Histoire des rwandophones racontée aux générations futures de la RDC

En réaction au communiqué final du « mini-Sommet sur la Paix et la Sécurité dans la région Est de la RDC », tenu à Addis-Abeba, le 17 février 2023.

I. Introduction

Maître Tshiswaka Masoka Hubert

Le communiqué final du « mini-Sommet sur la Paix et la Sécurité dans la région Est de la République démocratique du Congo (RDC) », tenu à Addis-Abeba, le 17 février 2023, recommande à son point e) « le retour en RDC, des réfugiés congolais qui se trouvent au Rwanda, […] ». Des « réfugiés rwandophones congolais »? Cet ahurissant questionnement vient des familles des soldats morts dans l’accomplissement du devoir que leur assigne le droit international: défendre leur territoire national et son peuple. Le présent papier résume l’opinion d’un congolais moyen vivant dans l’une des provinces éloignées des frontières avec le Rwanda. Elle se forge, à force de discuter de la politique du régime actuel au Rwanda vis-à-vis de la RDC. La réflexion aide à comprendre le concept « rwandophone congolais », à la lecture de l’étymologie du concept. Elle retrace l’enjeu revêtu par lesdits « réfugiés rwandophones » en Ouganda, au Rwanda et en RDC. Et formule des recommandations aux générations futures congolaises.

II. Quid des rwandophones congolais?

En français facile, « rwandophone » contient le préfixe « rwando » qui est un indicatif de formation constituant la base même du mot. Il renvoie aux personnes originaires du Rwanda ou Banyarwanda. Et, le suffixe « phone », un élément placé après son radical pour former le dérivé « rwandophone ». Il réfère à celui qui parle la langue du Rwanda, couramment appelé KinyaRwanda. Ainsi, la simple étymologie conclut que rwandophone tire son origine du Rwanda. Il désigne indistinctement toute personne locutrice de la langue du Rwanda. Il ne constitue ni un groupe ethnique, ni un mouvement politique. Alors, existent-ils des « rwandophones congolais »? Bien sûr que oui. Au regard de ce qui précède, il est logique de trouver des locuteurs du KinyaRwanda, en RDC. Cependant, le problème découle des erreurs stratégiques dans l’usage abusif du concept « rwandophone congolais » par des individus aux ambitions politiques. Même des combattants Interhamwe recyclés sur l’ile d’Iwawa, sont retournés en RDC, sous le label de « rwandophones congolais ».

III. Les trois erreurs des « Rwandophones congolais »

La première erreur des groupes politiques « rwandophones » est de vouloir servir le Rwanda, en espérant gagner des contreparties sur la RDC. L’histoire démontre que toutes les guerres de revendications « rwandophones » sont conçues au Rwanda et exécutées en RDC, par le Rwanda, au nom des rwandophones. Des vastes campagnes médiatiques sont entièrement couvertes par les services de renseignements rwandais. La deuxième erreur est de s’auto-stigmatiser en s’éloignant du reste des Congolais. A titre illustratif, il est de notoriété publique que la RDC soit complètement désorganisée et corrompue. Cependant, les Congolais s’y attachent et trouvent en cela le motif de participer à la gestion de la chose publique. Contrairement aux groupes politiques rwandophones qui y trouvent l’occasion de s’en moquer, magnifier le Rwanda qu’ils présentent comme modèle et justifier leur participation aux crimes contre les Congolais. La troisième erreur est de vouloir imiter le parcours du FPR/APR du Rwanda sur la RDC. Partir des camps des réfugiés, créer un mouvement politique armé mono-ethnique et prendre le pouvoir. La population qui constitue l’Etat congolais est composée des centaines des groupes ethniques interférant avec le pouvoir central, en contribuant avec des terres au territoire national. Vouloir amputer l’Etat ainsi construit, d’une portion de son territoire, suscite la solidarité des autres groupes d’apparence hétéroclites.

