Assemblée nationale: L’étrange démission du député Lite Asebea

Au cours de sa séance plénière, lundi 2 août, présidée par Christophe Mboso Nkodia Mpwanga, l’Assemblée nationale a traité plusieurs points à l’ordre du jour dont la démission des députés Ilunga Nkulu Nene, Aimé Ngoy Mukena Lusa Diese et Lite Asebea, étiquetés Fcc (Front commun pour le Congo). Le cas Lite n’a pas manqué de passionner les téléspectateurs de la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC). L’homme a manifestement été « forcé » de renoncer à son mandat. Des députés se sont élevés contre la tyrannie des « autorités morales » des formations politiques en exigeant le respect de la procédure au niveau de la chambre basse.

Anciens membres du gouvernement Ilunga Ilunkamba (6 septembre 2019 – 26 avril 2021), Aimé Ngoy Mukena (ministre de la Défense et anciens combattants/Fcc-PPRD), Ilunga Nkulu Nene (Emploi, travail et prévoyance sociale/Fcc-AFDC-A) Lite Asebea (ministre des Droits humains/Fcc-CCU) ont démissionné par écrit et cédé leurs mandats à leurs suppléants. Il s’agit respectivement de Patient Mukena Yumba et de Paul Ilunga Nkulu wa Kiluba. Vous avez bien lu. Les patronymes des remplaçants ressemblent fort à ceux des démissionnaires. On se trouve manifestement dans une affaire de famille.

La plénière a, néanmoins, « pris acte » de la démission des deux premiers députés. Le dossier Lite devait être examiné plus tard. Et pour cause?

Le 12 mai, Lite Asebea – qui est membre du CCU (Convention des Congolais Unis) – a publié un communiqué de presse annonçant bruyamment son départ du parti de Lambert Mende. Il n’a pas omis de renoncer à son mandat parlementaire. Informé, le président de l’Assemblée nationale chargea son directeur de cabinet d’approcher l’intéressé afin d’obtenir « confirmation » de cette nouvelle. Une réponse parviendra au « dircab » dans ce sens.

Lors de la Plénière organisée lundi, plusieurs députés ont émis quelques « réserves » sur la procédure suivie par Lite. « Il y a eu entorse à la procédure du fait que le député Lite a saisi le directeur de cabinet du Président du Bureau et non la Plénière qui avait validé son mandat », dit un parlementaire. Celui-ci demande au président Mboso de ne pas « prendre acte » du cas Lite. Et ce pour non-conformité à l’article 95.3 du Règlement intérieur de la représentation nationale. Pour un autre députés, Lite Asebea devrait s’adresser à la Plénière. « C’est un problème qui concerne le parti dont je suis le président ». Qui parle? C’est le député Lambert Mende qui est par ailleurs président du CCU. L’homme n’a pas perdu son côté cassant.

Photo d’archives. Le député Lambert Mende Omalanga, ancien ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement

Selon Mende, son parti a fait venir du Haut-Uélé un suppléant qui attend depuis trois mois pour remplacer Lite Asebea. Inutile de faire un dessin pour réaliser que l’ancien ministre des Droits humains entretient des relations exécrables avec son ancien parti.

Réagissant aux murmures réprobateurs qui montent dans l’hémicycle, Mende monte à l’estrade. Sur un ton discourtois, l’ancien ministre de la Communication commence par suspecter ses collègues députés de lui « préparer une entourloupe », tonne: « On n’a pas à crier sur moi parce que nous ne partageons pas la responsabilité de ce parti entre ceux qui crient et moi ».

Les vociférations de « Lambert » n’ont guère infléchi l’hémicycle. Bien au contraire. « Le dossier d’un député à ce stade de débat n’a rien avoir avec le parti politique auquel il a appartenu », fait remarquer le PPRD Lucain Kasongo. « Il s’agit d’un député dont le mandat a été validé par notre Plénière ». Tout en convenant que la démission est un acte volontaire, « Lucain » qui est juriste de formation demanda un « minimum de respect de la procédure ». Parallélisme de forme oblige!

Séance tenante, le président Mboso pris son téléphone. Il forme un numéro. Le député démissionnaire Lite Asebea est bout du fil. Un gentlemen agreement fut conclu. Lite devait déposer sa lettre de démission au bureau du Président du bureau, lundi soir.

L’article 110-3 de la Constitution congolaise stipule que le mandat de député prend fin par « démission ». Les collègues de Lite Asebea paraissaient décidés à faire échec à ces « autorités morales » des partis ou plateformes politiques qui se croient en droit de congédier de manière cavalière les parlementaires récalcitrants. Tout laisse apparaître que ce natif du Haut-Uélé a renoncé à son mandat contre son « plein gré ».

Les spectateurs de la RTNC n’ont pas manqué de tressaillir en apprenant que l’Assemblée nationale congolaise est peuplée de « quelques familles ». Le suppléant de Nene Ilunga Nkulu s’appelle… Ilunga Nkulu wa Kiluba Paul. Celui de Ngoy Mukena Aimé s’appelle Mukena Yumba Patient.

Pour l’anecdote, les Congolais ont encore frais en mémoire une séquence vidéo dans laquelle sieur Aimé Ngoy Mukena prétendait être celui qui avait eu l’idée d’affubler « Joseph Kabila » du postnom de « Kabange ». L’objectif, disait-il, était de permettre au successeur de Mzee de passer pour « un vrai Luba du Katanga ».

On le voit, le Parlement congolais est pris en otage par « 600 familles ». Le mari ou l’épouse a pour suppléant ses enfants ou proches parents. « Il ne faut pas interdire ce que la loi n’interdit pas », pourraient ergoter les juristes. Il est vrai que la législation congolaise est muette sur ce phénomène qui ressemble bien à une « éloge du népotisme ». Et l’éthique dans tout ça?

 

B.A.W.

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