La relance de la MIBA se fait attendre

Selon les syndicats, un plan global de relance de la MIBA se chiffre entre 220 et 350 millions de dollars. En définitive, l’Etat doit cesser de subventionner cette entreprise.

Gaston Mutamba

Autrefois fierté nationale et foyer de richesses, la société Minière de Bakwanga (MIBA) n’est plus que l’ombre d’elle-même. Cette entreprise constituait pourtant un foyer de richesses dans le Kasaï. Elle faisait vivre près de 40.000 personnes, employés et familles sans compter les fournisseurs et les sous-traitants. L’Etat détient 80% du capital tandis que les 20% restants appartiennent à des privés, à savoir la société SIBEKA.  Ses concessions s’étendent sur 78.000 km². La situation actuelle de la MIBA est la conséquence d’une mauvaise gestion combinée aux ponctions opérées en diamant et en espèces (135 millions de dollars) à la fin des années 1990 par le gouvernement des Kabila au motif de l’effort de guerre. Il faut ajouter les pertes cumulées sur plusieurs exercices imputables à une production de diamants inférieure au seuil de rentabilité qui est de 7 millions de carats ainsi que la baisse de la teneur géologique. Le programme d’investissement de la société s’en est donc trouvé gravement menacé. Il en est de même de l’équilibre financier. La production de diamants a commencé à régresser. Elle n’était plus que de 4,6 millions de carats en 2000 contre 6,8 millions de carats en 1998 soit une baisse de 32%. Pour la remettre à flot, l’Etat a débloqué en 2020 un montant de 5 millions de dollars sur les 10 millions demandés par la société. Cela n’a pas suffi à la redresser. L’entreprise est juste parvenue à produire 42.000 carats de diamant de septembre 2020 à janvier 2021. D’aucuns estiment qu’elle a besoin pour son démarrage d’un financement d’au moins 60 millions de dollars. Suivant les syndicats, un plan global de relance de la MIBA se chiffre entre 220 et 350 millions de dollars.

Dan Gertler s’en mêle et dépouille la MIBA

Dan Gertler

Dan Gertler

Pour faire face à toutes ces difficultés, la MIBA avait signé en date du 13 avril 2003, pour une période de quatre ans, un contrat fort controversé avec EMAXON, une société du groupe DGI (Dan Gertler International). En contrepartie d’un prêt de 15 millions de dollars américains, la MIBA s’était engagée à vendre 88 % de sa production à EMAXON, les 12 % restants étaient proposés au tender. Cet accord prévoyait  une ristourne de 3% sur les achats de diamants ainsi qu’une décote sur les prix. Beaucoup d’experts du diamant estimaient que ce contrat était léonin et sapait les intérêts de la MIBA. Des analystes estimaient que l’entreprise perdait quelque 2 millions de dollars par mois du fait de la sous-évaluation des diamants. L’accord devait permettre à la société d’acquérir de grosses machines, dont la durée de vie était estimée à 50 ans. Il s’agit d’une laverie industrielle de kimberlite, d’une dragline pour travailler dans les marécages, et de l’aménagement du site hydroélectrique de Tshiala pour porter la puissance produite de 12 Mégawats à 18 Mégawats. Ce potentiel énergétique devait permettre la MIBA d’assurer l’alimentation électrique dont elle a besoin et de  garantir l’eau et l’électricité à la population. Deux ans après la signature de ce contrat, la MIBA était toujours confrontée à une crise aiguë de trésorerie. Les travailleurs connaissaient des arriérés de salaires. Les fournisseurs n’étaient  pas payés. L’eau et l’électricité étaient toujours rares à Mbuji Mayi. La production n’avait pas augmenté de façon spectaculaire. Elle était passée de 6 millions de carats  en 2002 à 7 millions en 2004. Les prévisions en 2005 étaient de 8 à 8,5 millions de carats. Cette situation était due au fait que l’investissement n’avait pas été entièrement réalisé. Ainsi, la production de diamants est passée de 7.269.403 carats en 2004 à 5.666.761 de carats en 2005 et enfin à 2.803.208 de carats en 2006. Signalons qu’après l’arrêt de la production en mars 2007 suivies des grèves des travailleurs, le gouvernement apporta son concours en mai 2007 à la MIBA. Cette société  put bénéficier d’un prêt de 11 millions de  dollars auprès de la RawBank et des interventions économiques du gouvernement de l’ordre de 34,34 millions de dollars. Cela se n’a pas suffit à mettre l’entreprise à flot. La production n’était plus que de 984.080 carats en 2008. Le contrat d’achat et de vente de diamants conclu avec EMAXON  fut résilié en avril 2008 et le gouvernement s’engagea à rembourser les 14 millions de dollars dus à cette société. La MIBA fut encore mise à l’arrêt pour rouvrir en 2011 avec une production de 243.522 carats seulement.  Comme si cela ne suffisait pas, une partie de la concession (719 km²) avait été cédée d’autorité en l’an 2000 à la société SENGAMINES. Celle-ci va arrêter ses opérations en mars 2005 suite au  manque d’expérience et de l’incompétence de ses dirigeants. Elle est aujourd’hui remplacée par la Société Anhui-Congo d’investissement minier (SACIM) à la suite d’un contrat entre l’Etat congolais et une société chinoise dénommée Anhui foreign economic construction group (AFECC) qui détient 50% du capital.  Le business plan de SACIM prévoyait une production de 600.000 carats en 2013 et de 6 millions à partir de 2016. La société a déjà dépassé ces objectifs. Elle est souvent critiquée pour l’opacité de ses activités.

