La société congolaise malade de « Fake news »

« La balkanisation de la RDC au cœur du sommet UE-UA », c’est le titre d’un « article » rédigé par un certain Robert Kongo, qui est le correspondant en France du quotidien kinois « Le Potentiel ». Dans ce « papier » qui fait le « buzz » tant dans les milieux des « résistants-patriotes », l’auteur rapporte le vrai et le faux.

Le vrai. Un sommet réunissant des dirigeants de l’Europe de 27 et ceux de l’Union Africaine se tiendra du 17 au 18 février prochain à Bruxelles. L’objectif est de lancer un nouveau partenariat entre les deux continents. Le soutien au secteur privé, la paix, la sécurité, la gouvernance, le changement climatique figurent parmi les thèmes retenus.

Une petite explication. Après la fin de la Guerre froide à la fin des années 80, l’Occident avait tourné le dos au continent noir. Et ce au profit des pays de l’ex-Bloc soviétique. « L’aide au développement » n’était plus octroyée qu’aux pays disposés à promouvoir la démocratie et le respect des droits humains. Personne n’avait prévu la montée en puissance de la Chine vingt années plus tard.

Aujourd’hui, le pays de Mao est devenu le rival le plus sérieux de l’Amérique tant au plan économique et militaire. Et pourquoi pas scientifique? Lentement mais sûrement, la Chine a étendu, au cours de ces dix dernières années, ses « tentacules économiques et financières » sur une cinquantaine des Etat de l’Afrique noire. Pékin a même installé une base militaire à Djibouti, au même titre que les Etats-Unis et la France. C’est la stupeur en Occident. L’heure du réveil à sonner pour « réactiver » les « partenaires traditionnels ». La menace islamiste dans le Sahel entre en ligne de compte.

Le Faux. Pour rendre son article plus « sexy », le correspondant du « Potentiel » a fait preuve « d’inventivité » en prétendant que « la balkanisation de la RDC [sera] au cœur du sommet UE-UA ». Traduction: le Rwanda de Paul Kagame entendrait, avec le concours de la Belgique, exiger une rectification du tracé des frontières héritées de la décolonisation.

La mission d’un journalise, devrait-on rappeler, consiste à rapporter des faits et des opinions. Le respect de la vérité est une obligation fondamentale. La Charte d’éthique mondiale des journalistes oblige ceux-ci à ne rapporter que des faits dont ils connaissent l’origine, autrement dit la source. Il va sans dire que la rumeur n’est pas considérée comme une source d’information. En visionnant des médias congolais diffusés sur YouTube, il n’est pas rare d’entendre un journaliste commencer sa phrase par « on dit que… ».

En fouillant l’article du correspondant du « Potentiel », on cherche en vain un « fait » quelconque extrait d’un communiqué de l’UE ou encore une déclaration émanant d’un représentant des « 27 ». Robert Kongo n’a pas résisté à la tentation consistant à combler le manque des faits par des commentaires voire des supputations. Selon lui, ce sont « plusieurs sources européennes intéressées » qui l’auraient « tuyauté » que le « projet de balkanisation de la RDC sera également abordé lors des discussions ». Notre « confrère » exhorte les « Congolais à faire échec à ce plan ».

A Kinshasa, le représentant de l’Union Européenne, Jean-Marc Châtaigner, a démenti, vendredi 4 février, les assertions du correspondant du Potentiel en martelant qu’il est « important de lutter contre la diffusion des fausses informations et ne pas colporter des rumeurs diffamatoires et préjudiciables à l’intérêt général ».

 

 

Que l’on se comprenne bien. Aucun Congolais, sain de corps et d’esprit, ne met en doute les velléités expansionnistes du Rwanda et de l’Ouganda. Aucun Congolais n’ignore que ces deux pays lorgnent sur les ressources que regorgent les deux province du Kivu et l’Ituri. Aucun Congolais n’ignore enfin qu’à travers les brassages et autres mixages, le Congo-Kinshasa est infiltré par des agents étrangers. Durant les dix-huit années de pouvoir de « Joseph Kabila », le Rwanda a placé une véritable « cinquième colonne » dans les forces de sécurité congolaises (armée, police, services de renseignements civils et militaires).

Le 11 janvier 2022, un tweet tiré de la capture d’écran circule sur les réseaux sociaux. On lit: « Belgique: Didier Reynders tacle Felix Tshisekedi sur sa gestion calamiteuse ». Ceux qui connaissent la politique belge ont vite démasqué un fake news. Et pour cause, depuis le 10 septembre 2019, le Belge Didier Reynders est devenu commissaire européen. Il a en charge la Justice. Depuis cette date, il n’est plus habilité à intervenir dans les « affaires domestiques » du Royaume.

Autre fake news. Le samedi 15 janvier 2022, en pleine crise née au sein de l’UDPS – suite à la « démission » de Jean-Marc Kabund de ses fonctions de 1er vice-président de l’Assemblée nationale -, un document apparemment authentique circule sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’un « mandat spécial » désignant Augustin Kabuya au poste de secrétaire général de cette formation politique en remplacement de Jean-Marc Kabund. Le document porte la signature authentique de Felix Tshisekedi Tshilombo. Après vérification, il s’agissait d’un faux particulièrement ingénieux. Un malin a falsifié le « mandat spécial » donné le 22 janvier 2019 à Kabund. Seuls le nom du mandataire et la date ont été modifiés.

Dès le lendemain, certains commentateurs se sont empressés de crier à la violation de l’article 96 de la Constitution interdisant au Président de la République « d’exercer toute responsabilité dans un parti politique ». La fake news pourrait à la longue devenir une menace potentielle pour la paix sociale et la sécurité.

On le voit, la société congolaise – qui comptait 18 millions d’adultes qui ne savaient ni lire ni écrire en 2016 – est malade. Elle est malade de tous ces journalistes qui confondent leur métier avec celui de propagandiste ou d’agent publicitaire. Elle est également malade de tous ces politiciens, intellectuellement paresseux, qui ont érigé les réseaux sociaux en principale source d’information, au point de se contenter de fake news pour bâtir tout un discours politique…


Baudouin Amba Wetshi

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