas de la critique de mon contradicteur Kimpwene. Ce dernier n’a pas restitué fidèlement ma pensée. Il se borne à lancer des affirmations gratuites qui ne démontrent pas pourquoi et comment ma pensée conduirait ou ne conduirait pas à tel ou tel autre résultat ou conséquence. Pire, comme pour l’écrasante majorité des élites du continent, sa pensée à lui reste prisonnière du ravalement systématique des cultures africaines au rang de la sauvagerie par les influenceurs de l’époque coloniale. Comme en témoigne son aversion, conditionnée par la propagande coloniale, pour la tribu ou l’ethnie.

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

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