IV. Réfugiés rwandophones, parcours et enjeu stratégique de Kigali

Le régime actuel à Kigali tire ses origines de l’ancienne association de réfugiés installés en Ouganda (vers 1970), la Rwandese Refugee Welfare Foundation (RRWF). Dès 1979, RRWF se mut en mouvement politique, la Rwandese Alliance for National Unity (RANU), devenu Front Patriotique Rwandais (FPR), en 1987. A partir de 1981, lesdits réfugiés s’associèrent à la guérilla de Yoweri Museveni, le National Resistance Army (NRA), contre le gouvernement ougandais. En 1986, le Président d’alors, Milton Obote fut renversé par Museveni, avec l’aide des réfugiés dont Fred Rwigema, fondateur du FPR, devenu secrétaire d’État à la Défense, puis conseiller du président Museveni; Paul Kagame, chef de la sécurité militaire ougandaise; Sam Kaka, chef de la Police militaire ougandaise; Dr Bayingana, chef du service de santé de l’armée ougandaise; et Musitu, responsable du service d’entraînement des militaires ougandais. Dès 1986, émerge la protestation d’officiers ougandais contre le contrôle de leur armée par des rwandais. Au regard de ce malaise, ces réfugiés rwandais bénéficièrent des formations militaires et appui logistique des Etats Unis d’Amérique (U.S. Army Command and General Staff College), afin de créer leur propre armée. Paul Kagame fut formé à l’École supérieure de guerre de Fort Leavenworth (Kansas). A partir des camps des réfugiés de l’Ouganda, le FPR lançait des offensives militaires contre le Rwanda et finit par renverser le pouvoir d’Habyarimana, en 1994. Le régime vaincu déversa un flot incommensurable d’autres réfugiés en RDC, alors Zaïre. A cet instant, le FPR devint l’Armée patriotique rwandaise (APR). Par crainte de voir des nouveaux réfugiés se transformer en mouvement politique contre le Rwanda, l’APR bombarda, du 25 au 26 octobre 1996, les camps de Kibumba, Mugunga, Katale, Kahindo et Lac Vert. En mai 1997, il prit le pouvoir à Kinshasa, sous le label d’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) et mit l’actuel conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de Sécurité et défense, le général James Kabarebe comme chef d’Etat-Major Général des forces armées congolaises. En juillet 1998, suite à la protestation des Congolais contre le contrôle rwandais de l’appareil sécuritaire de l’Etat, le président L-D. Kabila décida de renvoyer ses alliés. Ceux-ci déclenchèrent la guerre de pillage systématique des ressources du pays, le 02 août 1998, sous le label du Rassemblement des Congolais pour la Démocratie (RCD). A partir de cette période, le Rwanda passa au premier rang mondial d’exportateurs des matières précieuses, minerais stratégiques et métaux rares. Avec l’appui des Occidentaux, le régime de Kagame conçoit et met à exécution une politique de pillage systématique des ressources naturelles du Congo. L’on peut citer comme exemple, l’apport de Tony Blair, ancien Premier ministre de la Grande Bretagne de 1997 à 2007, et conseiller du président Kagame, à partir de 2008. Il facilitait des opérations suspectes sur le plan international, en utilisant ses entreprises Tony Blair Associates, Firerush Ventures Ltd et Windrush Ventures Ltd. En plus, son épouse, Cherie Blair est l’avocate de la firme israélienne NSO Group et Pegasus Spyware qui produit du matériel technologique sophistiqué d’espionnage. Il est connu que les vrais motifs politiques des « rwandophones » se trouvent dans la cynique politique du Rwanda vis-à-vis de la RDC, largement documentée par le Groupe d’experts des Nations Unies, la MONUSCO ainsi que des ambassades basées à Kigali. Cette entreprise est accompagnée des différents narratifs, au nom des rwandophones qui revendiqueraient, selon des époques: (i) la nationalité zaïroise collective (AFDL, 1997-1998); (ii) l’intégration collective dans l’armée et autres institutions publiques (RCD, 1998-2003); (iii) lutter contre le pouvoir tribaliste de Kabila, ramener les réfugiés du Rwanda et éradiquer les FDLR, (CNDP, 2006 à 2009); (iv) l’intégration collective au sein des FARDC et la fonction publique, ainsi que le rapatriement des réfugiés du Rwanda. (M23, 2009 – 2012 et 2022).

