Equateur: le candidat gouverneur qui fait débat

Wina Lokondo

Wina Lokondo

La prochaine élection du gouverneur de l’Equateur déclenche une forte polémique qui divise les habitants et les ressortissants de la province. En cause: la candidature annoncée de l’homme d’affaires Bolumbu Boloko dit « Bobo ». L’homme est un entrepreneur ayant ses activités à Mbandaka. Il est propriétaire d’une agence de transport de marchandises et d’une entreprise de construction. Une personne calme, timide et bienveillante. Comme qui dirait, un type sympa que le rédacteur de ces lignes connaît. Mais son très bas niveau intellectuel fait problème. Ainsi sa candidature, bien que soutenue par un bon nombre de députés provinciaux et probablement aussi par l’ancien gouverneur Jean-Claude Baende dont il est proche et dont il fut colistier candidat vice-gouverneur en 2016, ne passe pas auprès de l’élite intellectuelle de l’Equateur qui y voit un humiliant nivellement par le bas de leur province qui ne manque pourtant pas de compétences.

La politique ayant cessé en RDC d’être une activité réservée aux personnes « préparées » et qui ont la fibre pour le métier, Bolumbu Boloko y prend également goût et se présente à la députation nationale de 2011 à Mbandaka sous les couleurs du Pprd. Durant toute la campagne électorale, il parcourt la ville, distribuant – à la congolaise – billets d’argent et divers objets… sans un speech. Nul ne l’aura entendu parler bien que disposant, à l’époque, de sa propre radio. Il ne fut pas élu. Il est choisi en 2016 par Jean-Claude Baende comme son candidat vice-gouverneur. Ils n’obtiennent pas la confiance des députés provinciaux – les mêmes qui vont voter un nouveau gouverneur le 21 décembre prochain – qui choisirent Tony Bolamba. Obsédé par la fonction, « Bobo » revient à la charge et tient obstinément à devenir gouverneur. Et met tous ses moyens en jeu, notamment financiers. Depuis quelques mois, il s’est mis à « gâter » à outrance les députés provinciaux dont les 3/4 sont des suppléants ayant remplacé des titulaires élus en 2006, décédés ou déchus de leurs mandats pour cause de vagabondage politique. La très grande majorité d’entre eux est également très peu instruite, incompétente – moins de 15 édits votés (lois provinciales) par l’assemblée provinciale en 11 ans de mandature -, sans sens de l’honneur, proverbialement corruptible et sans culture politique. Tous ces députés se sont éloignés de leurs partis politiques et agissent en électrons libres. Seuls leurs intérêts personnels comptent, donnant dès lors leurs voix, à chaque élection, au plus (financièrement) offrant des candidats. Ici est notamment la cause de l’instabilité que connaît l’Equateur depuis quelques années. Aucun parti de la majorité présidentielle ni de l’opposition n’a aujourd’hui le contrôle politique effectif de la province. Les députés provinciaux n’écoutent personne plus personne. D’où l’actuelle arrogance et les incessantes comédies du président de l’Assemblée provinciale, Kulube Lofandje, qui dit à qui veut l’entendre: « Nous défions les prétendus leaders de l’Equateur de Kinshasa ». Et qui s’est permis dernièrement, en pleine séance plénière de l’Assemblée et se substituant à la Céni, de donner « ses » conditions d’éligibilité à la fonction de gouverneur de l’Equateur, parmi lesquelles, être résidant permanent dans la province. Sa déclaration n’est pas innocente.

