Diplomatie: Où est passé l’ambassadeur de la RDC à Bangui?

Esdras Kambale Bahekwa, ambassadeur du Congo-Kinshasa en Centrafrique serait introuvable dans la capitale centrafricaine. Selon une source locale, « il aurait traversé le fleuve Ubangi pour se mettre à l’abri sur le territoire congolais ». Expéditeur d’une « dépêche diplomatique » destinée au chef de l’Etat congolais, le diplomate a été sidéré de retrouver ce document – transmise par le canal d’un conseiller à la Présidence – sur les réseaux sociaux.

Cette histoire pourrait se décliner comme une pièce de théâtre. En trois actes.

Premier acte: Faustin Archange Touadéra qui dirige l’Etat centrafricain depuis le mois de mars 2016 est en quête d’un troisième mandat. Au grand dam de ses opposants politiques et armés. Le comité de rédaction d’une nouvelle constitution mise en place a été invalidé par la Cour constitutionnelle en l’absence du Sénat. Le recours a été introduit par le Bloc républicain pour la défense de la Constitution (BRDC). Les groupes armés regroupés au sein du CPC (Coalition des patriotes pour le changement), dirigés par le nommé Ali Darassa, menacent de rentrer dans la capitale au cas où Touadera et ses « ultras » seraient tentés de recourir à un « passage en force ».

Décidé à réaliser son « rêve », le président Toudéra a trouvé un allié de choc en la personne de son homologue rwandais Paul Kagame. « Ceux qui se ressemblent, s’assemblent », dit-on. Les deux pays ont signé un accord de défense aux termes duquel des militaires rwandais sont affectés non seulement à Bangui mais aussi dans plusieurs villes frontalières du Congo-Kinshasa. C’est le cas notamment de: Mbaïki (Libenge/Sud Ubangui), Damara (Zongo/Sud Ubangui) et Bangassou (Bas Uélé).

Deuxième acte: Dans un article paru le 6 septembre, le média en ligne « Corbeaunews-centrafrique.org », étiqueté opposition, annonce l’arrivée à Bangui de 150 combattants du M23, camouflés en troupes régulières du Rwanda (RDF). « Pour le président Touadera, note cette publication, les mercenaires de Wagner et les militaires rwandais ne suffisent plus pour protéger son régime dictatorial. Il fait appel aux rebelles du M23, et ces derniers viennent d’arriver en République centrafricaine ».

Dans son édition datée du 22 septembre, le même média d’enfoncer le clou en confirmant la présence des « rebelles » du M23 au pays de Barthélémy Bonganda.

Troisième acte: Coïncidence ou pas, le 23 septembre, l’ambassadeur congolais à Bangui prend sa plus belle plume. Il écrit une note confidentielle qu’il destine au Président de la République par le canal d’un des conseillers à la Présidence. Issu des « services », Esdras Kambale Bahekwa a fait ce que tout Etat digne de ce nom attend de ses diplomates. A savoir notamment: observer et informer le pays d’envoi.

Christophe Lutundula Apala, VP/ministre congolais des Affaires étrangères

Dans sa dépêche diplomatique n°49/PR du 23 septembre 2022, le diplomate tire la sonnette d’alarme au vu du déploiement des militaires rwandais à Bangui et dans les villes frontalières citées précédemment. Selon l’ambassadeur Kambale, l’objectif avoué serait de « contrer les groupes armés qui forment la CPC ». Il note, par ailleurs, que « lors de la relève, des militaires rwandais rentrés au pays reviennent en RCA en qualité d’investisseurs dans l’agriculture, le commerce général et autres acteurs productifs ». Pour lui, « en réalité, ils sont des réservistes ».

On imagine l’embarras – le mot est faible – de l’ambassadeur Kambale de découvrir sur la place publique la dépêche diplomatique destinée au premier magistrat du pays. Croyant détenir un « scoop », des médias congolais diffusés sur YouTube n’ont pas hésité de publier ladite note en fac-similé. D’autres crient aux loups en parlant de « l’encerclement » du Congo-Kinshasa par des éléments du RDF « grillant » ainsi ce diplomate qui roule sa bosse dans ce métier depuis une vingtaine d’années.

Natif du Nord-Kivu, l’ambassadeur « Esdras » fait partie des fondateurs du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), cette « rébellion congolaise » qui a vu le jour… à Kigali en août 1998. C’était au lendemain de la rupture de la « coopération militaire » entre Mzee Kabila et ses ex-parrains ougandais et rwandais. En 1999, Kambale Bahekwa rejoint le RCD-Kisangani dirigé par Wamba dia Wamba.

Qui a « fuité » la note confidentielle de l’ambassadeur de la RDC en Centrafrique? Pourquoi? La fuite a-t-elle eu lieu à la chancellerie à Bangui où au Palais de la Nation? Qui est le conseiller qui était chargé de transmettre cette dépêche au Président de la République? Mystère!

Sans vouloir stigmatiser le représentant de la RDC à Bangui, force est constater que le Rwanda de Paul Kagame – et pourquoi pas l’Ouganda de Yoweri Museveni? – a laissé de nombreux « agents dormants » dans certains grands corps de l’Etat congolais. Les années AFDL, l’occupation de la partie orientale du pays et les dix-années de régime de « Joseph Kabila » ont permis l’implantation d’une « cinquième colonne » à démanteler.

Au moment de boucler ce « papier », il se confirme que l’ambassadeur congolais est toujours invisible à Bangui. Serait-il au Sud Ubangi? « L’ambassadeur Kambale est le seul chef de mission diplomatique à Bangui qui n’a pas de moyen de locomotion », confie une source locale bien informée. Une manière de dire que les diplomates congolais attendent toujours l’embellie promise lors de la conférence diplomatique tenue en février 2022 à Kinshasa.


Baudouin Amba Wetshi

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