V. Au Rwanda, la guerre est érigée en politique de gestion de l’Etat

La gestion de l’Etat rwandais est strictement militarisée. Les maîtres de Kigali, depuis juillet 1994, n’ont connu que de la guerre. Des individus au parcours atypique, nés et grandis dans des camps de réfugiés, avant de devenir miliciens en Ouganda, militaires au Rwanda et mercenaires des guerres par procuration, en RDC. Ils utilisent la guerre comme politique de gestion de l’Etat rwandais. Leur contrôle permanent et autoritaire des combattants se résume en trois points: (i) les occuper à assurer la pérennité du pouvoir politique, (ii) les rendre économiquement productifs, en pillant le géant voisin désorganisé, et (iii) les utiliser contre toute forme de menace venant du régime précédent. Le président Paul Kagame lui-même, quand il en parle, il dit: « Que ceux qui veulent parler de la guerre me demande », disait-il au président Tshisekedi. Dans une approche cynique, le gouvernement militaire rwandais se dit « éviter tout affrontement armé à l’intérieur du petit pays à forte densité ». D’où, il entretient la guerre ouverte au-delà de ses frontières, en RDC. En décembre 2015, par référendum adopté à 98% des voix, le général Kagame a modifié la Constitution qui lui permet de briguer d’autres septennats et de diriger le pays jusqu’en 2034. Il a organisé et gagné des élections de 2017, avec 98,66% des voix. Son fils, Ian Kagame s’occupe de la garde présidentielle. Il a suivi une formation militaire à United Kingdom’s Royal Military Academy. Les protestataires sont emprisonnés ou contraint à l’exil, tels les opposants Victoire Ingabire, Diane Rwigara, Deo Mushayidi, Paul Rusesabagina. L’autre fils, Ivan Kagame, très proche du fils de l’ancien britannique (EUAN BLAIR), est directeur à la Rwandan Developement Board (Agence de développement national) qui gère des fonds provenant de l’exportation des minerais. Il supervise des opérations économiques via des connexions économiques de Tony Blair au Kazakhstan. Des militaires rwandais qui ne veulent pas de la guerre, sont perçus comme un danger contre le régime. Ils s’ajoutent aux opposants à faire taire, ainsi que des journalistes, défenseurs des droits humains et YouTubeurs. A titre d’exemple, l’ancien chef d’Etat-major, le général Faustin Kayumba Nyamwasa Faustin, est contraint à l’exil en Afrique du Sud (RSA) et le colonel Patrick Karegeya, ancien chef des renseignements, fut assassiné en RSA.

VI. Recommandations aux futures générations congolaises

Chaque peuple a le devoir de connaître son histoire, fut-ce-t-elle douloureuse. En l’espèce, l’histoire des réfugiés qui se transforment en mouvements politiques et leur conquête des pouvoirs dans la région des grands lacs. La grosse erreur des rwandophones congolais est de vouloir imiter le parcours du FPR/APR du Rwanda. Partir des camps des réfugiés, créer un mouvement politique armé mono-ethnique et prendre le pouvoir. Il leur est recommandable de trouver une noble voie de contribuer, avec leurs énergies et intelligence, à la construction de l’Etat congolais, plutôt que de servir la cynique politique machiavélique du Rwanda contre la RDC. Agir contrairement ne laisserait de choix à la RDC que d’avancer sans eux, de gré ou de force. Enfin, avant de recommander le retour des réfugiés congolais qui se trouveraient au Rwanda, le mini-Sommet sur la Paix et la Sécurité à l’Est de la RDC devrait trouver bizarre que ces réfugiés exigent un accueil chaleureux chez eux, en tuant leurs propres soldats commis à la défense de leur territoire national.


Maître Hubert Tshiswaka Masoka Hubert
Avocat et défenseur des droits humains.
Lubumbashi, le 23 février 2023.

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