En effet, Kulube Lofandje – après avoir aveuglément soutenu toutes les conneries de Tony Bolamba (qui lui avait offert, entre autres libéralités, une Prado neuve), réclamer son retour à Mbandaka et le lâcher une semaine plus tard en faisant voter une motion contre lui! – soutient ouvertement aujourd’hui la candidature de Bolumbu Boloko. Et afin de faire avaliser la candidature de ce dernier comme celle de la majorité présidentielle, Kulube a récemment voyagé avec lui à Kinshasa pour y rencontrer quelques personnalités de la kabilie. Soudoyés jusqu’à la moelle épinière, un nombre important de députés provinciaux, a-t-on appris, acceptèrent d’être amenés comme des moutons de Panurge – billets d’avion et frais de séjour entièrement pris en charge par « Bobo » -, pour être présentés comme preuves de voix déjà acquises en faveur de celui-ci! La démarche a tourné court après une première audience accordée à Kulube Lofandje et au candidat Bolumbu Boloko par un grand chef de la majorité présidentielle. Celui-ci n’en est pas revenu lorsque Kulube, après avoir expliqué la raison de leur visite et avant de passer la parole au candidat gouverneur de l’Equateur, dit à leur hôte: « Accepteriez-vous que monsieur Bolumbu s’adresse à vous en lingala? (Sic) » Ce dernier qui mène ses affaires et fait sans doute bien ses calculs comptables, ne maîtrise pas la langue française. Rares sont ceux qui l’ont entendu parler. Jean-Claude Baende et Kulube Lofandje non plus.

Ici est le lieu de dire: la fonction de gouverneur de province n’est pas une petite fonction comptable. Non. Elle est d’abord une haute fonction de représentation. Le gouverneur représente la province auprès des tiers. Il est également le représentant du pouvoir central dans sa province. Il a sous son autorité l’administration provinciale et les entreprises publiques provinciales. Il matérialise le programme de son gouvernement et dirige les réunions du conseil des ministres. Il y donne les orientations de son action et procède aux nécessaires arbitrages. Il dirige son cabinet politique composé de ses conseillers aux attributions et compétences diverses. Il traite quotidiennement, avec leur concours, en amont et en aval, de nombreux dossiers et courriers qui lui sont adressés. Ils les annotent, donne des orientations…en français, langue de l’administration publique en RDC. Il dirige le comité provincial de sécurité où aucun de ses ministres ou conseiller ne prend part. Il est le premier interlocuteur de tous ceux qui arrivent dans la province (autorités nationales ou organismes internationaux). Il rend compte à l’Assemblée provinciale de l’action de son gouvernement. Il rend médiatiquement compte à l’opinion tant nationale qu’internationale de graves problèmes qui surgissent dans la province.

Aime-t-on vraiment sa province en acceptant de confier la fonction de gouverneur en ce 21ème siècle, celui du savoir, à quelqu’un qui n’a pas correctement fait des études secondaires, qui est sans un minimum de culture intellectuelle, sans pré requis théoriques nécessaires à la compréhension du monde moderne et de ses diverses réalités, qui ne maîtrise pas la langue de travail, le français? Est-ce sérieux? Le postulant Bolumbu Boloko est-il, lui-même, conscient du poids de la fonction qu’il ambitionne d’assumer? A moins qu’il se dise, comme on entend aussi certaines personnes le dire, que les autres (ministres et conseillers) feront le travail à sa place! Et qu’est-ce que lui fera-t-il entretemps? Il se trompe s’il penserait ainsi. Le gouverneur Tony Bolamba et certains de ses prédécesseurs eurent aussi leurs ministres et leurs conseillers. Se pose-t-on la question de savoir pourquoi ils ont presque tous échoué? Leurs échecs ont pour noms: incompétence et inexpérience. Et si les détournements de biens et de fonds de la province s’y ajoutent, ces gestionnaires y sont parvenus, c’est connu, avec l’aide et en connivence avec des entrepreneurs économiques locaux – je les vois, suivez mon regard – et en pleine connaissance et protection politique des députés provinciaux, les mêmes. Peut-on dès lors dire qu’on aime sa province simplement parce qu’on y habite en permanence ou parce qu’on y a construit une maison? Avouons que c’est ridicule comme arguments pour exclure de la compétition des Equatoriens dont le « péché » est d’être allé étudier et occuper des fonctions et avoir fait carrière ailleurs… Y a-t-il de la gloire à n’avoir jamais quitté la province et ne l’avoir pour autant pas fait progresser?

 

Par Wina Lokondo, 13.11.2017

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