Un actionnaire privé peut être une alternative crédible

Des pierres de diamant

Actionnaire minoritaire, la SIBEKA proposait, en 2008, de participer au plan de relance de la MIBA qui nécessitait un minimum de 75 millions de dollars en injectant un montant initial de 50 millions de dollars sous forme à convenir avec l’Etat. Ce financement devait être principalement affecté au  paiement régulier des salaires des employés de la MIBA, à la sécurisation des activités minières au sein du polygone de la MIBA et aux investissements nécessaires au redémarrage de la production. L’objectif était d’atteindre fin 2008 une production de 8 millions de carats par an. En contrepartie, SIBEKA souhaitait obtenir de l’Etat congolais le contrôle de la gestion de la MIBA et dans un second temps une participation minimum de 40% au capital de la société sans toutefois rechercher une participation majoritaire. De peur de perdre la poule aux œufs d’or, le gouvernement s’est opposé à tout recours à la SIBEKA. Par ailleurs, le président Joseph Kabila voyait en Kalaa Mpinga, actionnaire principal de SIBEKA, un potentiel adversaire politique si son entreprise parvenait à redresser la MIBA dont dépendait la province du Kasaï Oriental. Il serait considéré comme un héros dans la région et par extension dans tout le pays. La SIBEKA appartenait au départ à la société belge UMICORE (ex- Union Minière du Haut Katanga). Elle vendit en mai 2006 ses participations dans SIBEKA pour 11 millions de dollars à la société Mwana Africa Plc dont le fondateur est le congolais Kalaa Mpinga. Par suite d’un différend, le 29 septembre 2015, au cours d’une assemblée générale, les actionnaires chinois s’entendirent pour prendre le contrôle de la société Mwana Africa. Le jour suivant, soit le 30 septembre 2015, la société Mwana Africa Plc devient Asa Resources Group Plc. La crise financière internationale de fin 2008 qui s’est traduite par une baisse de 60% du prix du diamant ruina tout espoir de redressement de la MIBA. Le 18 novembre 2008, la MIBA connaît un arrêt de ses activités. Au mois de juin 2009, un plan d’urgence au titre de stratégie intérimaire pour la reprise des activités de la MIBA fut mis en place avec le concours du Comité de pilotage de la réforme des entreprises du portefeuille de l’Etat (COPIREP). L’objectif de ce plan était de « sécuriser les actifs miniers et industriels de la MIBA pendant que le processus de certification des réserves sera mis en œuvre pour permettre à la société de négocier soit des financements, soit des partenariats profitables ». Dans cadre, la direction de la société fut confiée à deux experts internationaux. La situation continua à empirer. En 2010, M. Jeffrey Ovian, d’origine canadienne est nommé Président administrateur délégué (PAD) de la MIBA. La société produit alors 243.522 carats de diamants en 2011 puis 500.725 carats en 2012 et 174.262 carats en 2013 contre 9,55 millions de carats en 1990. Des mouvements de grève se multiplient à la suite des retards de paiements des salaires des 5.000 travailleurs. En septembre 2015, la SIBEKA revient dans la gestion de la MIBA qu’elle boycottait depuis 2009. A la suite d’un accord intervenu entre l’Etat congolais et la société SIBEKA, la MIBA est devenue, le 15 septembre 2015, une société anonyme. Le conseil d’administration de la MIBA comptera désormais neuf membres dont trois provenant de SIBEKA. Le Directeur général sera désigné par l’Etat congolais tandis que la SIBEKA désignera le Directeur adjoint. La MIBA espérait que ce nouveau statut allait permettre de trouver des financements pour relancer la production de diamants. Mais l’exploitation est toujours à un niveau minimum avant un nouvel arrêt de la production en 2018. En définitive, pour relancer la MIBA, l’Etat doit cesser de subventionner cette entreprise. Outre le fait que c’est très coûteux, c’est aussi de l’argent perdu. Il n’est pas normal qu’une mine de diamant avec de grands gisements tombe en faillite. Cela démontre de grands déséquilibres financiers et une très mauvaise gouvernance. La solution passe par la cession d’une partie du capital (soit 60%)  à des actionnaires privés par appel d’offres. Cela peut être SIBEKA ou toute autre entreprise privée qui aura satisfait aux conditions posées par l’Etat.

Gaston Mutamba Lukusa

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