Kinshasa: rentrée parlementaire et climat politique mortifères

Les parlementaires congolais, hors mandat depuis 2012, ont repris, mercredi 15 mars, le chemin du Palais du peuple inaugurant la « session de mars » du « Pouvoir législatif ». Cette « rentrée » intervient à quelques neuf mois de la date fixée (23 décembre prochain) pour la tenue de l’élection présidentielle, des législatives et des provinciales. La répartition des sièges par circonscription électorale sera la mère de tous les enjeux. Des opposants suspectent le pouvoir de vouloir « gonfler » le nombre des « inscrits » dans certaines provinces. Des voix s’élèvent pour exiger l’audit préalable du fichier électoral. Bien qu’inéligible, « Joseph Kabila » entretient un mystère insondable sur son sort. Partira? Partira pas? D’aucuns le suspectent à nouveau de concocter un scénario à la « Poutine/Medvedev ». Qui jouera le rôle de « Poutine »? Qui sera « Medvedev »? Pendant que le Congo-Kinshasa baigne dans une incertitude angoissante, le « raïs » – dont le bilan est très peu reluisant – envisage l’avenir avec « optimisme ». A preuve, les communicateurs de son « clan » affichent une arrogante sérénité à l’image de l’étudiant qui connait déjà les questions et les réponses d’un examen.

Les Congolais iront-ils aux urnes le 23 décembre prochain pour choisir librement leur nouveau Président de la République et leurs députés tant nationaux que provinciaux? Rares sont les ex-Zaïrois qui osent répondre par l’affirmative. La triple répression des manifestations pacifiques du 31 décembre 2017 et des 21 janvier et 25 février 2018 ont exacerbé la crise de confiance qui était déjà perceptible. « Kabila n’a pas encore dit son dernier mot », assure la plupart des citoyens dans des conversations privées.

Les tenants de cette thèse citent, à l’appui, la multiplication de foyers de tension aux quatre coins du pays. C’est le cas au Kasaï central, au Nord Kivu (Beni-Butembo), en Ituri et dans le Tanganyika. Pour eux, « Kabila » serait à la recherche d’un prétexte pour imposer l’état d’urgence et partant, reporter les consultations politiques sine die. Ne contrôle-t-il pas l’armée, la police et les services de renseignements civils et militaires? Que dire du trésor public?

A Bruxelles, l’abbé Donatien Nshole, porte-parole de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) a surpris, jeudi 15 mars, en balayant d’un revers de main l’idée d’une « transition sans Kabila ». Il est vrai que celle-ci est soutenue essentiellement par l’UDPS et des mouvements citoyens. Nshole a également surpris en annonçant la volonté des évêques catholiques de décréter une sorte de trêve en tournant les yeux résolument vers l’avenir. Un avenir qui passe par « la préparation de bonnes élections, crédibles et transparentes ».

PRIORITÉS DES PRIORITÉS

A Kinshasa, les parlementaires ont fait, jeudi 15 mars, leur rentrée dans le cadre de la session de mars. Dans son allocution inaugurale, le président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku – qui porte également la casquette de secrétaire général de la mouvance kabiliste dite « MP » – a épinglé l’adoption de la « loi fixant la répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections législatives et provinciales » et la « probable modification » de la loi électorale à la demande de la Cour constitutionnelle parmi les points prioritaires. Sans omettre la loi portant mesures d’application de l’article 26 de la Constitution qui proclame la liberté de manifestation.

A en croire le président de la Chambre basse du Parlement, « la tenue des élections du 23 décembre 2018 » sera « la priorité des priorités » au cours des débats.

Il importe d’ouvrir la parenthèse ici pour signaler les propos tenus la semaine dernière par l’ancien président de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) Daniel Mulunda Ngoy. Ancien « conseiller spirituel » du successeur de Mzee, ce dernier a plaidé, au cours d’une intervention sur la « Télé 50 », pour l’organisation d’une « table-ronde » réunissant le personnel politique. « Pasteur Daniel » semblait lancer un ballon d’essai. Etait-il en « mission commandée »? La position de la CENCO exprimée jeudi 15 mars par abbé Donatien Nshole incline à penser que l’église catholique et le pouvoir kabiliste font l’objet des pressions accrues afin qu’ils jouent la carte du compromis. Aubin Minaku a confirmé dans son speech que le Bureau de l’Assemblée nationale est saisi par l’UDPS pour obtenir le remplacement de son délégué Jean-Pierre Kalamba. Et ce au grand dam de l’UDPS/Tshibala. Fermons la parenthèse.

Au Sénat, le président Léon Kengo wa Dondo s’est félicité du « bilan louable » que la Chambre haute du Parlement est en droit de dresser au bout des onze années d’activité.

Selon lui, durant ce laps de temps, 250 lois ont été votées. Pour lui, il s’agit d’un « score louable » au regard des objectifs poursuivis « à savoir assurer le mieux-être et la sécurité des populations, ouvrir les voies à une émergence durable, affermir l’Etat de droit dans la cité et conduire le pays à des élections libres, crédibles et démocratiques ».

Kengo a exprimé l’espoir de voir le pays tirer profit de la montée des cours des matières premières « afin d’améliorer les conditions de vie de la population ». Sera-t-il entendu?

« TSK »

A quelques neuf mois de la date prévue pour les élections précitées, le Congo-Kinshasa affiche le visage d’un pays qui s’enfonce chaque jour dans l’impasse. D’une part, l’opposition ne croit guère à l’indépendance de la CENI. Encore moins à la fiabilité des « machines à voter ». De l’autre, en dépit de ses « gros biceps », le « clan kabiliste » est conscient que sa « victoire » éventuelle plongera le pays dans une crise politique aux conséquences imprévisibles.

En Afrique du Sud, les « Katumbistes » ont lancé le week-end dernier la plateforme « Ensemble pour le changement ». Nombreux sont des militants de base de l’UDPS qui se disent « soulagés ». Au motif qu’ils ne voyaient pas d’un bon œil la proximité entre « Félix » et « Moïse ». Il en est de même de la présence des bonzes du G7 aux côtés des cadres de l’UDPS.

A Kinshasa, on assiste à la gestation d’une improbable coalition UDPS-ECIDé-PALU et MLC. Ici, le slogan semble tenir en trois lettres: « TSK ». Tout Sauf Kabila ou Tout Sauf Katumbi? L’avenir seul le dira. En attendant, la rentrée parlementaire de ce 15 mars 2018 a lieu dans un climat politique explosif…

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018

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