Ces « gaffeurs » qui entourent le Président « Fatshi »

Dans son discours à la nation, prononcé le samedi 10 décembre, le président Felix Tshisekedi Tshilombo a déclaré notamment que la justice ne doit faire l’objet d’aucune interférence. Coïncidence ou pas, le même jour, le « service courrier » de la Présidence de la République a réceptionné la lettre de démission du président du tribunal de commerce de Lubumbashi, Laurent Batubenga Ilunga. L’homme met en cause un proche du premier magistrat du pays. Le juge a-t-il été instrumentalisé? Une certitude: son coup d’éclat donne à sa démarche un relief politico-judiciaire. Cette affaire n’est pas sans rappeler le cas précédent de la juge Chantale Ramazani Wazuri.

« La justice élève une nation. Elle demeure la garantie de l’Etat de droit en ce qu’elle concrétise l’idéal de rendre à chacun ce qui lui est dû et exprime l’idée de l’égalité devant la loi ». Qui parle? Le président Felix Tshisekedi Tshilombo. C’était lors de son discours sur l’état de la Nation, samedi 10 décembre 2022.

Le même samedi, le Lushois Laurent Batubenga Ilunga, président du tribunal de commerce de Lubumbashi déposait – faisait déposer? – sa lettre de démission au Bureau du premier magistrat du pays. En s’adressant directement au chef de l’Etat, l’expéditeur voulait manifestement donner au fait dénoncé la dimension d’un « scandale politique ».

De quoi s’agit-il?

Dès le troisième paragraphe de sa missive, Laurent Batubenga articule des accusations gravissimes à l’encontre de l’UDPS Peter Kazadi. Selon lui, ce fidèle parmi les fidèles du président Felix Tshisekedi aurait exercé des « fortes pressions » sur lui afin qu’il valide des « saisies-attributions pratiquées sans titre exécutoire par les sociétés Octavia Limited et NB Mining Africa SA qui appartiendraient à Monsieur Pascal Beveragi dirigées soit contre la société Astalia Investment Limited qui appartiendraient à Monsieur Moïse Katumbi, soit contre les tiers qui auraient payé à cette dernière des sommes qu’ils détenaient pour le compte des deux sociétés précitées ».

Pour une meilleure compréhension, une « saisie-attribution » est une « procédure d’exécution forcée permettant l’attribution immédiate au profit du créancier d’une somme d’argent détenue par un tiers pour le compte du débiteur » (Dictionnaire du vocabulaire juridique 2021, LexisNexis, Paris).

SOLLICITATIONS SANS BASE LEGALE

Le juriste Batubenga qui traine derrière lui plus de vingt-six années d’expérience dans le monde judiciaire, refuse de courber l’échine. Mieux, il politise aussitôt sa démarche en affirmant noir sur blanc que Peter Kazadi lui a prétendu ne pas agir « pour son compte personnel mais dans l’intérêt du pouvoir ». Vous avez bien entendu!

A en croire Batubenga, Kazadi ne s’est pas arrêté là. Il a poursuivi en lui demandant de « s’impliquer » en sa qualité de président du tribunal de commerce « pour aider à priver un adversaire politique des ressources financières qui lui donneraient les moyens de combattre le régime lors des prochaines échéances électorales ». On a compris que l’objectif est de priver Moïse Katumbi Chapwe de moyens financiers.

Le juge est resté inébranlable: « Les saisies attributions pratiquées dans les sociétés Octavia Limited et NB Mining Africa SA ne pouvant prospérer faute de titre exécutoire », note-t-il avant de souligner qu’il n’est pas possible de faire droit aux sollicitations de Maître Peter Kazadi. Au motif que celles-ci n’ont aucune base légale. Bref, il s’agit d’une démarche politique.

Questions: le président Felix Tshisekedi – qui dénonçait dans son allocution précitée les interférences sur l’appareil judiciaire – s’est-il dédit en chargeant Peter Kazadi d’une mission assimilable au détournement de l’appareil judiciaire de sa mission? Garant du respect de la Constitution, « Fatshi » pouvait-il ignorer que le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice? Et si Peter Kazadi n’était qu’un de ces « gaffeurs » qui abusent de leur position autour du chef de l’Etat? Que dire de l’invitation adressée au juge Batubenga par Jean-Claude Bukasa? Conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité a.i, Bukasa pouvait-il ignorer qu’en sa qualité de membre du cabinet présidentiel, il n’est nullement fondé de donner des « directives » à un juge? Autre question: Laurent Batubenga Ilunga a-t-il été instrumentalisé?

LA PRECEDENTE AFFAIRE CHANTALE RAMAZANI WAZURI

En attendant de connaitre la vérité vraie, les faits révélés par le président Laurent Batubenga Ilunga n’est pas sans rappeler une affaire analogue divulguée par la juge Chantale Ramazani Wazuri. Présidente du tribunal de paix de Lubumbashi/Kamalondo, « Mama Chantale » avait dirigé le procès sur le conflit immobilier qui opposait le Grec Emmanouil Alexandros Stoupis contre… Moïse Katumbi Chapwe.

Dans une lettre adressée au ministre de la Justice (Alexis Thambwe Mwamba), en date du 25 juillet 2016, la juge dénonce en termes véhéments des menaces qu’elle subit pour apposer sa signature sur le jugement condamnant l’ancien gouverneur du Katanga. Ledit jugement rédigé dans un laboratoire à barbouzes était assorti de la peine accessoire d’inéligibilité. Kalev Mutond, alors patron de l’Agence nationale de renseignements était descendu à Lubumbashi en personne. La juge Ramazani n’a eu son salut qu’en prenant le chemin de l’exil.

Le 14 avril 2018, « Joseph Kabila » a signé plusieurs ordonnances dont une portant « démission d’office » de quelques magistrats. La juge Chantale Ramazani Wazuri y figure en bonne place.

Tous ceux qui ont combattu le « >banditisme d’Etat » à l’époque de « Raïs », n’entendent en aucun cas regarder sans réagir face à ces agissements sous le régime de Felix Tshisekedi. C’est une question de cohérence. L’Etat de droit, cher au Président Fatshi, aura du mal à prospérer aussi longtemps qu’un fossé béant va séparer le « dire » et le « faire ».

A quelques douze mois de l’élection présidentielle, le temps devient le plus grand adversaire de « Fatshi ». « Le Président-candidat à sa propre succession doit utiliser ce laps de temps pour gommer les aspérités qui collent à son image, estime un expert en communication. Et ce y compris les ‘gaffeurs’ qui l’entourent ».


Baudouin Amba Wetshi

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